• there's a tear in my beer [privé]


    Dimanche 15 Août 2021 à 22:10
    Upside

    Donovan:

    Le derrière pourtant bien vissé sur sa chaise, il sentait le monde se pencher, à moins que ce ne soit lui. Ou que pour une raison obscure, il se mettait à sentir la rotation rapide et dangereuse de la terre sur elle-même. Une main peut assurée s'était aplatie sur le bois ciré de la table, comme un dernier amarre pour garder les pieds sur terre. Son collègue avait l'air surpris par ses aveux, son hésitation laissa Rory confus. Était-ce la candeur de ce qu'il avait décrit qui lui avait concédé cette réaction ou la naïveté du psychologue quant à ce geste si anodin? Il laissa son esprit glisser vers la seconde option, désespérant doucement un peu plus, il était doué pour s'imaginer le pire et sans la raison pour lui sortir la tête de l'eau, il allait s'y embourber dedans sans jeter un seul regard vers la surface.

    Il hocha la tête à la remarque sur la fameuse femme dont il parlait. Un phénomène ça c'était sûr, il avait passé six ans la tête enfouie sous la paperasse, le travail, jusqu'à devenir un mur plus qu'une personne à proprement parler et il avait suffit d'une rencontre inopinée, d'une vendeuse chevronnée et d'une météo pluvieuse pour réveiller des sensations qu'il pensait oubliées, mettant à mal toutes les rambardes qu'il avait érigées.

    La question de son collègue se fit un chemin jusqu'à son cerveau embrumé par l'alcool et ses effluves. T'as quoi à perdre à essayer au fond? Concrètement, rien du tout. Mais pour Rory, rien du tout, c'était déjà beaucoup. Faire comprendre à cette mystérieuse professeur de physique-chimie ce qu'il pouvait bien ressentir, là, entre ses côtes et essuyer une réponse négative, c'était très dur à imaginer. Garder la face en la croisant dans les couloirs, ce serait faisable, mais tout ce qui se passerait dans sa tête à chaque fois que leurs regards se croiseraient, ce serait tout de suite moins évident. Il n'avait pas envie de donner raison à ses doutes et balayer les efforts qu'il avait mis pour reconstruire ce semblant de confiance lui qui avait été réduite au néant.

    Ses pensées sombraient doucement dans la possibilité qu'il se soit leurré avec brio quand il fut ramené à la réalité par Basile, toujours un peu plus tactile à mesure que l'heure tardait. Une main fermement posée sur sa clavicule, le grand blond fixait le secrétaire un peu perdu.

    - Donovan. T'es un homme oui ou non? Si t'en es un, alors va y.

    Un homme, il l'était certainement mais est-ce que ça voudrait dire qu'il ferait un pas vers cette femme? Pas forcément. Il essaya d'hocher vigoureusement la tête en guise de réponse, réveillant ce tournis désagréable qui allait lui flanquer une gueule de bois comme il n'en avait plus connu. Il appréciait les efforts de l'homme qui partageait la soirée avec lui et il se sentit presque honteux de ne pouvoir faire honneur à la confiance aveugle qu'il avait placé en lui.

    Tandis que le serveur s'apprêtait à rincer leur verre une fois de plus, Basile lui fit signe que c'était terminé pour eux. Éclair de lucidité salvateur vu la quantité d'alcool qu'ils avaient déjà ingurgité depuis le début la soirée, la note allait être salée. Il ajouta alors à l'attention du psychologie qu'il allait appeler quelqu'un pour les aider. Il observa la scène un peu perdu, ne comprenant pas trop le cheminement de la conversation qu'il avait engagée. Le secrétaire finit par confirmer qu'une amie viendrait pour les ramener. Rory n'avait en effet pas songé à son moyen de retourner jusqu'au pensionnat, acte inconscient et peu habituel de sa part.

    - Merci à vous, et à elle quand elle sera là, il soupira.

    C'était tout naturel de le remercier pour l'avoir compté dans les gens échoués à venir secourir à cette heure-ci, espérant ne pas être un fardeau trop lourd à l'attention de cette personne qui avait déjà la bonté de se déplacer jusqu'à eux.

    Vendredi 20 Août 2021 à 02:17
    AUREUM.UMBRA

    Basile:

    - Ahah vous ne devriez pas me remercier trop rapidement...

    Il accompagna ses mots d'un ton mi amusé mi désolé en haussant les sourcils. Vu la voix expéditive de Bambi au téléphone, Basile ne donnait pas cher de sa peau et espérait juste que son collègue ne se face pas emporté par la tempête ébène qui allait se déchainer sur eux dans quelques minutes. Trop bourré pour vraiment s'en soucier, il se maudissait intérieurement de n'avoir pas su reconnaitre ses propres limites, préférant se réfugier dans une énième question.

    - Et donc votre demoiselle, elle ressemble à quoi?

    Retombant de toute sa nonchalance au fond de sa chaise, il notait intérieurement cette drôle de description. La chevelure ombrageuse, la carrure marquée, le regard lourd, ça lui rappelait vaguement quelque chose...une désagréable impression de déjà vu.

    - C'est étrange. Elle me rappelle quelqu'un que j'apprécie également.

    Quand, au loin dans la pénombre, sa douce succube se dessina dans la rue. Femme tortueuse prête à en découdre qui avance inlassablement vers sa proie. Prédatrice sur le point de lui faire la peau. Sa silhouette exquise pour des yeux brumeux s'avançant dangereusement vers la devanture. Le regard du secrétaire jongla entre Rory et Bambi. De Bambi à Rory. Des mots de Rory. De la description de Bambi. Impossible. Inenvisageable. De Ro...bi...net? Il s'était perdu. Les pensées bien trop ébouriffées pour suivre un raisonnement logique. Une étrange sensation de menace emplissant sa cage thoracique sans savoir si c'était l'amertume du présentiment ou le risque de mort imminente.

    - Quand on parle du loup...

