• top ten things that are a burden to the world; number one: men. [privé]


    Mardi 28 Septembre 2021 à 20:46
    Weana

    sasha;

    Le haut de sa veste recouvrait le bas de son visage tiraillé par la fatigue et l'ennui. On était samedi, Sasha aurait pu passer sa matinée à la bibliothèque à lire ou réviser. C'était ce qu'elle avait prévu, en tout cas. Mais ce n'était pas ce qui allait se passer. Et Sasha n'aimait pas beaucoup les imprévus.

    Vers 8h30, elle avait reçu un sms d'un numéro inconnu. "Rejoins moi dans une heure devant la galerie marchande du centre ville, faut que j'te rende ton pull." Le message n'était pas signé, Sasha ne se souvenait pas d'avoir prêté son pull à quelqu'un alors elle ignora le message, ne prenant pas la peine de signifier à son expéditeur qu'il s'était surement trompé de numéro. Puis un nouveau tintement raisonna aux oreilles de la russe qui jeta un second coup d'oeil à son écran. "C'est Selma."

    Sasha soupira et gonfla les joues. Elle avait consciemment choisi d'oublier cet événement mais elle avait effectivement prêté son sweat-shirt à la brune. Elle ne tenait pas forcément à son pull mais elle doutait que Selma allait l'envoyer balader si elle lui répondait qu'elle pouvait le garder. C'est ça qui motiva l'étudiante à tirer une croix sur la matinée paisible pour aller plonger dans le ramdam du centre ville. Juste ça. Parce que Sasha n'avait pas du tout envie de voir celle qu'elle considérait comme sa némésis. 

    La jeune fille, bien que pas vraiment ravie, fut ponctuelle. Elle n'aimait pas les imprévus, elle n'aimait pas beaucoup Selma et elle n'aimait pas qu'on soit en retard. Dommage pour elle, la mauritanienne arriva une bonne dizaine de minutes après l'heure qu'elle avait elle même fixée.

    Elle l'entendit avant de la voir, sans savoir que le cliquetis régulier des talons provenait d'elle, même si elle aurait pu s'en douter. La plus jeune avait les yeux rivés sur son téléphone, très peu désireuse de croiser le regard d'un inconnu. C'est un raclement de gorge sec qui lui fit lever le regard. Elle remonta ses lunettes sur son nez et observa un moment Selma, son air un peu agacé et le sac qu'elle tenait dans la main.

    Elle aurait pu lui dire bonjour, être cordiale, ne pas mettre de l'huile sur le feu, faire un effort. Mais on était samedi matin, elle n'était pas du tout ou elle avait prévu d'être, avec une personne qu'elle n'avait pas prévu de voir et qui provoquait des réactions bien contradictoires en elle. Alors elle se racla la gorge et déclara:

    — T'es en retard.

    Si la laverie n'avait pas été la scène de leur joute à mort, peut-être qu'une rue animée du centre-ville pouvait remplir ce rôle. Car il n'était pas exclu que les deux jeunes femmes, allégories de la patience et de la douceur (non), finissent par s'étriper.

    Mardi 6 Septembre 2022 à 16:38
    Cafevy

    selma jallab;

    Samedi matin. Samedi matin et un pull qu'elle trouvait tout à fait disgracieux sur les bras, ou plutôt trônant maladroitement sur une chaise qui habillait une chambre partagée, pour son plus grand malheur, avec quelques camarades qu'elle ne prenait jamais le temps de connaitre. L'air était plus frais ailleurs. L'herbe bien plus verte, et si la campagne n'était décidément pas sa tasse de thé, loin de là, Selma préférait arpenter les rues alentours aux ennuies qui découlaient forcément d'une apathie qui caractérisait bien des étudiants les week-end.

    Samedi matin. 08:30 sur l'écran d'un téléphone dégainée avec une facilité déconcertante et des touches sur lesquelles on pianotait à la vitesse de la lumière, les ongles claquant régulièrement sur des lettres qui n'avaient certainement pas demandé qu'on les maltraitent de la sorte. Un pull à rendre, donc, à sa meilleure ennemie. Incapable de se rappeler qui avait pu bien commencer ces hostilités pleines d'immaturités, Selma n'avait jamais fait en sorte de mettre de l'eau sur le feu. Au contraire, son truc, c'était plus l'huile. Son truc, c'était plus de voir tout brûler, relents immémoriaux d'une nature qui avait perdu de sa superbe et qui ne savait plus que disparaitre aux yeux impudents. Enfin, quand on aurait la décence de rendre à ceux de son espèce les pleins pouvoirs sur leur essence. Une question épineuse qui alimentait une flamme qui ne tarissait pourtant pas de combustible.

    Rejoins moi dans une heure devant la galerie marchande du centre ville, faut que j'te rende ton pull.

    Son numéro, Selma l'avait dument soutiré à une camarade (pour une fois qu'elles servaient à quelque chose). Un numéro que son interlocutrice n'avait pas. Pourquoi faire de toute façon, si ce n'était s'envoyer des missives doucereuses dégoulinantes d'une ironie et d'un sarcasme que chacune maitrisait à la perfection et qu'elle s'employait toujours à utiliser de la plus agréable des manières en présence l'une de l'autre. Une belle histoire d'amour en devenir. Quelques minutes passèrent, et un éclair de génie qui tapait encore plus vite sur son écran.

    C'est Selma.

    Le téléphone jeté à la va-vite sur un lit encore défait, l'étudiante se précipitait à son armoire, salvatrice de bonne humeur. Et, quand Selma avait fait de son mieux pour se presser (elle avait, en réalité, pris tout son temps pour assortir avec gout la moindre pièce, le moindre tissu qui ornait désormais sa silhouette), attrapant à la volée son sac, l'horloge n'avait pas eu la merveilleuse idée de s'arrêter, bien au contraire.

    9:45 sur l'écran.

    Un retard de quelques minutes et une voix bien désagréable qui remplaçait le tintement régulier de talons contre un carrelage habituel des centres commerciaux. T'es en retard. L'air las et agacé, la politesse semblait de rigueur. C'était bien pour cette raison qu'elle arborait son plus beau sourire, ceux qu'elle servait toujours, ceux qui agaçaient et tapaient sur le système. A moins que ce ne soit simplement leur propriétaire, qui savait ennuyer par sa propre présence. Ce genre de question, Selma ne se les posaient pas, et préférait lever les yeux au ciel.

    — Faut savoir se faire désirer.

    Et pour se faire désirer, la mauritanienne se faisait toujours particulièrement bien désirer.

    — Pas la peine de me remercier, surtout.

    Le talon tapant frénétiquement le sol, Selma sortait rapidement un pull qu'elle avait gentiment pris le soin de laver. Et de plier, avec plus ou moins de succès, surtout dans le sac qu'elle avait pris pour le lui rendre.

    — Et, hm, merci.

    Quelques mots qui lui écorchaient la gorge, quand elle se voyait remercier la personne qu'elle détestait le plus sur cette foutue terre. Une réponse exagérée ? A peine, quand la haine n'excluait pas quelques sentiments contraires qui lui échappaient pourtant avec une facilité déconcertante, elle qui pensait toujours tout voir avant les autres. Surtout avec ses amies. Ce que n'était certainement pas Sasha et la ordre de pull qu'elle semblait élever.

    Un mot de remerciement, c'était bien ce qu'elle pouvait faire pour lui avoir évité un rhume certain après cette tempête de malheur qui s'était abattue sur le pensionnat. Mais qu'elle ne s'attendait pas à plus. Jamais. Ô grand jamais.

     




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