Ce qu'on ferait pas pour des patates [Fermé]

Liseron :

Liseron ne trouvait pas ça drôle. Ni très malin - il allait accélérer leur mise à mort. Elle se détourna de Ryan, croisant les bras, et épiant les alentours.

- A... Arrête. Les animaux savent quand on se perd. Ils connaissent trop bien la lumière qu'émettent les promeneurs égarés. T-tu as donné l'alerte pour qu'ils nous tuent.

C'était très... Dramatique, la façon dont elle avait prononcé cette phrase. Enfin, avant de mourir, autant dire quelque chose qui marque (un peu) les esprits. La jeune fille baissa les yeux sur leurs patates, roses, silencieuses, insouciantes dans leur nid (son sac). 

- Tu sais faire du feu ?

Déjà que c'était dur de manger ses enfants, alors les manger crus ! Ce n'était pas une option. Elle se retourna vers Ryan, le regard lourd de reproches.

- D-déjà, j-j'ai vu assez de films d'horreur pour savoir que les amis deviennent les pires ennemis dans des situations comme celles-ci. Je... Je sais que tu vas vouloir manger nos enfants tout seul, ou pire encore. M-mais qu'on se le dise : c'est toi qui va mourir en premier. Tu... Tu aurais dû m'écouter et prendre ta veste.

Il allait mourir de froid - c'est ce qu'elle sous-entendait. Liseron avait l'impression d'être dans Hunger Games, même si son ami n'avait fait preuve d'aucune hostilité à son égard. Sa paranoia refaisait surface de temps à autre. Les gens peuvent être intéressants, ils ne sont pas forcément dignes de confiance. 

Ryan :

Les animaux ? Le blond souffla un rire, éteignit sa lampe torche et croisa les bras. 

- À part des patates sauvages, je pense pas que y ait masse animaux, ici !

À vrai dire, Ryan n’en savait rien et il allait probablement se chier dessus au moindre bruit, mais toutes les occasions étaient bonnes pour passer pour un aventurier courageux et trop stylé.

- Pas besoin, j’ai la flamme de la jeunesse qui brûle en moi !

Elle semblait pas convaincue par ses idées - mafoi, douteuses. Ils avaient pas à s’inquiéter de toute façon, au moins, si ils en viendraient à crever, Ryan aura vécu une vie pleine de likes et de follow-backs. Il avait pas de regret !

En entendant Liseron répliquer, Ryan fronça les sourcils. Est-ce qu’elle sous-entendait qu’elle comptait le bouffer aussi ? Est-ce qu’ils allaient devoir se battre ? Il allait sûrement lui jeter Beyoncé à la gueule si elle tentait de le taper.

- Pardon ? C’est toi qui va mourrir en premier, tu vas te faire remarquer avec ta grosse tignasse violette.

C’était gratuit, mais elle touchait son amour-propre, là !

- J’ai regardé Frozen trois fois, j’suis un disciple de la glace, maintenant.

Liseron :

Ryan enchaînait les blagues - à vrai dire elles étaient plutôt drôles, mais pas dans ses circonstances. Sans doute parce que ça stressait Liseron encore plus de se dire qu'elle était la seule à paniquer, et que son ami-ennemi en devenir tournait la situation en dérision. Elle ouvrit de grands yeux à sa petite pique. Ses cheveux c'était sa fierté ! Pour qui il se prenait à les critiquer ? Elle fulminait intérieurement. Bougre de patate moisie ! C'était plus qu'elle ne pouvait en supporter - oui, sous ses airs de fille réservée, calme et docile, elle était très soupe au lait. La guerre était déclarée. 

- Ce... C-ça suffit !! Si... Si tu voulais mourir de mes mains, i-il fallait le dire plus tôt ! P-pas besoin de m'insulter pour ça, je... J-je vais m'en donner à coeur joie !!

Le petit hic, c'était que plus Liseron s'énervait, plus elle bégayait, et plus ça la mettait en colère. C'était un cercle sans fin. Déjà, il fallait protéger le contenu de son cabas coûte que coûte. Si la tentation de fuir à toutes jambes la démangeait, son manque d'endurance, de rapidité, de... De tout, la desservait, et le risque de manger un chêne au passage était trop important.

Ses moyens sont petits mais son instinct de survie est grand, lui. Alors Liseron fit quelque chose de tout à fait aberrant : comme elle savait l'affection que portait Ryan pour Beyoncé, elle la saisit précipitamment, empoigna Rose ou Doucette, et fit passer les deux soeurs par dessous son col Claudine, pour les loger dans son soutien-gorge, à l'abri des regards et des mains mal avisées. Ce n'était pas la honte qui l'animait après la réalisation de son geste, mais la plus monumentale des fiertés : de toute évidence, Ryan ne se permettrait pas d'aller les récupérer. 

