Ce qu'on ferait pas pour des patates [Fermé]

Liseron :

- Ah... D'accord. 

C'était pas tout à fait la réponse qu'elle attendait. Vu tout son attirail et sa tenue tout terrain, elle pensait qu'il mettrait volontier les mains à la pâte. Tant pis ! Ou tant mieux ? Les choses iraient plus vite comme ça. Liseron retroussa les manches de sa veste, et enfouie ses mains gantées dans la terre humide sans hésitation. Dans le feu de l'action, elle se dit qu'elle aurait dû se faire un chignon, parce que ses longs cheveux traînaient au sol et que c'était pas super, pis un tablier aurait été de mise aussi, éventuellement. M'enfin - pour l'amour des patates, elle continuait de fouiller. Celles-ci étaient d'ailleurs bien cachées. Liseron perdait patience, ses doigts raclaient le fond d'un trou béant dans la terre, sans que... Oh ! 

- Il y en a une !

Elle touchait du doigt une petite bosse rose foncée qui dépassait. Avec un regard attendri, elle acheva de cueillir la pomme de terre.

- C'est une patate douce.

Ryan :

Liseron la regardait comme si c’était son propre enfant. En voyant la jeune fille plonger ses mains dans la terre, Ryan n’eut pas le même regard, il se sentait même frissonner. Il était assez délicat, alors il se verrais jamais fouiller délibérément dans le sol pour des patates.

Ce qui semblait être des heures passa mais Ryan, toujours à l’affût, vu sa patience récompensée en voyant Liseron sortir une « patate douce » de la terre. Ryan approcha sa main pour caresser la patate.

- Elle est pas douce, c’est du faux marketing.

Ryan s’attendait à ce qu’elle soit aussi nue que des fesses de bébés mais c’était visiblement pas le cas, vu les bourgeons qui traînaient dessus. La couleur restait assez belle, mais le blond se sentait quand même trahi.

Liseron :

A la vue de cette main qui s'approchait de son nouvel enfant, Liseron prit peur une demi-seconde - voulait-il lui dérober sa patate douce obtenue après de longues minutes de labeur ? Elle l'avait pas accouchée, d'accord, mais c'était tout comme. Elle réalisa tout de même rapidement que c'était égoïste de sa part de vouloir garder sa patate pour elle toute seule, après tout Ryan avait été à ses côtés (même s'il s'était pas foulé), c'était un peu son enfant aussi (s'il en voulait). La jeune maman ne put s'empêcher de sourire, finalement, lorsqu'elle vit la main de Ryan toucher affectueusement son bébé. 

- ...

Euh. Pardon ? D'accord. Liseron restait stoïque fasse à une telle déclaration. Mais... Ok. Elle baissa ses yeux mordorés sur la patate douce, puis dévisagea le jeune homme un instant, et... Partit finalement dans un rire sonore et un peu bizarre.

- C'est sa chair qui est douce. Enfin, son goût, quoi.

Elle gardait un petit sourire amusé au visage. C'était étrange, mais agréable quand même, de discuter comme ça. Disons que les gens ont plus de conversation que ses patates. 

Ryan :

Quand Liseron partit dans un rire quelque peu bizarre, Ryan afficha une moue boudeuse. Bon, il était quand même content qu’elle s’amuse un peu, vu la tronche qu’elle tirait au supermarché...Mais Ryan s’attendait à un meilleur rapport qualité/prix pour cette patate mensongère.

- Je suis blessé, franchement.

Il jaugea le nouveau-né du regard. Cette patate l’avait déçue, il allait donc en chercher une meilleure ! Ravalant le goût de la trahison, Ryan se pencha vers le trou qu’avait creusé Liseron auparavant, et le scruta du regard.

- Rien ici...Plus loin, peut-être ? Elles doivent être proches les unes des autres, non ?

Comme un troupeau de vaches, sauf que là, c’était de frites et non pas de steaks qu’ils parlaient.

Liseron :

Quoi ! C'était un affront à leur enfant. Liseron éloigna aussitôt leur bébé des yeux de son père ingrat, et la recouvra de ses deux mains, comme si elle la couvait. Les patates mal aimées ne grandissent pas bien, et en plus, Liseron ne voyait pas ce qui pouvait bien clocher avec elle. C'était son bébé, donc elle l'aimait, envers et contre tout.

- L... Laisse-la tranquille. Et oui. Elle a sûrement des soeurs. Tâche d'être plus gentil avec elles.

La prêtresse des patates était vexée, en touchant sa patate douce il la touchait elle aussi. Elle haussa les épaules et se pencha à son tour sur le trou. De toute évidence c'était son rôle attitré de creuser. 