    Elle débarqua comme un éclaire qui vous foudroie sur place, électrisant l'intégralité de la pièce par sa présence suffocante. Une sueur froide lui parcourut le dos. Faisant mine de ne pas remarquer la lueur tranchante qui claquait dans ses yeux de biche déchainée, il se leva pour l'accueillir chaleureusement. Bambi n'oserait pas le tuer devant tant de témoin... non? Elle avait emplit d'un coup de talon tout le bar de sa substantielle colère, avalant les quelques mètres qui la séparait d'eux avec une ténacité terrifiante. Les mains ouvertes comme si il attendait réellement un câlin de sa part, Mr Báthory croyait encore qu'il aurait une chance de s'en sortir. Lorsque la jolie brune fut à sa hauteur, il posa des mains sur ses hanches. Ultime affront. Simple mouvement qu'il regretta amèrement dans les secondes qui suivirent. Le toucher le plus brulant de sa vie. Il avait signé son arrêt de mort.

    - Benvenuto, mia bellissima ~

     

     

    Bambi:

    Lorsque son téléphone sonna, c'est avec étonnement qu'elle vit "Báthory" s'afficher sur son écran. Décrochant avec une petite canaille blonde posée sur les genoux, un désenchantement presque instantané la frappa lorsqu'elle entendit le ton pâteux et mielleux inhabituel de son ami, comprenant comme il s'était bien foutu de sa gueule.

    Basile lui avait confié Vanille prétextant avoir beaucoup de travail et elle avait naïvement accepté en jubilant intérieurement à l'idée de s'occuper de la petite demoiselle. Elle avait toujours adoré cette enfant aux plumes curieuses, là n'était pas le problème. Elle se reconnaissait en elle. Là était toute la complexité de leur relation. Quand il était question de parentalité, Mlle Drogov était intraitable. Vanille lui renvoyait la chance qu'elle n'avait jamais eu, et même si elle pouvait supporter beaucoup de chose, les écarts d'un père qu'elle nu jamais, elle ne pouvait le laisser passer.

    Elle c'était attendu à absolument tout sauf à trouver un papa ivre mort et bafouillant. Elle allait donc lui donner une bonne raison de bégayer. La discussion avait été compliqué, les informations bâclés, les circonstances bien troubles. Instantanément, la scientifique avait confié Vanille à une collègue, s'excusant platement pour le dérangement. Après avoir couché la petite en l'embrassant sur le front et lui expliquant tendrement qu'elle allait "soulever son papa", Bambi passa en mode Terminator.

    Long manteau noir ceinturé, les cuissardes toujours vissées aux pieds, elle allait le pulvériser. L'atomiser. L'annihiler. C'était l'heure d'aller botter deux jolies petites fesses qui avaient sérieusement déconnées. Basile n'était pas ce qu'on pouvait appeler un ange. Bambi le savait. Il le savait. Mais elle croyait en lui et irait le ramener malgré elle sur le bon chemin autant de fois qu'il le faudrait - même si cela signifiait l'écraser plus bas que terre.

    Elle avait trouvé plus juste d'emprunter sa voiture, jugeant surement qu'elle devrait raccompagner deux bougres au lieu d'un seul en vu des informations douteuses qu'on lui avait donnée. Insultant intérieurement de tout les noms son collègue sur le chemin, elle se demandait tout de même qui pouvait être le deuxième imbécile qui avait cédé à la boisson. Guettant par sa fenêtre le moindre arbre, c'est au bout de quinze bonnes minutes qu'elle avait réussi à trouver le lieu. 

    La faucheuse en personne. Bambi débarqua dans l'établissement avec une telle présence que son sentiment de haine avait oppressé le plus grand gaillard de l'assemblée d'alcooliques. Intérieurement, elle bouillait. L'ébullition à son paroxysme. Prête à le bruler vif son italien au premier mot de travers.

    Trop éprise de son sentiment d'injustice, elle ne remarqua pas dans un premier temps que le "collègue" avec qui Basile c'était laissé dérapé était le même qui l'emportait elle même dans des sentiers bien dangereux. Elle s'approcha. Encore un peu. Se plaça entre les deux hommes. Basile osa, dans la plus grande audace, poser ses doigts sous sa taille. Geste de trop. Insolence suprême. Dans un calme olympien, elle soupira. Retira lentement ses gants. Puis attrapa si assurément son oreille qu'il nu d'autre choix que de lâcher prise. Scène presque irréaliste, Bambi l'avait maté en un instant et saisit avec une telle poigne qu'elle le renfonça sans difficulté au fond de son siège, comme un enfant punit. D'une voix terriblement épuisée de lui avoir couru après, elle s'exprima sans jamais réussir à terminer sa phrase.

    - Tu es vraiment irrécup...

    Deux prunelles vertes dépitées venaient de rencontrer celle approximatives d'un grand blond. Et pas n'importe qu'elle grand blond. Rory en personne. Assis à sa hauteur. A quelques centimètres d'elle. Face à face qu'elle n'était absolument pas prête à assumer si soudainement. L'homme qui avait accompagné cette buverie? Le regard moins strict que d'habitude. Bambi se figea. Bouche bée à admirer un instant la décadence et la probabilité infime qu'elle le retrouve ici, dans cet état. Qu'est ce qu'il faisait? Avec Basile? C'était lui le mystérieux protagoniste? Il avait bu lui aussi? Elle posa les yeux sur le papa et lâcha son emprise avant de passer une main embêtée dans ses propres cheveux. L'impression d'étouffer. Elle ne devait pas céder à la fatigue et à l'incongru de cette rencontre.

    - Donovan? Qu'est ce que vous faites ici?

    D'un geste de main elle tira l'adition jusqu'à elle puis faillit s'étouffer devant la note. Elle manqua un juron russe, n'ayant sans doute jamais eu la chance de lire une adition si chargée de sa vie. C'est qu'ils avaient une sacré descente ses deux là. Ils avaient tellement commandé qu'elle espérait sincèrement qu'ils aient attaqué à deux ce nombre affolant d'alcool - car si l'un d'eux avaient absorbé tant de substance c'était à l'Hospital qu'elle allait les transporter en urgence. Mlle Drogov soupira de nouveau et tendit sa propre carte au barman qui lui adressa un sourire désolé. C'était quoi cette histoire? Elle posa des yeux inquiets sur les deux hommes, oubliant presque instantanément son énervement face à la détresse de cette situation. Vous finirez par me tuer. 

