Ce qu'on ferait pas pour des patates [Fermé]

Liseron :

C'était... C'était un peu compliqué pour elle là maintenant, il s'en rendait compte ? Non parce qu'il avait de la chance quand même qu'elle ne soit pas rancunière, une autre fille lui aurait sans doute jamais pardonné ! D'abord il critiquait ses cheveux, ensuite il la frappait, et puis il lui criait dessus - Liseron n'avait rien demandé, si ce n'était de partir à la chasse aux patates avec son seul ami humain. C'était peut être aussi pour ça que c'était le seul : s'ils étaient tous aussi violents alors Liseron n'en voulait pas un de plus ! Elle ravala simplement sa salive, avant de se retourner une fois de plus pour faire ce qu'elle avait à faire - même s'il ne faut jamais tourner le dos à quelqu'un par temps de crise dans la forêt en pleine nuit. Surtout qu'on aurait dit que Ryan ne maitrisait pas ses pulsions - il n'a pas réfléchi deux fois avant de propulser une pomme de terre sur elle ou avant de la gronder comme une petite fille. Ils seront bien aidés quand il l'aura tuée (même s'il affirmait qu'il ne le ferait pas) sur un coup de tête, avant de s'écrier "désolé ! Je ne l'ai pas fait exprès". Elle se mit à essuyer méticuleusement et très doucement la purée étalée partout sur ses seins de schtroumpf, en grimaçant de peine à chaque fois qu'elle appuyait un peu trop fort. Sa peau frémissante était maintenant aussi dure que de la pierre. Des seins-cailloux-bleus. Et enflés, très enflés. Elle avait dû gagner une taille de bonnet au moins ! Là par contre, elle savait pas trop si elle devait se réjouir ou s'inquiéter. Quand elle eut fini, elle fit face à Ryan qui claquait des dents, et lui rendit son t-shirt tout tâché des restes de leurs filles.

- M-merci. Et... Désolée, maintenant ton t-shirt est sale... En-enfin, façon de voir les choses. Il sent bon en tout cas !

Elle l'avait imprégné de l'odeur de ses larmes, de la patate douce, et d'un tout petit peu de son parfum aux notes fruitées. Donc pour Liseron, ça sentait bon. Mais ça sonnait quand même bizarre, après coup. 

- Euh, p-pardon ! Ou... Oublie ce que je viens de dire. 

Elle baissa les yeux sur Rose ou Doucette, allongée nonchalamment dans l'herbe, et étouffa un bâillement. Elle aurait voulu imiter sa fille. Pleurer, ça donne sommeil. 

Ryan :

Le temps que Liseron essuie ses pauvres seins meurtris, Ryan, lui, en profita pour analyser et juger tout ces choix de vie qui l'ont ramené...ici. Non parce que, sans offense, mais c'était bien la première fois que le blond passait une soirée pareille, à chasser des patates et à frapper des petites filles ! Il savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose, mais il savait que c'était une soirée mémorable, en tout cas.

Quand la violette lui tendit son t-shirt, Ryan grimaça. Elle s'attendait à quoi, à qu'il le remette ? Alors qu'il était tâché de purée et de larmes ? Ryan était content d'avoir mis un t-shirt acheté à Walmart, parce que si c'était pour qu'il finisse comme ça...

- Euh...Non, sans offense, mais je vais pas le remettre après que tu te sois tripotée avec.

Liseron :

Alors là, là… Là, il dépassait les bornes ! Liseron, qui commençait pourtant à regagner son calme, se mit à respirer comme une locomotive. Autrement dit, un magma de colère remontait en elle.

- T-t-tripotée !! Tu te fiches de moi ! T-t’as… T’as vraiment l’esprit mal placé, y a… Y  a rien qu’à voir où tu vises !

Ou bien il était sacrément désagréable par nature, ou bien c’était une technique pour la faire dépenser de l’énergie plus vite, afin d’abuser de ses pouvoirs sur une pauvre demoiselle éreintée par la fatigue, la douleur, la colère, le traumatisme d’avoir des seins bleus. Eh bah, il pouvait toujours courir ! Liseron a fait une nuit complète, hier, 9 heures de sommeil, bim, elle est en pleine forme !

