Ce qu'on ferait pas pour des patates [Fermé]

Liseron :

Liseron était tout aussi enthousiaste qu'anxieuse à l'idée de ce "rendez-vous" en forêt. D'un côté, elle était pas peu fière d'avoir pris une initiative qui lui permettrait de sociabiliser, mais c'était effrayant quand même. Si ça se passait mal ? Si elle était trop mal à l'aise pour tenir une conversation ? S'il trouvait l'activité ennuyeuse ?? Miss patate se montait sûrement la tête pour rien - pour pas changer. Cette soirée s'annonçait pourtant très bien, elle allait rendre visite aux patates peuplant la forêt, en compagnie de son nouvel ami de chair et de sang, et si ça se trouve un élan de passion allait la prendre aussitôt et elle pourrait parler aisément de ses pommes de terre adorées, sans retenue ou appréhension ! Ryan semblait assez drôle et décomplexé pour ne pas la juger dans le cas échéant. 

Elle s'équipa d'une veste en laine rose à passer par dessus sa robe de mousseline, pour quand la nuit se rafraîchirait. Des gants de ménage jaune poussin, une bouteille d'eau, un petit coup d'anticerne sauve-misère... Et voilà ! C'était pas dans ses habitudes d'expédier sa préparation, mais elle faisait un effort parce qu'il paraît que les garçons skippent tous cette partie, et elle ne voulait pas trop faire attendre Ryan. Elle franchit donc la porte de sa chambre avec hâte, puis bientôt celle du pensionnat. Postée devant le portail, seule, elle attendait, en jouant avec ses mitaines. En fait, elle était un peu en avance, mais c'était pas si grave.

Ryan :

Ryan était arrivé dans toute sa splendeur, tel un touriste, armé de son sac à dos Quechua et son appareil photo fétiche. Même si la nuit arrivait, c’était quand même l’été, alors il avait opté pour un combo bermuda + t-shirt. Tant pis pour les égratinures, Ryan était stylé.

Le message de Liseron l’avait un peu...surpris. Après tout, c’était les vacances et il était presque 19h - même si le soleil était encore dehors, la lune allait bientôt pointer le bout de son nez. En y songeant, Ryan se rendit compte que effectivement, Liseron devait pas passer ses nuits à dormir vu les énormes cernes qu’elle avait.

En s’approchant du portail, il plissa les yeux en apercevant la silhouette de Liseron au loin. Il pressa le pas, et s’arrêta devant elle, un air enthousiaste au minois.

- Je m’attendais pas à ton message, vu qu’il fait presque nuit mais j’avais rien à faire de ma soirée alors j’suis là. Y’a vraiment des patates dans la forêt ?

La raison de son message intriguait elle aussi Ryan, mais Liseron semblait s’y connaître mieux qu’elle en tubercules, alors il s’était dit qu’il allait lui faire confiance. En l’observant un peu plus, Ryan se facepalma intérieurement pour avoir oublié un gilet.

Liseron :

Liseron attendit, mais elle n'attendit pas longtemps, et sortit de la contemplation de ses doigts pour s'intéresser à Ryan. Il avait l'air... Content. Quel soulagement ! La mordue de patates s'était demandé, dans son moment de solitude, s'il ne se forçait pas un peu pour lui faire plaisir. Avant de réaliser qu'ils ne se connaissaient pas encore assez pour qu'il puisse vouloir lui faire plaisir. 

- Bien sûr qu'il y en a ! On les cultive dans les champs, donc celles de la forêt sont sauvages, et plus rares. Elles sont donc plus précieuses. On va... On va partir à la chasse aux patates !

Elle se risqua à esquisser un petit sourire. Tiens donc, il était habillé léger. Mais pratique. Il allait avoir froid mais pourrait s'engouffrer dans les bois sans craintes, tandis qu'elle serait au chaud et abîmerait sa robe au tissu fragile. Enfin, plutôt mourir que de passer un survêtement, des baskets et autres immondices. 

- Tu peux aller prendre une veste, on a toute la nuit devant nous. En... Enfin, s-si tu veux, bien sûr. C'est juste un conseil, tu risques d'avoir froid sinon. Les patates ne vont pas bouger, alors... 

