[EXPLICIT] Patates sautées de quatre heures [privé]

Liseron :

Liseron regarde sa table, veille à ce qu’elle soit impeccablement dressée, appliquée comme si elle participait à « un dîner presque parfait », remarque un petit pli sur la nappe qu’elle s’apprête à lisser lorsque deux bras viennent se nouer autour de son corps menu et incapable de réagir, parce qu’elle sait jamais quoi faire de ses bras (et parce qu’elle est prise de court, aussi) - ça promet pour tout à l’heure ! Du coup, bah euh... Elle sourit comme une quiche, et réprime un rire.

- J-j’imagine. Et de rien, ça... Ça me fait plaisir.

C’est vrai qu’il est pas bien grand, enfin il l’est toujours plus qu’elle (c’est pas compliqué cela dit), et puis y avait sûrement pleins d’avantages à être petit, comme euh... Ne jamais exposer ses narines ou son double-menton. Allez trouver des bénéfices à être pauvre par contre. Sitôt le câlin achevé, Liseron s’attable, pousse l’assiette de Ryan vers lui, puis se relève, se dit qu’une hôte respectable tire les chaises de ses invités, sauf qu’en fait c’est un peu bizarre, alors elle se rassoit, nerveuse au possible, même si elle sait que c’est idiot.

- ... J-j’ai l’impression que... J’ai l’impression que je vais passer un entretien d’embauche. 

Ryan :

Le moment câlin-confessions-presque émotion ne s’éternise pas, au grand dam de Ryan, qui avait encore pleins d’anecdotes malheureuses et de plaintes à raconter. Je suis loin de ma maison et de ma maman, j’ai des notes plus que médiocres, j’ai perdu des followers, j’ai faim. Il reste là d’abord, un peu penaud, puis les mouvements hésitants de Liseron lui mettent la puce à l’oreille - il faut s’asseoir ! Illico presto, il se presse, et en même temps, offre un rictus à Liseron, un air narquois au minois.

- C’est parce que tu vas pas- aaaAAH-

Pouf, bam et badaboum. Voilà. Parce qu’il regardait pas devant lui (et qu’il est un peu maladroit aussi), Ryan n’arrive pas à marcher correctement, glisse sur le tapis et se mange le coin du tabouret en pleine côte.

- Oof-

Il reste comme ça - presque allongé sur la chaise, tordu de douleur - quelque secondes, puis roule sur le côté, atterrissant sur le sol dans un « bam ».

- Aaaaaaaaarghfhffhgfhg.

Liseron :

Sérieusement ? Sérieusement ? Tout se passe très vite. D’abord, elle croit comprendre qu’il veut lui faire une petite remarque grivoise, à la place, il se ramasse sur son tabouret, comment est-ce qu’on se ramasse sur un tabouret, il est pauvre, pauvre de neurones oui, non mais sérieusement, c’est quand qu’on mange, comment on va passer à la surprise du chef s’il se tord de douleur !? Liseron, les doigts crispés autour de l’anse de sa tasse, est au bord de l’explosion. C’est peut-être son anxiété à son apogée en vue de ce qui doit (devait ?) se profiler, en plus de crever la dalle pour de multiples raisons, mais en tout cas pas une once d’inquiétude ou d’empathie ne venait tempérer sa colère.

- T-t’es vraiment un cas ! Purée R-Ryan ! Comment tu vas m-me faire l’amour si t’es han.. Handicapé !! J-J’ai tout bien préparé pendant des heures et... Et toi tu te blesses ! T’as intérêt à te remettre sur pied p-parce que moi je... Bah je veux prendre mon pied !!

Fiou. Voilà qui était dit. Les sourcils froncés, Liseron toise Ryan du sommet de son tabouret. De son côté, elle se sent mieux, maintenant qu’elle a pu évacuer sa nervosité en criant un peu - à voir si le blondinet arrive à se relever, ou si elle doit se mettre à culpabiliser d’ici deux minutes une fois qu’il se sera mis à agoniser. 