- Tu… Tu sais quoi, t’as raison, le remet pas, c-c-comme ça tu vas crever de froid !

Et TOC ! La jeune fille jeta rageusement le t-shirt au sol. Grave erreur. Le mouvement lui arracha un petit cri de douleur. « Pas bouger, pas bouger ! », elle entendrait presque ses seins lui crier. Presque, elle est pas sûre, parce que dans la seconde qui suit, elle sait pas trop ce qui fait le plus mal… Ses seins, ou sa tête qui se heurte contre le sol ? Pouf, la prêtresse des patates s’écroule comme un… Sac à patates, elle est partie rejoindre Beyoncé dans l’haut-delà.

Ryan :

Elle était bien ingrate, celle-là, après qu'il lui ai offert son t-shirt, elle ose l'insulter comme ça ?! Ryan se sentait prêt à démarrer au quart de tour, à lui régler son compte à cette fanatique de patates...Sauf que...

- Li...Liseron ?

Bam. C'était peut-être la douleur qui lui était monté à la tête, l'excès de colère, peut-être que les patates étaient radioactives et, entrant en contact avec sa peau, l'avaient infectée...Mais n'importe comment, Liseron s'était affalée sur le sol. Et Ryan ne savait pas quoi faire. 

- ...Tu vas bien ? Eh ?

Est-ce qu'elle venait de mourir sous ses yeux ? Ryan sentait la panique l'envahir. Il était là, avec un cadavre, dans la forêt, torse nu, qu'allaient-dire les policiers en le voyant comme ça ? Lentement, il s'approcha du corps meurtri de la jeune fille, et se risqua à lui toucher l'épaule.

- D-debout...Meurs pas, s'il te plaît...

Liseron :

Aaaaaarghhh sa maman la patate cramée !!! Ca faisait bougrement mal, tellement mal qu'elle n'arrivait plus à ouvrir la bouche, plus à parler, plus à bouger, plus à rien, sauf à être étendue là comme une morte qu'elle allait peut-être devenir si Ryan perdait son sang-froid. Une sorte de mini-coma, quoi. Raide comme une branche, les yeux clignant et les sourcils se fronçant furieusement de frustration, elle tentait tant bien que mal de se redresser. La douleur sourde qui retentissait dans sa tête, en écho dans sa nuque et ses épaules que Ryan vint toucher innocemment, délia finalement sa langue et lui arracha un cri de souris ridicule. Mon dieu, elle pouvait parler ? Son mutisme avait beau n'avoir duré qu'une minute tout au plus, ça lui avait paru en être vingt. Essayez de la boucler quand vous avez pleins de trucs à dire, pour voir ; c'est un petit peu compliqué. Liseron se mit à faire des vocalismes comme pour se rassurer, avant de décréter :

- Je... Je ne suis pas morte. Pas encore.

Elle sourit, soulagée. Plus de peur que de mal (tout juste). Sauf que... 

- J-je... Ne... Peux pas bouger. P-pas même l’auriculaire. 

Ryan :

C'était...rassurant. Elle n'était pas morte, même si au vu de son mal-être apparent, elle allait le devenir si il ne faisait pas quelque chose rapidement. Il laissa échapper un soupir apaisé - mais pour combien de temps ? Comment est-ce qu'ils allaient faire ?? Est-ce qu'il allait devoir appeler un taxi...en plein milieu de la forêt ??

- B-bon, euh...(peut-être qu'il aurait dû le remettre, ce t-shirt, parce qu'il faisait sacrément froid!) Je...je vais te ramener au p-pensionnat, p-peut-être que l'infirmière est encore l-là..

Avec un peu de chance. Ryan se sentait pas de faire tout le chemin jusqu'à l'hôpital, surtout qu'il était à moitié nu, il risquerait de crever sur le chemin. Inspirant, il prit le temps de s'étirer avant de se pencher vers Liseron...puis de s'arrêter.

- Tu...tu peux pas bouger..du tout ?