    Vendredi 20 Août 2021 à 14:51
    Upside

    Rory:

    Bien que l'appel avait été passé et la confirmation d'une venue donnée, le secrétaire semblait craindre quelque chose, répondant à Rory de ne pas le remercier trop rapidement. Son esprit ivre à la mort écarta rapidement les craintes qui étaient nées quant à l'incompréhension d'une telle déclaration. Il laissa ses yeux tomber sur son verre vide tandis que son collègue lui demanda à quoi ressemblait la jeune femme dont il s'était risqué à lui parler plus tôt. Il songea quelques instants, cherchant à remettre ses idées troubles en ordre.

    - Eh bien.. Commença-t-il en cherchant ses mots.

    Il bafouillait un peu, était-ce à cause de la boisson ou parce que même lorsqu'elle n'était pas là elle arrivait à lui faire perdre ses moyens? Il bougeait ses mains qui avaient arrêté de se cramponner au bois de la table, tentant d'appuyer son peu de propos avec ses mouvements.

    - De taille moyenne, avança-t-il en mettant une de ses mains à la hauteur de sa clavicule, un carré noir, une démarche qui vous hante pendant des jours, un regard perçant parfois difficile à soutenir..

    Ses geste évasifs n'avaient plus réellement de sens, de même que ses mots. Il conclut sa description un peu confuse en se massant l'arcade sourcilière. La quantité d'alcool qu'il avait ingurgité offrait à Basile un psychologue en bien piteux état. Lui qui était si droit, sobre et froid, il mettait à présent à mal sa réputation et le peu de conscience qui lui restait espérait que la nuit estomperait les souvenirs qu'on allait garder de lui ainsi.

    Le secrétaire lui répondit que sa description vaseuse lui faisait penser à quelqu'un qu'il connaissait. C'était possible, Rory s'était bien gardé de lui avouer que la femme dont il parlait travaillait dans leur établissement. Leur conversation fut finalement coupée par l'arrivée de la fameuse amie qu'il avait appelé pour les sauver de ce profond bourbier.

    Il tourna la tête tandis qu'une silhouette étrangement familière se dessinait sous la lumière tamisée et le monde qu'il y avait encore à cette heure-ci, un bruit de talon résonnant gravement entre les murs du bar. Le coeur du grand blond s'emballa un instant, suivant la démarche assurément menaçante de la femme qui venait d'entrer à mesure qu'elle s'approchait dangereusement.

    La personne qui était venue les récupérer, c'était Bambi.

    Arrivée à leur hauteur, Basile lui attrapa la taille, la saluant mielleusement avant de se faire remettre à sa place à une vitesse fulgurante. Le psychologue ne disait mot, observant la scène, à la fois désarçonné de voir la personne dont il parlait quelques instants plus tôt en face de lui mais aussi un peu confus quant à la relation que devaient entretenir ses deux collègues, l'esprit trop mis à mal pour organiser correctement ses pensées. Le secrétaire s'était tassé sur son siège et les remontrances de Bambi se coupèrent tandis que ses yeux croisèrent les siens.

    Le regard moins froncé que d'habitude, les sourcils légèrement relevé et le visage déridé, Rory ne portait plus cet air distant qu'il arborait en temps normal, ses prunelles marrons comme happées par celles émeraudes de la professeure. Le souffle coupé, il ne put détourner les yeux d'elle lorsqu'elle passa une main dans ses cheveux ébènes.

    - Donovan? Qu'est ce que vous faites ici?

    Le contact visuel fut rompu lorsqu'elle attrapa l'addition, permettant au psychologue de reprendre sa respiration le regard fuyant. Il ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit, le sachant lui-même pas quoi lui répondre.

    - Euhm.. Je.. Articula-t-il d'une voix maladroite avant de se raviser de toute réponse.

    De toute manière, quoi qu'il dise ça ne changera pas la donne, il était là pour la même raison que Basile et n'avait rien à justifier de cet écart nocturne. Du coin de l'oeil, le grand blond vit Bambi tendre sa carte au barman et un élan de culpabilité l'éprit un instant. Il avait l'impression d'avoir le don de l'entraîner dans beaucoup de mésaventures, s'inquiétant qu'elle finisse par détester le croiser quelque part. Leur rencontre dans ce magasin peu habituel assez rocambolesque, le retour de la fameuse télécommande, ses deux loustiques prenant la poudre d'escampette avant qu'elle ne soit celle à les retrouver, le cinéma d'horreur qui l'avait visiblement effrayée.. Il pouvait à présent ajouter cette soirée à la liste.

    Si son regard avait du mal à se décrocher de la femme venue à leur rescousse, il fuyait cependant celui du secrétaire, crainte tacite que ce dernier n'y devine que cette demoiselle dont il lui avait parlé durant cette soirée était celle qui se tenait entre eux. Bien que son identité puisse crever les yeux. Surtout vu la façon dont il la regardait, l'alcool lui avait retiré beaucoup trop de filtre et ce début d'acceptation pour les sentiments naissants qu'il éprouvait pour elle s'y trahissaient redoutablement.

    L'addition à présent payée, il n'y avait plus de raisons pour les deux hommes de rester assis et la professeure n'allait certainement pas passer la nuit ici. La direction de la sortie fut donc prise, guidés par la seule personne sobre de leur petit groupe, afin qu'à terme ils prennent celle du pensionnat. Un pied dehors et l'atmosphère chaude et vaporeuse du bar laissa sa place à celle plus froide de la nuit qui était à présent bien tombée. Le psychologue n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, il ne donnait pas cher de sa peau demain matin. Il n'allait clairement pas s'occuper de tout le travail qu'il avait encore à faire ce soir. Non pas par manque d'envie mais plus parce qu'une fois de retour dans sa chambre, il allait comater jusqu'au petit matin.