Ryan :

Tandis qu’il essaie de contenir ses cris d’agonie, Liseron, elle, elle trouve rien de mieux à faire que de lui gueuler dessus. Bah dis-donc ! C’était bien sa veine à Ryan, déjà qu’il venait de se ramasser honteusement comme une merde, la fille qu’il voulait se taper se met à le gronder, comme si il avait fait exprès de tomber pile sur ce coin de tabouret!! 

- Par...Pardon ??

Ryan, prêt à démarrer au quart de tour, tente de se lever - ou plutôt de se redresser - et échoue misérablement, serrant sa côte meurtrie de sa main droite en étouffant un gémissement (pas de ceux que Liseron aurait voulu entendre, malheureusement). Il fronce les sourcils à son tour.

- C’est toi le cas!! Non mais je rêve, je me blesse et tu me gueules dessus !! Pour la peine, je... je vais même pas les manger, tes patates!!

Et puis bam!! Si elle continuait à faire sa grincheuse, il allait peut-être même annuler leur partie de jambe en l’air, mais il en doutait plus - c’était pas tous les jours qu’on avait une Liseron effarouchée dans son lit, Ryan devait admettre qu’il commençait à faire plutôt chaud cacao.

Liseron :

C’est une blague ! Ou un mauvais sort ! Quand c’est pas elle qui se fait mal, c’est lui, et si en plus ils se font la tronche, elle va finir vieille fille aigrie frustrée, elle est pas loin de l’être d’ailleurs ; frustrée c’est le cas de le dire, parce-que Ryan lui fait l’affront de refuser ses patates sautées et parce que à coup sûr il veut plus la sauter non plus, et peut-être même plus être son ami, même si ça sera pas la première fois qu’ils se gueulent dessus pour se rabibocher ensuite. Se confondre en excuses, c’est ce que Liseron aurait fait avant de plutôt bien le connaître - maintenant, elle peut laisser son fond rabat-joie et sauvage s’exprimer. 

- Ah ouais ?? T-t’étais pas r-reconnaissant y a deux minutes p... Parce-que t’es pauvre ?

Quand on est pauvre et qu’on souffre on refuse pas un bon petit plat... Sauf si on est un cas, justement. Liseron trempe ses lèvres dans sa tasse de thé tiède, soupire, puis se lève et s’accroupit en face de Ryan.

- D-du coup tu... Tu peux pas bouger ??

Liseron avait imaginé donner de la voix autrement que en se disputant, mais de toute façon, c’était presque normal maintenant que rien de ce qu’elle planifie ne se déroule comme escompté. 

Ryan :

Outrance ! C'est bas ça, très bas, Ryan n'hésite même pas à le lui faire comprendre - il en a presque le souffle coupé, tellement c'est choquant, et puis drama queen qu'il est, il pose une main de façon très dramatique sur sa poitrine.

- C'est bas ça ! Très bas ! Je sais que t'es petite mais quand même !!

Ryan répond à un truc bas avec un truc encore plus bas - c'est la dure loi de la jungle. Il s'offusque un peu plus, parce qu'il a rien trouvé de mieux à dire, alors il croise les bras et tourne la tête pour fixer... tout ce qui n'est pas Liseron. Là, en l'occurrence, c'est un pied de lit.

- Hmpf! T'es...t'es un cas quand même. Un plus gros cas que moi. Au sens... figuratif. Tu dois peser deux grammes.

Un petit slrp, un soupir, tandis que Ryan fait toujours son boudin avachi au sol, et enfin - la violette bouge, à croire qu'elle a eu une révélation et qu'elle s'est rendue compte que son amitié avec Ryan était trop précieuse pour être perdue (ou peut-être qu'elle voulait juste vraiment faire crac-crac) ; le fait est qu'elle vient lui demander comment il va, c'est assez pour lui remonter un peu le moral et lui faire oublier qu'il vient de tomber comme une merde. Le blond décroise les bras pour remonter sa chemise (pas trop quand même, c'était pas le moment) et palper son bout de peau contusionné, tout contrit. Ça allait sûrement laisser un bleu, ça.

- Je...Si, je pense, j'ai juste mal.

Enfin. Si elle arrivait à le mettre dans l'humeur, ça allait pas poser tant problème que ça. Rien ne pouvait se mettre entre lui et sa libido.