Ca l'embêterait que son tout nouvel ami tombe malade à cause de sa drôle d'idée. Peut-être que l'immunité de Ryan était forte ; ce n'était pas son cas à elle, et Liseron pensait qu'il fallait toujours prendre ses précautions face aux frissons. Mieux vaut prévenir que guérir ! 

Ryan :

Elle aussi semblait avoir remarqué le fait qu’il n’avait rien pour se couvrir. Il allait pas la faire attendre plus que ça - et puis, il avait soigneusement préparé sa tenue pour un style de randonneur parfait ! Revenir sur sa décision n’était pas envisageable.

- Je compte sur mon système immunitaire en béton pour me défendre !

Il jeta un regard derrière Liseron où trônait le portail du pensionnat. En lui flashant un sourire, il repris.

- Je te suis ! J’ai aucune idée d’où se trouvent ces patates sauvages.

Liseron :

Dans ce cas...

- Très bien. Allons-y.

C'était l'occasion pour Liseron de prouver qu'elle n'était pas juste bonne à manger des patates et à bavasser des heures dessus. Elle pouvait aussi être un super guide. Bon, en vrai, son sens de l'orientation était pas toujours des plus coopératifs, mais là, ça devait aller, elle allait fréquemment dans les bois, même si d'ordinaire, elle s'y prenait un peu plus tôt. Elle avait jamais compris le fonctionnement d'une boussole, comment on arrive à se situer par rapport au soleil, où est l'Est ou l'Ouest... Mais elle avait ses petits repères visuels quand même !

- Tu... Tu as bien pris une lampe torche, n'est-ce pas ?

Il fallait s'en assurer, maintenant qu'ils s'étaient engouffré dans la forêt. Une fois que la nuit tomberait, tout serait plus... Flou ? Forcément, mais pas que en vrai, dans sa tête aussi ! Et Liseron ne tenait vraiment pas à se perdre. Au coeur d'une petite clairière un peu plus dégagé, Liseron se mit à scruter le sol.

- Il y a souvent des... Liserons, petits, blancs, à côté des plants de patates. Si tu en vois, fais-moi signe. 

Ce n'était pas les patates qu'il fallait chercher, mais ces fleurs-là, ou bien des feuilles vertes appartenant à une pousse de pomme de terre, puisque les pommes de terre étaient... Sous terre ! Mais c'était beaucoup plus compliqué de distinguer les feuilles de patate en particulier des autres, pour la simple et bonne raison que tout était vert. Les liserons étaient de ce fait la meilleure piste à suivre. Elle se mit à farfouiller dans son petit cabas en toile vichy, pour en retirer deux paires de gants jaune. Elle en tendit une à Ryan, et ôta ses mitaines pour enfiler l'autre. 

Ryan :

Liseron devait vachement s’y connaître, en patates, pour savoir ce genre de chose. Ryan avait un pressentiment que c’était pas la première fois qu’elle partait dans une chasse à la patate : certains attrapaient des Pokémons, d’autres des patates. Cet amour pour les tubercules, le blond l’admirait, mais le comprenait pas vraiment. Pourquoi la patate et pas les carottes ? Est-ce qu’elle avait une préférence parmis toutes les patates ? Ryan lui demanderait sûrement après.

Sur le chemin, Liseron pris la parole. Le blond s’offusqua presque à sa question, et déclara, d’un air solennel.

- J’ai  peut-être pas de veste mais j’ai au moins pris une lampe torche, du parfum, de l’insecticide et une batterie externe.

En s’enfonçant un peu plus dans la forêt, Ryan regretta presque ladite veste. Un sentiment d’insécurité l’enveloppa - comme quand il dormait sans couetteW Comment faisait Liseron toute seule ? Les arbres de nuit avaient le potentiel d’une bonne photo, mais jamais Ryan ne viendrait ici tout seul de son plein gré. Liseron le sortit de ses pensées, et il l’écouta, surpris.

-  C’est pour ça que t’aimes tellement les patates ?

L’information sur les fleurs lui était passé au-dessus de la tête : sa curiosité était plus forte.