    Vendredi 20 Août 2021 à 18:26
    AUREUM.UMBRA

    Basile:

    L'oreille encore endolorie, il mima une moue contrariée. Bambi était réellement un ange mais lui broyer l'extrémité, était ce vraiment obligatoire? Elle leur offrit même la tournée. Le secrétaire se doutait bien que plus tard il allait le payer cher, très cher. L'homme envouté par le rhum la regardait s'arranger avec le barman puis suffoquer devant Mr Donovan. Ils se connaissaient? Quand son iris divagua à son tour jusqu'à son accompagnateur d'un soir, il le vit. Son regard à lui. Méconnaissable quand au grand blond qui l'avait rejoint pour cette buverie non anticipée un peu plus tôt dans la soirée. Le psychologue posait sur Bambi quelque chose de tendre, ou plutôt, de chaud. Il la dévorât des yeux.

    Basile fronça les sourcils. Son amie était certes délicieuse, mais tout de même. Le sentiment d'inquiétude ne faisait que s'accroitre. Il se sentait soudainement éclipsé, et détestait ça.

    La professeure, à travers ses gestes fermes, trahissait une inquiétude grandissante. Elle avait toujours été comme ça, à jouer à la maman et si Basile l'avait détesté dans sa jeunesse, il était maintenant obligé de s'avouer qu'il appréciait ce côté de sa personnalité. La femme dépassée passa ses bras fins sous les leurs pour tenter de les guider jusqu'à la sortie tant bien que mal. Le grand brun adressa un geste de main amical à l'intérieur du bar en signe d'au revoir. L'homme se sentait dans le flou et le froid auquel il se confronta au dehors n'aida pas son état. Apercevant sa propre voiture au loin, il s'échappa de l'étreinte de sa collègue pour se dépêcher de rejoindre un fauteuil à l'arrière. S'affalant sur la banquette de tout son long, il passa une main sur ses paupières pour les masser dans le désordre. Le sol tanguait douloureusement. 

    Se replongeant sur le moment d'incompréhension en attendant que les deux autres le rejoigne, il se demandait pourquoi l'homme avait soudainement eut le regard fuyant. Il avait clairement quelque chose à cacher. L'idée faisait son bout de chemin entre les neurones atomisées. C'était dur de réfléchir dans ses conditions.

    Lorsque Bambi installa l'autre imbibé à l'avant, Basile scruta en silence la scène. Luttant contre les remontées amères, intérieurement il détaillait la russe. Punaise, c'était fou comme elle lui rappelait la description qu'on lui avait fait un peu plus tôt. Peut être avaient-ils les mêmes goût en question de femme? Il était curieux à l'idée de rencontrer la mystérieuse inconnue...et si? Puis l'évidence, frappante.

    - ME DITES PAS QUE...!

    Il jeta un coup d'œil exorbité vers Rory alors que la femme devant son volant le rappelait à l'ordre. Le cœur battant, les doigts crispés sur le siège avant et la bouche entrouverte de questions, attendant que l'homme trahisse sa position. Était ce possible que le psychologue en pince pour sa brune?

     

    Bambi:

    - Vous arrivez à marcher?

    Rory avait bafouillé quelque chose d'inaudible mais semblait avoir avorter sa tentative d'explication. Elle sentait deux regards insistants appuyés sur son dos. Etrange moment. Tension aérienne incompréhensible. La russe eut du mal à soutenir les yeux de Donovan qui lui semblait chercher les siens, la proximité bien trop décontenançante. Où était passé l'homme plein de retenue qu'elle connaissait? Il avait quelque chose de soudainement plus doux, comme une limite quelle s'était promise de ne pas franchir, balayée par l'alcool. Il devenait dur de ne pas se faire des idées. Coincée entre les deux hommes éméchés, Bambi se sentait à la fois maman et minuscule. Guidant d'un bras de fer les deux pantins désarticulés, elle s'enquérait de leur état.

    Pitiez Donovan, ne me regardez pas comme ça. suppliez t-elle intérieurement. 

    Une fois dehors, Basile lui échappa des doigts. Elle jeta un regard de tueuse à l'homme qui sautillait devant eux. L'alcool ne semblait pas l'empêcher de gesticuler. Elle ne devait pas les perdre de vue. Rory, quand à lui, ne semblait pas en capacité totale de ses mouvement bien plus mal au point physiquement. Après tout, chacun répondait différemment à la boisson.

    Elle reprit la parole en guettant au loin le déplacement erratique de l'italien. Bambi préféra garder Donovan proche d'elle de peur qu'il ne tombe à la renverse. Elle le colla contre sa hanche, répartissant au mieux son poids pour ne pas se déséquilibrer.  Au fond si elle espérait une chose c'était qu'ils ne se mettent pas à vomir dans le véhicule. Elle s'enticha donc de l'état du psychologue, osant enfin recroiser son regard. Son odeur grave se mêlait à quelques relents d'alcool. Elle était bien trop proche mais ne se résignait pas à l'abandonner à son triste sort. Une main glissée dans le dos du grand blond, l'autre cramponnée à son coude. Elle l'attrapa fermement, tentant de l'entrainer jusqu'à la voiture.

    - Si un jour on m'avait dit que je vous retrouverai dans cet état...

    Une fois la carrosserie atteinte, la scientifique ouvrit la porte pour y échouer Donovan. Elle posa une main sur sa tête, évitant qu'il ne se cogne en se pliant sur le siège. Simple petit geste plein d'attention. Puis, fit le tour pour prendre la place du conducteur alors que Basile fut prit d'une révélation hasardeuse bien trop bruyante à son gout.

    - Est ce que tu pourrais éviter de crier pendant que je conduis? Qu'est ce qu'il te prends?

    Mettant sur le dos de l'alcool cette déclaration soudaine, Bambi se laissa tomber au fond de son siège en soupirant. Elle avait encore du mal à percuter la situation dans laquelle on l'avait entrainée. Ignorant royalement Basile sous le coup de la rancœur, Bambi tourna la tête vers Donovan. Sa prunelle reluquant avec attention ce visage moins discipliné.

    - Vous êtes sure que tout va bien? s'adressa t-elle à l'homme assis à ses côtés.

    Elle était à peu prêt certaine que son collègue n'était pas du genre à se bourrer avec le premier venu. La professeur sentit une inquiétude sourde lui prendre la gorge, quelque chose c'était-il passé pour qu'il déborde?