- ... V-voilà, qu'est ce que tu vas faire maintenant, monsieur le disciple de la glace ?

Ryan :

Liseron était coriace. Ryan était...perplexe.

Il eut un black-out pendant quelque secondes, voyant sa vie défiler devant ses yeux, le temps qu’il puisse remettre en question tout ce qu’il avait connu depuis ce jour. Elle venait vraiment de mettre deux patates dans son soutien gorge ? Un flash lui apparut, et il réalisa avec horreur que fichtre, Beyoncé était parmis les victimes ! Beyoncé, la chair de sa purée, le sang de son ketchup, avait été prise en otage par sa propre mère.

Ryan eut un élan de courage : son esprit paternel agit, et il saisit la patate restante pour la jeter vers Liseron. 

- BEYONCÉEEEEEEE !

Il y était pas allée de main morte, la patate était atterrie vers le torse de la jeune fille - là où étaient ses deux soeurs. Étaient, parce que maintenant, elles avaient dû se transformer en purée. Ryan se sentit fier un moment, parce que toutes ses séances de natation lui avaient musclé les bras...Mais il se sentit moins fier en pensant au fait que ouch, ça devait faire mal.

- ...L-Liseron ! Oh mon dieu, j’ai pas fait exprès !!

Liseron :

La jeune fille se tenait bien droite, le torse bombé, ses patates-prothèses fièrement engoncées dans leurs balconnets. Elle défiait Ryan du regard - pas trop quand même, parce qu'elle se préparait à tout. Enfin, "tout" est un bien grand mot. Elle n'était pas prête pour ces représailles là.

Bam.

Touchée. La respiration de Liseron avait cessé, le temps de l'impact, temps qui parut infiniment long. Il l'avait frappée. Sur la poitrine - celle qu'elle exposait tantôt, sans se douter qu'elle serait prise pour cible. La patate (Rose ? Doucette ?) avait percuté ses deux soeurs - double aïe. C'était une douleur sourde - purée ! C'est le cas de le dire : Beyoncé et sa jumelle étaient en purée sous son chemisier. Liseron se plia en deux, les larmes aux yeux, tenant ses seins (ou ce qu'il en restait ? Elle savait plus trop, ils ont pris cher les pauvres) à pleines mains. 

- MES... MES SEINS ! TU AS LITTERALLEMENT ÉCRASÉ MES SEINS, JE VAIS MOURIR DE SEINS ÉCRASÉS DANS LA FORÊT !!

Ryan :

Ryan s’attendait pas à une telle réaction. Bon, il avait pas de seins, lui, alors il devait pas comprendre la douleur, mais elle semblait vraiment avoir mal. Il se sentait presque mal d’avoir réagi si violemment.

- P-pardon !! J’ai pas fait exprès, j’te jure !! 

La pauvre patate jonchait sur le sol, insouciante. Liseron se mit à crier et il baissa les yeux sur le sol, honteux. Comment est-ce qu’il pourrait se faire pardonner ? Lui offrir des seins ?!

Dans un élan de bonté, il porta une main à (ce qui restait de) l’un des seins de Liseron.

- Regarde, il va bien !

C’était...pas la meilleure chose à dire. Le regard de Liseron semblait le poignarder vif. Paniqué, il retira sa main et s’éloigna rapidement.

- Me tape pas !!

Liseron :

Liseron reniflait lamentablement, sa fierté avait déserté, et elle ne savait plus trop ce qu'elle ressentait. Elle était folle de rage, bien sûr, mais la douleur monopolisait tout son intérêt, alors elle ne dit rien tandis que Ryan se confondait en excuses. Eh mais... QU'EST-CE QUE ???

- AÏE !!

Sa main intrusive déclencha une sensation de vive brûlure au coeur de sa pauvre petite poitrine écrabouillée. Mais d'ailleurs, aussi... Depuis quand on touche les seins d'une fille sans demander ?! Quel sans-gêne alors !!

- MAIS... MAIS... M-MAIS CA VA PAS ? TOUCHE PAS !

Liseron, cramoisie, entoura ses seins de ses bras, avant de se mettre à geindre presque aussitôt. Aucun contact avec eux n'était permis : ça faisait juste trop mal, de sa poitrine à ses aisselles, et bouger le haut de son petit corps frêle était devenu tâche très laborieuse. Ca allait être très pénible de passer la nuit (ou de mourir ?) ici dans ces conditions. Maintenant, elle était vraiment vulnérable, et même si Ryan semblait sincère, elle avait peur de lui. Dans son état fragile, il pouvait la tuer les doigts dans le nez. La jeune fille se retourna pour pleurer, et jeter un oeil dans son décolleté. Diagnostic : état critique. Verdict final : ses seins existent toujours, dieu soit loué. Mais ils sont rouges vifs et tremblants, comme parcourus de tous petits spasmes. On dirait des pommes vivantes et un peu cabossées. C'était franchement inquiétant. Entre deux sanglots, elle réussit à formuler, dos à son agresseur :

- D-donne... Donne moi un mouchoir s'il te plaît. Y a... Y a de la purée de Beyoncé partout...