Liseron :

Oh bah super ! Parce que s’il avait répondu négatif, Liseron lui aurait gentiment demandé de plier bagage, lui et ses remarques ingrates après le repas qu’elle s’est donné du mal à cuisiner pour qu’il refroidisse intact sur une table délaissée. 

... Oui enfin non, quand même, elle est pas cruelle à ce point, puis elle l’a pas invité que pour la surprise du chef, c’est juste que cette dernière avait pris une sacrée ampleur dans sa tête de mule. La violette regarde la pauvre petite côté blessée de Ryan, un sourire subit au visage.

- T-tu... Tu vas avoir besoin d’arnica.

Ils auront un bleu tous les deux - enfin, en l’occurence, il en aura un, elle en aura dix de plus. Elle se lève à nouveau, déambule jusqu’à son placard à pharmacie, ramène de quoi soulager la drama queen gisant sur son tapis.

- Tiens ! Tu veux un b-bisou magique avec ça ?

Rester (ou redevenir) une bonne hôte malgré tout. Il faut prendre soin de ses invités. 

Ryan :

À croire que Liseron avait pitié de lui, parce qu'elle était étrangement plus gentille maintenant, allant jusqu'à même lui ramener de la pommade et lui offrir un bisous magique. Ryan, pour autant qu'il avait bien envie de se glisser dans ses jupons, il avait quand même la dalle. Fallait pas oublier que c'était pour ça qu'il était venu, à la base. Alors, les traits radoucis, il saisit le tube magique et le débouchonne, les yeux rivés sur son hôtesse.

- Peeeeeuuut-être.

Il étire un sourire goguenard tandis qu'il applique l'arnica, puis désigne du menton les patates sautées - et délaissées, maintenant.

- ...Tu peux me nourrir ?

Autant pousser sa chance, et puis il avait une excuse maintenant, il était blessé et indisposé !!

Liseron :

Alors là, on aura tout vu ! Le nourrir ? Déconcertée, Liseron entrouvre la bouche sans trop savoir quoi répondre. Je suis pas ta daronne le nain, tu te démerdes qu’elle aurait dit si elle avait le cran et la méchanceté d’une gonzesse aux cheveux vert, sauf que du coup eh bah... 

- ... Peeeuuuuut-être ?

S’imaginer nourrir un Ryan affamé et blessé, ça lui faisait penser à une maman pigeon qui remplit le gosier de son bébé pigeon. Comprenez, la vulnérabilité de ces deux êtres, ou leur flemme déguisée. Liseron soupire pour la seconde fois (plus pour faire genre « tu m’embêtes mais je suis gentille » que parce qu’il l’embête vraiment), se relève encore et fais deux petits allés-retours, assiettes, couverts et tasses en main. En tailleur en face du blondinet, elle pique une patate avec une fourchette et la dirige vers sa bouche dans un mime d’avion plus-que-pas convaincant. 

- D-dis « aaah ». 

C’est bizarre, mais c’est amusant. Contre son gré, un léger sourire passe sur son visage. Comme d’hab, ils se chamaillent et leur colère retombe comme un soufflé en quelques secondes à peine.

Ryan :

Peeeeeeeeuuuut-être ça veut dire oui, visiblement, et Ryan ne pourrait pas en être plus content. Ça compenserait presque pour sa côte qui a lâchée, ou pour l'embarras de sa chute, ou pour son goûter pas très goûter-esque, à base de patates et de patates seulement. Le voilà qu'il arrive son goûter - sur un plateau violet même ! - et Ryan a l'impression d'être César qui se fait nourrir par ses..euh...camarades. Il pose l'arnica de côté, prépare sa bouche à accueillir la fournée de patates.

- Aaaaaah.

Munch. Il mâche, et puis, bah... C'est bon. C'est des patates sautées, tout simplement - n'empêche qu'il apprécie quand même l'effort. La bouche pleine, Ryan chuchote presque, à l'attention de Liseron :

- Patate.

Et puis boop, après le bisous esquimau, c'est... le bisous de front, parce que Ryan est d'humeur tactile aujourd'hui.