Liseron :

Mince, l’avait-elle vexé ? Ils venaient tout juste d’arriver, et le premier truc qu’elle disait était maladroit. Bien sûr qu’il avait pris une lampe torche, elle lui avait demandé de le faire juste avant qu’il ne vienne. Elle entreprit de s’excuser, et puis, finalement, jugea bon de ne rien ajouter. Quand on ne sait pas parler, on ne parle pas.

- De… Euh – Oh ! Pour mon prénom ?

La question de Ryan était amusante. Bien sûr que non – d’ailleurs, ce serait sacrément égocentrique si c’était le cas ; développer une passion cuisante pour les pommes de terre pour le seul prétexte que leur fleur porte notre nom. La jeune fille secoua la tête, avec un petit sourire.

- Non. C’est juste une jolie coïncidence.

Et une bien triste aussi. Son sourire avait maintenant l’air un peu plus amer. Elle fit mine de regarder par terre, bien que nul liseron ne s’imprimait dans le décor. Qu’on se le dise, sa « passion », c’était avant tout une maladie, et elle n’était pas joyeuse à vivre tous les jours. Vous voyez Fiona dans Shrek ? Peut-être qu’elle se complaît finalement à être une ogresse, mais sans doute que si elle avait pu rester humaine, elle aurait sauté sur cette opportunité.

Ryan :

Ryan a l’impression que, vraisemblablement, il avait dû touché une corde sensible en parlant des patates. Sa question, à lui, ne lui semblait pas si indiscrète que ça : mais qu’est-ce qu’il en savait ? Le blond se sentait maintenant assez...coupable. Elle était passée de patate heureuse à patate triste, et ça, il fallait qu’il le change.

Maladroitement, il pressa le pas pour marcher à ses côtés, serrant son appareil photo entre ses mains.

- Coïncidence ou pas, c’est trop cool ! Mon prénom il veut rien dire, moi, t’as de la chance !

Liseron n’avait finalement pas répondu à sa sous-entendue question, mais Ryan se dit que si ça semblait la rendre si triste, il allait pas creuser plus que ça. En observant le sol, à l’affût pour quoi que ce soit qui lui fasse penser à une patate, son regard s’attarda sur des petites fleurs blanches. Le blond poussa un « ooh » de curiosité, et porta son appareil à ses yeux, prenant quelque clichés.

- Regarde !

Liseron :

Liseron sentit ses joues se réchauffer pour arborer une couleur rose qui s'accordait, ma foi, très bien avec le bleu de ses cernes. Si elle ne comprenait pas tout aux relations humaines, elle arrivait plus ou moins à sentir que Ryan tentait de la réconforter. Et c'était... Gentil. Certaines personnes étaient sans doute tout aussi, voir plus intéressantes que des patates, tout compte fait. Elle acquiesça doucement pour elle-même. Oui. Son nom avait une signification, il était plutôt atypique, sa mère trouvait qu'il lui allait comme un gant, et puis Ryan lui disait qu'il était "cool", alors elle allait se convaincre qu'il l'était effectivement, et tâcher de voir le verre à moitié plein. 

- Merci.

Elle jeta un regard intrigué à son appareil photo, et, dans la minute, au sol que Ryan désignait, triomphant. Des liserons ! Son sourire s'affirma tout à fait, et, réjouie, elle s'accroupit à côté des petites fleurs. 

- Avec un peu de chance, des patates se cachent là-dessous. Tu... Tu veux creuser ? Ou s-si tu préfères, tu peux continuer de prendre des photos, bien sûr. 

La jeune fille réajusta ses gants en plastique, prête à passer à l'attaque. 

Ryan :

Les joues de la jeune fille s’empourprent rapidement, et Ryan prend ça pour un signe qu’elle allait un peu mieux. Il lâcha un souffle, soulagé. Même si le fait qu’elle aille mieux l’apaisait un peu, il l’avait surtout fait pour pas se retrouver à chasser des patates avec une fille en dépression.

Les fleurs étaient aussi une façon de lui remonter le moral, vu le sourire qu’elle arborait. Ryan pigea pas trop, jusqu’à ce qu’elle parle de patates - il secoua rapidement la tête, fronçant les sourcils.

- Non merci. Je veux pas salir mes mains délicates.

Même si des gants étaient mentionnés, Ryan était pas pour le fait de chercher dans la terre. Il était venu pour les paysages et Liseron, pas pour la terre sale et...terreuse.