    - Si quelque chose ne vas pas, n'hésitez pas à venir me voir. Je sais que l'on ne se connait pas depuis très longtemps Donovan, mais vous pourrez toujours compter sur moi en cas de besoin.

    Alors que Basile semblait avoir perdu le fil à s'assoupir sur le siège arrière, Bambi tentait de garder contenance en rivant son regard sur la route. Elle jeta un dernier coup d'œil sur le grand blond, remarquant qu'il n'avait pas eu le reflexe de mettre sa ceinture.

    - Ne bougez pas.

    Se hissant au dessus de lui pour attraper le ruban, son cou se logeant proche du visage du psychologue. Ses doigts rencontrèrent le tissus de sécurité alors que le souffle de Rory lui chatouillait la nuque. Elle déglutit. Son cœur s'emballa alors que sa poitrine se pressait contre l'épaule de l'homme. Contact furtif avant qu'elle n'enclanche le mécanisme en retrouvant ses distances. La présence de Donovan devenait réellement...insupportable.

    Puis Bambi, toujours en apnée, tourna les clefs pour démarrer.

    Vendredi 20 Août 2021 à 22:12
    Upside

    Rory:

    Tout était bancal, mettre un pied devant l'autre était une tâche laborieuse et heureusement que Bambi le tenait bien. Il n'était peut-être pas mal au point d'en tomber à la renverse mais sans cette petite aide, le trajet jusqu'à la sortie aurait pu être compliqué. Sentir son bras contre le sien, il en fallait peu pour que le myocarde du psychologue commence à s'emballer, comme si la présence seule de la professeure n'était pas suffisante. Il ne pouvait s'empêcher de baisser les yeux vers elle, d'observer ses traits troubles à travers ses yeux vitreux, les détournant parfois pour regarder où il mettait les pieds.

    Peu de temps après être arrivés dehors, il ne fallut pas longtemps à Basile pour s'éloigner de son amie et gambader comme si de rien n'était en rejoignant la voiture avec laquelle elle semblait être venue. Rory se demanda comment il faisait pour avoir encore autant d'énergie et surtout comment il faisait pour rester sur ses deux jambes alors que lui, il avait l'air bien fin à se reposer ainsi contre sa collègue et son amabilité à l'aider malgré l'heure tardive. Il sentit une main se glisser dans dos, son coeur frappait plus fort à mesure que le contact s'étendait, leurs hanches à présent collées, une main sur son coude. Bambi finit par poser son regard sur lui, coup de grâce.

    Si elle avait su qu'elle le retrouverait dans cet état, avait-elle prononcé. Il était vrai qu'il n'en menait pas large. L'homme d'apparence si ordonnée ne faisait pas honneur à sa réputation, une partie de lui eut envie de s'en excuser mais une timidité presque penaude l'en empêcha, laissant le silence régner sur ses mots.

    Ils arrivèrent finalement jusqu'au véhicule dans lequel le secrétaire n'avait pas manqué de s'installer, occupant la banquette arrière de tout son long. La professeure aida donc Rory et son ivre maladresse à s'asseoir sur le siège passager, une main sur sa tête à veiller qu'il ne se cogne pas. La tendresse d'un geste si candide le toucha, ses émotions déjà mises à vif, il aurait voulu qu'elle reste. Mais une fois bien installé, Bambi s'en alla prendre place de l'autre côté.

    Une éclatante exclamation trancha le calme de la nuit, le voyageur arrière venait d'avoir une révélation qu'il avait cru bon d'extérioriser de vive voix avant de se faire remballer par sa collègue. Il ne s'étala pas plus, gardant pour lui la raison de ce haussement de voix. Ignoré par Bambi, elle tourna la tête vers l'homme à sa droite, lui demandant s'il allait bien. Son voisin tourna légèrement son visage vers elle en prenant une lourde inspiration. Il ne le savait pas vraiment lui-même, la légèreté de sa discussion anodine avec Basile s'était fait la malle. Il hocha doucement la tête en guise de réponse. Cependant, la professeure n'était pas dupe, elle insista un peu plus, l'invitant sincèrement à se confier si quelque chose n'allait pas. Ses mots le touchaient un peu, à travers ce voile de doute qui emplissait son esprit. Il détourna le regard vers la route, ne sachant pas s'il pourrait soutenir les yeux de la jeune femme à ses côtés.

    Ils s'apprêtait à partir quand elle réalisa qu'il n'avait pas attaché sa ceinture, un peu à l'ouest, et crut bon de l'aider à le faire.

    - Ne bougez pas.

    Interloqué, il l'observa se hisser au dessus de lui pour attraper la sangle de sa ceinture de sécurité. Son cou pâle était si proche, il sentait son parfum délicat et cette proximité si soudaine lui parut presque insoutenable. Sa respiration tremblante s'engouffrait dans la nuque de la professeure, un regard lascif rivé sur sa peau. Il crut presque sentir le coeur de cette dernière contre son épaule, à l'unisson avec le sien qui battait à tout rompre. Elle s'écarta finalement, l'attachant à son siège. Une main sur la clé, elle démarra le véhicule, le vrombissement du moteur couvrant un soupir.

    Le trajet commença dans un silence absolu qui laissait présager que l'occupant arrière s'était assoupi. Rory repensait aux mots de Bambi, ces paroles qui l'avaient invité à lui parler si quelque chose n'allait pas. À vrai dire, il avait bien besoin de se confier, de s'expliquer, de chercher à se justifier auprès de lui-même pour cet écart qu'il s'était laissé faire, à se monter la tête à coup de verre divers sans réfléchir. Il tourna la tête vers la fenêtre, regardant le paysage défiler.

    - À vrai dire.. Je ne sais pas si ça va, souffla-t-il.

    Il regretta instantanément d'avoir ouvert la bouche pour dire ça. Toutes les pensées qui lui avaient bouffé la tête lui parurent tout d'un coup ridicules, elles ne valaient plus la peine d'être racontée, elles n'avaient même plus la légitimité d'exister. Pourquoi est-ce qu'il s'était mis dans cet état? Pour rien, rien du tout. Si on devait coller un défaut fatal à Donovan, ç'aurait été ça. Le renfermement sur soi, à étouffer ce qu'il ressentait jusqu'à exploser, à remettre en question tout ce qui lui était arrivé et à écraser tout ça dans un coffre sous scellé.