Liseron :

Su-per. Sa chute, c'était la cerise pourrie sur le gâteau véreux de leur promenade. Tout avait si bien commencé, pourquoi avait-il fallu qu'ils se disputent, et qu'elle se retrouve dans un état si lamentable ! Elle ne pouvait même pas se vanter d'une quelconque aventure rocambolesque à ses amis (attendez... Quels amis ?), parce que non, elle revenait pas d'un parcours du combattant sur une île tropicale, juste d'une balade en forêt à la recherche de patates qui a mal tourné. Alors qu'au départ, elle en voulait sacrément à Ryan, désormais, elle culpabilisait ; sérieux, est-ce que c'était juste le fait qu'elle soit une fille (pas pour renforcer les clichés, mais cela va sans dire qu'un dos féminin, ça encaisse un peu moins bien que des épaules carrées), ou le fait que ce soit elle qui la destine à être paralysée après sa chute ? Maudit corps ! Elle se mit à balbutier, détournant le regard, visiblement gênée, et agacée.

- B-bah non ! S-si... Sinon je l'aurais fait ! Je... C-c'est pas ma faute, d-d'accord ? Je... Je suis désolée !

Elle était pas sûre de pourquoi elle s'excusait, surtout que ça allait pas très bien avec son "c'est pas ma faute" - mais un légume, c'est toujours un fardeau pour celui qui doit s'en occuper. Surtout quand le légume parle et se plaint. 

Ryan : 

Oh, doux Jésus Marie Joseph-

Le blond soupire, son agacement apparent. Génial. Il était donc coincé dans la forêt, à moitié nu, avec une paraplégique comme seule compagnon. Pour l'instant, même si il devrait sûrement s'inquiéter de la condition de Liseron, Ryan s'en fichait totalement - comment est-ce qu'il allait faire pour la ramener au pensionnat ?!

- ..Okay. Ne bouge pas, d'accord ?

Il prend une respiration, avant de se baisser pour tenter de porter le corps avachi de la jeune fille - il le contorsionne, le bouge jusqu'à trouver la bonne position, et il réussit enfin à la mettre sur son dos. Ryan la remet en place, et il expire, déjà à bout de souffle.

- Tout va bien ?

Liseron :

Sapristi, c'est qu'il est bête ou bien ? Bouger !!

- Je... Je risque pas. 

Fallait que le cynisme refasse surface une seconde - et à choisir, elle préférait être désagréable que de s'excuser pour quelque chose alors que ça ne lui incombait pas vu son état. La délicatesse, c'est vraiment pas son fort, à Ryan - il la prend comme un sac à patates, et respire comme un bœuf qui tire une charrue. C'en est presque vexant, à croire qu'elle pèse une tonne ! Liseron aimerait bien hocher la tête parce que parler c'est pour les nuls, mais sa paralysie l'en empêche et puis de toute façon Ryan ne peut pas la voir, comme elle est perchée sur son dos. D'ailleurs, il est pas moche, son dos. BREF.

- N... Moui. On-on va dire que oui.

C'était pas vraiment vrai, mais c'est pas comme s'il pouvait y faire quelque chose. Là, ce qui importait, c'était qu'ils rentrent vite, et en un morceau. La forêt, de nuit, ça fait peur.

Ryan :

Ryan resserre sa poigne sur les jambes de Liseron, il pause le temps de se préparer à ce chemin - comme si il allait devoir traverser le Sahara à pieds. Il réprime un ricanement, et se baisse légèrement pour prendre son sac dans sa main, comme si il portait pas déjà assez de marchandise.

- ..D'accord. On va au pensionnat, et puis...vedremo.

Dans le pire des cas, il la laissera pourrir sous son lit, et la nourrira de bouts de chips pour qu'elle crève pas de faim - les chips, c'était à base de patates, non ? 

Le chemin vers le pensionnat se passa dans le silence, les occasionnels bruits étant des branches qui se craquaient ou des animaux non identifiés qui couraient entre les buissons. Avec le froid, la peur et la culpabilité, Ryan sentait qu'il allait s'écrouler au premier moment venu. En voyant le pensionnat au loin, il se décida à prendre la parole - la première fois depuis quinze minutes de marche silencieuse.

- Tu...Tu veux que j't'emmène chez l'infirmier ?