Ryan :

Elle semblait vivre un calvaire. Ryan savait pas trop où se placer, en même temps, tout ce qu’il faisait semblait être mal interprété. Et puis, la culpabilité lui brûlaita gorge à lui aussi. C’était pas son jour de chance ! Lui qui pensait s’être fait une amie, il lui avait jeté une patate sur les seins - et elle ne voudra sans doute plus entendre parler de lui. Alors qu’il se morfondait sur son sort, elle parla d’une voix sanglotante, et Ryan sentit son coeur se tordre.

- J-j’ai pas de mouchoirs, désolée...

Même pour ça, il ne pouvait rien faire ! Il se sentait vraiment impuissant, tout d’un coup. 

- A-Attends, j’ai peut-être...

L’idée était pas des plus ingénieuses, mais il lui fallait un bout de tissu pour essuyer toute cette purée ; Ryan entreprit donc d’enlever son t-shirt (en tout bien tout honneur) et le tendit à Liseron. C’était pas pour montrer ses muscles, parce qu’il était pas bête et savait que déjà qu’il avait pas de veste, il avait encore plus de risque de crever de froid...Mais c’était au moins pour se faire pardonner.

- Tu m’le redonneras, hein ? I-il fait un peu froid...

Liseron :

Liseron marquait super facilement, alors elle avait l’habitude des bleus, mais ce qu’elle vit la glaça d’effroi. Sous ses yeux ébahis, ses seins se métamorphosaient à la vitesse de l’éclair : sa gorge toute rouge il y a deux minutes à peine se parait désormais de jolis hématomes bleuâtres. La malheureuse contemplait ses seins violacés, l’air abattu. Qu’allait-il advenir d’eux ? Après le bleu cadavérique, vont-ils devenir vert shrek ? Une chose était sûre : plus de maillot de bain avant l’été prochain.

- Je ressemble à une femme battue.

On était pas loin de la vérité : après tout, c’est le père de ses enfants qui lui a affligé ça. La couleur qu’arborait sa poitrine meurtrie lui évoquait autre chose, d’ailleurs…

- On… On-on dirait que j’ai des cernes aux seins aussi !!

Elle s’était écriée ceci d’une petite voix plaintive. En vrai, ça ne servait à rien qu’elle le dise (sauf peut-être pour accabler Ryan de remords ?) ; les choses n’allaient pas changer parce qu’elle en faisait le constat à voix haute en s’insurgeant, mais c’était toujours bon pour le moral de se plaindre. Lorsque Ryan prit de nouveau la parole, elle réussit à pivoter sur ses jambes pour lui faire face. Elle le fixait d’un air inquisiteur à travers ses larmes. Il ôta son t-shirt, et, tout d’abord, Liseron ne comprit pas très bien le pourquoi du comment, se mit à rougir et à s’agiter sensiblement. Mais… C’était pour qu’elle se rince l’œil au moins une fois dans sa vie avant de mourir ??? Ah… Non. Liseron réussit à saisir le vêtement, d’un bras hésitant. C’était une gentille attention, il fallait se l’avouer : il sacrifiait son confort pour elle. Et, quelque part, s’il consentait à se déshabiller par ce froid, c’était sans doute qu’il ne craignait pas de prendre des risques en se mettant dans une posture délicate (et si elle ne lui rendait pas son t-shirt, rien que pour se venger ? Et si elle le laissait dépérir dans un coin en position fœtale ??). Donc ça voulait dire que…

- Tu… T-tu vas pas essayer de me tuer ?

Ryan :

Alors que Liseron semblait inspecter ses seins meurtris, Ryan gelait sur place. Il regrettait presque  son acte de gentillesse. Déjà qu’il lui faisait une faveur, elle hésitait quand même à l’accepter ?! Est-ce qu’il avait l’air d’un tueur ?! Il en était presque vexé. Boudeur, il croisa les bras sur son torse nu, suppressant un frisson.

- Si tu le veux pas, j’peux l’reprendre !

En voyant la mine déconfite de la jeune fille, il se rendit compte que encore une fois, il avait réagi trop violemment. Elle avait l’air misérable, à le regarder sous ses larmes en se serrant les seins, et il arrangeait pas les choses en lui gueulant dessus ! Visiblement, il fallait l’approcher comme un chaton apeuré, en douceur et calmement.

Le blond, tremblotant rongé par la culpabilité - et le froid - lâcha un soupir et reprit, plus doucement cette fois.

- Je...N-Non, j-je vais pas t-t tuer. Désolé.