    - J-je suis désolé, je ne veux pas vous embêter avec ça, c'est ridicule.

    Le psychologue marqua une pause. Il repensa à la discussion qu'ils avaient eu lors de leur première rencontre, autour d'un verre, à la question que Bambi lui avait posé. Il passa une main peu assurée dans ses cheveux, les défaisant plus qu'il ne les recoiffait, négligeant un peu plus son apparence plus si soignée qu'elle ne l'était habituellement.

    - Vous vous souvenez de la fois où vous m'avez demandé qu'elle était ma plus grande peur? Demanda-t-il. Je vous avais répondu la peur de l'échec. Eh bien je n'ai pas été tout à fait honnête avec vous ce soir là.

    Ses yeux étaient toujours rivés sur le paysage qui passait, comme s'il avait peur d'affronter, même brièvement, le regard de la professeure. Sa voix était lente, parfois un peu étouffée et témoignait de la quantité d'alcool qui lui coulait actuellement dans le sang.

    - Non pas que l'échec ne me fasse pas peur, bien au contraire, mais ce n'est pas ce que je redoute le plus. Si je devais être tout à fait franc avec vous, là maintenant, je vous répondrais la peur de l'abandon.

    Il prit une profonde inspiration.

    - Je suis désolé, c'est ridicule, marmonna-t-il. C'est juste que.. Je pensais être passé outre des choses qui s'étaient passées il y a quelques années mais ce n'est pas le cas.

    Il se sentit profondément désolé d'avoir révélé une partie de ses craintes à Bambi, espérant qu'elle lui pardonne cet écart voire même qu'elle oublie tout ça d'ici le lendemain, comme par magie.

    Samedi 21 Août 2021 à 16:41
    AUREUM.UMBRA

    Bambi:

    Cramponnée au volant pour tenter de garder contenance, Bambi ne quittait pas la route des yeux. Un silence doux régnait dans la voiture, entrecoupé par moment de la respiration profonde de Basile endormi. La professeur conduisait calmement lorsque la voix de Donovan perturba l'habitacle.

    Surprise par la loquacité soudaine de son collègue, elle jeta un coup d'œil rapide vers lui. Ses cheveux malmenés rebiquaient insolemment au sommet de son crâne. Il était là, les yeux perdus dans le vide de sa fenêtre. Le paysage sombre défilant devant eux évoqua à Mlle Drogov une étrange impression de nostalgie.

    Il se confia quand à ses doutes, avoua d'une voix fébrile comme l'abandon le terrifiait. La russe marqua un moment d'hésitation, réfléchissant à cet aveu si soudain. Elle comprenait parfaitement cette crainte. Il était dur de se confronter à l'évidence d'une solitude forcée.

    - C'est loin d'être ridicule. affirma t-elle d'une voix ferme. Et je vous interdit de vous excuser.

    Elle fixait le bitume en s'exprimant incisivement. La femme aurait bien renchérit en demandant ce qu'il s'était passé "il y a quelques années" mais considéra cela indiscret de sa part. La question aurait été purement poussée par une curiosité dévorante, et Rory semblait avoir, pour l'instant, besoin d'un soutien - pas d'une aventurière. Peut être un jour serait-il suffisamment en confiance pour le lui confier de lui même, Bambi l'espérait en tout cas.

    - Je ne sais pas ce qu'il vous est arrivé et je n'aurais pas l'indélicatesse de prétendre le deviner. Mais quelque chose vous a rappelé de mauvais souvenirs?

    Sans doute étais ce l'alcool qui déliait sa langue mais la demoiselle ne put s'empêcher d'être touchée par cette discussion. Ils se ressemblaient peut être plus qu'elle ne le pensait finalement. Elle savait comme cela pouvait être dur d'accepter l'éventualité de se mettre à nouveau en danger quand on fut blessé. Tout le paradoxe de la confiance. Finalement c'était un peu pour ça qu'elle avait tant de mal à se contenir quand il était là. Rory était un appel à s'abandonner d'une toute nouvelle façon.  La jolie brune compatissant même largement au  mal-être du passager. 

    Elle conclu sa réplique par une simple phrase qui n'avait pas tant de sens dans le fil de la discussion. Phrase qu'elle aurait tant voulu qu'on lui dise un jour. Phrase qui aurait balayé toutes ses angoisses. Si cette phrase elle était condamnée à ne jamais l'entendre, peut être pourrait-elle la prononcer pour un autre. Pour Rory.

    - En tout cas, je suis là.

    Dimanche 22 Août 2021 à 01:34
    Upside

    Rory:

    Son regard s'abandonnait dans le paysage dont les formes se distinguaient difficilement, la vitesse du véhicule les mélangeant entre elles. Une voix ferme s'éleva dans le silence qui s'était réinstallé, le ramenant sur la terre ferme. Bambi le rassura, lui interdit de s'excuser. Rory se sentit minuscule. Elle était bien belle, l'ironie du sort. Lui qui œuvrait à aider les pensionnaires à accepter leurs douleurs comme légitimes alors qu'il n'était même pas capable de voir les siennes en face.

    La professeure cherchait peut-être à comprendre pourquoi est-ce qu'il avait eu la main si facile sur les verre ce soir-là, qu'est-ce qui pouvait bien valoir qu'il se mette dans cet état tandis qu'il continuait de se convaincre qu'il exagérait, que c'était pas si terrible et que ça ne méritait même pas d'être abordé. C'était lui qui sur-réagissait, tout simplement, qui était trop faible pour passer outre, qu'il n'avait pas à encombrer Bambi de ses tourments parce qu'il avait pas été foutu de faire les efforts nécessaires pour s'en reconstruire.