Ryan :

Liseron était comme une maman poule - et les patates devaient être ses poussins. Encore une fois, l’italien comprenait pas trop, depuis quand est-ce qu’il était en charge de ces patates ? Est-ce qu’il était leur père ?

Il secoua la tête, laissant sa fierté de côté et agrippa fermement son appareil.

- Je vais chercher d’autres fleurs. Amuse toi bien avec ta fille chérie !

Est-ce que c’était gamin ? Oui. Mais de toute évidence, il allait pas partir trop loin, elle risquerait de trébucher sur une patate et mourrir d’une commotion cérébrale si il faisait pas attention à elle. Il marcha un peu, et une fois plus loin, s’écria à l’attention de la jeune mère.

- Je veux rien entendre à propos de la pension alimentaire !

Liseron :

Celui-là alors !

- Mais-

L' air bougon, elle le regarda s'éloigner, avant de se remettre à farfouiller dans la terre. On devrait inventer l'échographie pour la terre, comme ça on cueuillerait des patates à foison, facilement. La voix de Ryan retentit, et ce qu'il dit réussit à lui arracher un sourire. Et un "hmpf" de rire - mais pas si vite, son humour, même s'il était tout à fait au goût de Liseron, ne pardonnait pas tout ! Elle reprit une expression maussade un peu surjouée, et continua de chercher ses précieux tubercules en soupirant bruyamment. C'était pas juste, Ryan devait lui aussi assumer son rôle de père ! Elle s'exclama finalement, après deux minutes supplémentaires :

- Ry... Ryan !! Vient voir ! Il y en a deux autres ! 

Elle saisit une patate dans chacune de ses mains, les pesa - la première se tenant instablement sur une de ses soeurs. 

- On a des triplettes. Tu es content ? Tiens, porte celle-la, elle va tomber.

Ryan :

La voix de Liseron retentit, et Ryan accoure aussitôt à la nouvelle. Sa séance boudage avait pas dû durer trop longtemps, vu qu’il trouvait rien de très concret.

En voyant les dites triplées, Ryan se retint de verser une larme. C’était si émouvant - il avait l’impression d’avoir accouché, lui aussi. Il obéit à Liseron, serrant une patate dans ses bras. Elle avait une bosse sur le côté, mais pas de bourgeons rebels en vue. Ryan se sentit fier.

- Elle est magnifique !

Il se retrouva à babiller vers la patate. Pas sûr qu’elle comprenne, mais c’était sa fille, le lien de sang devait faire son travail ! Complètement gaga, il la montra à Liseron.

- Regarde ! Elle sourit !

Liseron :

Liseron fixait Ryan, l'air sceptique. Quoi qu'il pense, qu'il tourne sa langue 7 fois dans sa bouche avant de dire une bêtise sur ses filles, sinon elle lui ferait regretter amèrement.

Mais, en fait, pas de critique. Ni de reproche. Juste de l'amour dans ses mots, son regard et ses gestes. Liseron, conquise par la joie, laissa échapper un nouveau petit rire étrange - jubilatoire, cette fois-ci. Elle était contente que Ryan soit fier de sa fille. C'était la première fois qu'elle voyait quelqu'un d'autre que sa personne être tout émoustillé devant une pomme de terre. Enfin, fallait reconnaitre que celle-ci était particulièrement mignonne ! Elle immita le père de ses enfants en serrant les deux autres soeurs contre elle, non sans un petit pincement au coeur. Sa robe, si jolie... Maintenant si sale... Ah ! Ce qu'on ferait pas pour des patates... Soudain, Liseron eut un éclair de génie. 

- Dis ! Tu... Tu voudrais bien nous prendre tous en photo ? P-pour... Pour faire une photo de famille. T'en pense quoi ?

Ryan :

Liseron semblait toute aussi heureuse que lui à l’arrivée de leurs enfants, et elle proposait même de prendre une photo de famille ! Ryan n’avait pas pensé à prendre un trépied, alors il allait pas être dessus, mais il pourrait toujours donner la photo à Liseron - en guise de souvenir de leur escapade familiale.

Ni une, ni deux, il donna sa fille à Liseron pour qu’elle la tienne et s’éloigna un peu, essayant de trouver l’angle parfait. Le soleil allait bientôt se coucher, alors il fallait qu’il soit rapide. Il régla l’objectif et porta l’appareil à ses yeux.

- Dites « gratin » !

C’était peut-être pas le choix de mot le plus judicieux, mais trop tard. Clic. Le cliché fut pris, et Ryan s’empressa de regarder le résultat. Bon, les patates avaient rien dit...ni fait de particulier, mais c’était que des nouveaux-nés ! Le blond s’approcha de la jeune fille et lui montra le rendu.

- Regarde ! Celle-là a mes yeux !