    Il se redressa, ses yeux quittant la fenêtre de la portière pour trouver refuge sur la route qui filait sous leurs pieds. Qu'est-ce qu'elle en dirait si elle apprenait que ce quelque chose qui avait ravivé ces mauvais souvenirs, c'était elle. En partie, du moins. Il cherchait ses mots, ne sachant pas comment formuler ce qui se tramait là-haut, encore une fois.

    - En tout cas, je suis là.

    Coup de grâce. Je suis là. Rares sont les fois où l'on avait prononcé ces mots pour lui. La dernière fois remontait à six ans auparavant, de la bouche de sa sœur cadette lorsqu'elle l'avait ramassé en miettes. Elle était d'ailleurs la seule à réellement savoir ce qui s'était tramé à ce moment là, unique personne à qui il avait ouvert son cœur taciturne. Il tourna doucement la tête vers la professeure, osant finalement poser son regard tiraillé entre alcool et fatigue sur elle.

    - Merci, murmura-t-il le souffle coupé.

    Il prit une inspiration, cherchant comment exprimer ce qu'était ce quelque chose sans trop en dire, sans risquer de la faire fuir alors que sa peur irraisonnée était revenue le hanter. Le visage du psychologue se tourna à nouveau vers la route devant lui.

    - Eh bien.. C'est qu'il y avait quelqu'un qui m'était cher, en qui j'avais confiance.. Les choses ne sont pas très bien passées et.. Il soupira. C'est dur de ré-accorder sa confiance sans avoir peur que tout recommence..

    Il avait un certain talent Rory, pour minimiser les choses jusqu'à se convaincre que qu'elles n'étaient rien du tout et qu'il aurait mieux fait de ne rien dire, de garder la bouche fermée plutôt d'essayer d'exprimer ce qui le gangrénait. Dédramatiser au possible, servir une version éthéré de ce qui l'avait touché, le tout saupoudré de son incapacité chronique à mettre sur mot ce qu'il pouvait rien ressentir. C'était la recette parfaite de tous ses plus grands défauts.

    - Jusqu'à présent, j'ai essayé de garder mes distances.. Mais ce quelque chose que vous avez mentionné me fait actuellement douter.

    Il tourna la tête vers Bambi.

    - Est-ce que cette fois-ci, je prends le risque?

    Dimanche 22 Août 2021 à 02:30
    AUREUM.UMBRA

    Bambi:

    Elle écouta en silence le ton vibrant de son collègue. Nul doute qu'il avait imbibé bien trop de substances pour avoir l'esprit totalement clair. Il la remercia et Bambi espérait sincèrement que ses mots ait pu apaiser, même rien qu'un instant, cette tête visiblement remplie de bien des doutes. 

    La russe était vraiment désolée d'entendre les confidences de Rory. Quelqu'un lui avait donc fait du mal. Sous ses airs rigides se cachait bien un homme. Un homme que Bambi voyait de plus en plus emplit de tendresse.

    La question ultime résonna dans son crâne violemment. Prise de court, elle tourna la tête vers Rory, croisant son regard. Elle déglutit. Pourquoi lui posait-il cette question si frontalement? Était-elle réellement légitime à lui répondre? Sa tête commençait sérieusement à cogner. Ses yeux se suspendirent, accrochèrent un instant ses lèvres comme par reflexe avant de revenir se loger à travers le parebrise. La mydriase soudaine trahissant ce genre de sentiments. Dilatation incontrôlable de sa pupille lorsqu'elle posait les yeux sur cet irlandais. Un peu perdue, elle n'arrivait pas à déterminer si elle était personnellement concernée.

    La professeur aurait aimé lui dire comme chaque relation est différente de la précédente, le rassurer quand au fait que l'histoire n'est jamais la même. Mais, sous la panique, ses paroles bienveillantes, elle les garda en son fort intérieur.

    Bambi, reprends toi.

    Ses doigts se resserrèrent sur le volant alors qu'un frisson remonta son échine. D'un geste mécanique elle se trémoussa sur son siège pour se replacer au fond. Les paroles du psychologue laissaient tout de même bien peu de place aux doutes. Et peut être trop pour son imagination Il avait rencontré quelqu'un? Bambi l'enviait - ou bien, sans vraiment percuter, espérait secrètement en être la cause. C'est donc embuée de cette envie vaine quelle lui répondit la gorge sèche sous l'angoisse.

    - A votre place, je le prendrais. 

    Elle marqua une pause pour tenter de mentaliser une phrase sensée.

    - Je ne supporterai pas laisser des fantômes décider à ma place.

    La draps de nuit défilait sur leur passage. Une fois de plus, le cadre nocturne enveloppait le cœur de Bambi. Donovan devenait de plus en plus dangereux pour ses sensations. Elle ne donnait pas cher de sa peau si il continuait à la taquiner de cette façon.  

    Bientôt, les lumières chaudes du pensionnat chatouillèrent leur horizon. Mlle Drogov s'arrêta dans la court. Les trajets au côté du psychologue avaient une fâcheuse tendance à l'éprouver moralement. Il la sortait de sa zone de confort et elle y prenait maintenant un malin plaisir.

    Une fois le moteur coupé, elle se pencha vers l'arrière pour secouer Basile. Le grand brun totalement dans les vapes bafouilla un semblant de remercîment avant de se tirer hors du véhicule. Il s'étira avec langueur, encore entre le rêve et la réalité. Bambi l'imita avant de venir ouvrir la porte de Rory. Elle prit une ultime bouffée d'air frais avant de se pencher pour rencontrer le visage de son collègue et lui tendre une main.

    - Je vais vous aider.

    Dimanche 22 Août 2021 à 03:34
    Upside

    Rory:

    L'alcool déliait les langues autant qu'il secouait ceux qui n'avaient déjà pas trop les idées claires, Rory vivait actuellement les deux. Il était ravagé. Les mots coulaient de sources sans que ses pensées ne trouvent un ordre qui ne lui file pas le tournis. Ses prunelles vitreuses détaillèrent le visage de Bambi un bref instant, s'abandonnant finalement dans le vague, sans trop chercher quoi que ce soit sur quoi s'ancrer.

    Pour une raison qui lui échappait, il avait un mal fou à faire sortir cette femme de sa tête. Il ne se l'expliquait pas, inexorablement attiré par cette professeure à l'aura mystérieuse. Elle avait cette manie de le bousculer, de lui faire perdre ses repères et de remettre en question ce sur quoi toute sa façon de concevoir des relations reposait. Une soif inexpliquée commençait à lui assécher la gorge, il avait envie de la connaître un peu plus, d’étancher ce désir pour le moment encore flou.

    Le grand blond ne pensait pas qu'elle lui répondrait ainsi, il ne pensait d'ailleurs pas qu'elle lui réponde tout court. Il haussa un peu les sourcils. Elle la prendrait. Elle ne laisserait pas les fantômes du passé décider à sa place. L'esprit désinhibé du psychologue mit un peu de temps à traiter l'information, sans trop de fiabilité vu son état actuel. Une partie de lui lui susurrait qu'elle n'avait pas tord et qu'il devait peut-être prendre son courage à deux mains. Les mots de Basile lui revinrent en mémoire, Donovan. T'es un homme oui ou non? Si t'en es un, alors va y.

    Le pensionnat finit par se dessiner sur l'horizon et ils y arrivèrent très vite. Bambi se gara dans la cour et une fois le véhicule arrêté, elle descendit pour réveiller Basile qui avait bel et bien somnolé pendant tout le trajet. Il s'était levé, s'étirant comme pour s'extirper du pays des songes.

    Une fois le secrétaire bien debout, la professeure fit le tour pour venir ouvrir à Rory, lui tendant une main pour l'aider à sortir. Il la fixa un instant tandis qu'elle lui proposait son aide pour se redresser. Il l'accepta volontiers, éclair de lucidité subite quant à son état et les capacités que lui permettait son état.

    D'un geste maladroit, ses doigts effleurèrent la peau de sa collègue, touché électrisant qui lui rappela étrangement leur dernière rencontre, cette séance de cinéma durant laquelle il avait déjà eu l'occasion de sentir sa peau contre la sienne. Son index remonta doucement jusque dans sa paume, caressant malencontreusement la naissance de son poignet avant de refermer sa grande main sur celle de la belle brune. Il se laissa aider, tenant maintenant sur ses deux jambes et laissa Bambi l'attraper afin de guider ses pas sans avoir à risquer de le retrouver par terre.

    Ils entamaient leur marche à travers la cour du pensionnat, il n'y avait pas un chat même si c'était normal vu l'heure.  Rory qui avait déjà beaucoup parlé avait à présent perdu sa langue, il ne disait plus rien, se contenant de se laisser emporter sur le chemin du retour.

    Une idée audacieuse naquit alors dans l'esprit du grand blond, germa rapidement avant de lui causer cette irrépressible envie de poser une question à sa collègue. Une hardiesse éphémère et inattendue le poussa à se risquer à la verbaliser, la fatigue enroulée autour de ses mots, en compagnie de l'alcool.

    - Dites-moi.. Est-ce que vous aimez voyager?

    Dimanche 22 Août 2021 à 13:55
    AUREUM.UMBRA

    Bambi:

    La peau de Rory fut brulante. Ses doigts se serrèrent autour des siens et Bambi songea un instant à la dernière fois que cela arriva. Elle se souvînt aussi du sentiment qui l'avait saisit. Il frôla son poignet, arrachant une inspiration un peu plus profonde à la jolie russe. Refoulant au plus profond d'elle même cette vague impression de déjà vu, elle prit appui pour tirer son collègue dehors.

    Il semblait flotter dans son propre monde. Accroché à son extrémité, il restait malgré tout bien plus grand qu'elle. Elle se cantonnait donc à son but initial, les ramener saint et sauf à leurs dortoirs.

    Les alentours étaient calmes. Les élèves surement enfouis sous leurs draps. Tant mieux. Bambi se voyait mal croiser l'un des petits pensionnaires et inventer une excuse bancale pour justifier l'état de leur personnel éducatif. Bras dessus bras dessous, elle pouvait sentir son avant-bras sous la fine couche de tissus que constituait sa chemise. Le silence qui c'était installait laissait grande place pour des pensées internes bien déplacées. Bambi se perdit donc un instant à rêvasser sur la musculature du grand blond quelle trainait dans la pénombre. Tirée honteusement vers la réalité par la voix grave de Rory, elle se maudit une fois de plus. Il avait un ton si calme entaché de fatigue, un tint si prenant que la femme se dit qu'elle n'avait jamais entendu des cordes vocales si sensuelles.

    - Oui, j'aime ça. Et vous?

    Elle n'avait eut l'occasion de vraiment le faire jusqu'à présent mais appréciait réellement ça. C'était d'ailleurs l'un de ses souhait d'enfant, tout voir. Le genre de vœux que l'on fait, les yeux rivés à travers la fenêtre gelée. La joue encore dodue colée au creux de sa main, l'esprit rêveur. Hormis l'Italie de son ami et sa Russie natale elle n'avait jamais vraiment prit le temps de partir aux quatre coins du monde. Trop enfermée dans le taciturne de son rôle de professeur.

    Derrière eux, Basile trainait des pieds. Les mains enfouies au fond de ses poches il était clairement trop épuisé pour s'intéresser à la conversation qui se déroulait à l'avant. Il suivit sagement le cortège - pour une fois. Bambi jetait parfois des regards vers lui pour vérifier qu'il ne partent pas en cacahouète lui aussi. Son regard vert dans le flou, il se déplaçait de toute sa nonchalance, échappant un soupir par moment. Lentement, il reprenait de sa contenance. Ses traits se durcissaient et il arborait maintenant un air embêté. Sourcils froncés lorsqu'un couloir fit écho dans sa mémoire, il se contenta de lâcher à demi mot un "merci Bambi." avant de quitter ses acolytes. Par dessus son épaule, il jeta un ultime coup d'œil désapprobateur à Donovan avant de tourner les talons. Il tirerait ça plus tard au clair. Même avec des grammes dans le sang, le petit jeu entre ses deux là crevait presque les yeux. Il n'était clairement pas en état pour tenir une nouvelle discussion et préféra se retirer pour mieux s'excuser le jour suivant. Une pensée amère pour sa Vanille encrée sous la peau.




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