Jeudis étudiants [privé]

Le Canada. Pour Georgie, ça sonnait sirop d'érable et ours. Mais si elle réfléchissait deux minutes -ce qui restait un peu compliqué dans l'état où elle était-, elle se doutait que la vie de Joy ne se résumait pas à ça. C'était comme dire qu'elle, en tant qu'Australienne, était une surfeuse née. Elle, en équilibre sur une planche entre les vagues ? C'était mal parti, la jeune femme n'était pas inconsciente à ce point. Donc il fallait qu'elle pense à autre chose qu'à ça en regardant Joy ; pour ça, rien de mieux que de revenir à ses pensées initiales. C'était quoi, l'alcool phare du Canada ?

Joy reprit la parole. Toi tu es Australienne c'est ça ? Georgie, sans prendre le temps de réfléchir, lui répondit d'un ton plus neutre que précédemment.

- Oui. Enfin, je suis née là-bas, j'ai une grande partie de ma famille là-bas, mais après moi j'ai grandi ici.

Elle sirotait son cocktail tout en parlant.

- Après, on peut pas dire que je sois vraiment américaine. Vu que j'ai un peu vécu en autarcie chez mes parents, ça ne m'a pas aidé à m'intégrer dans la culture du pays.

L'alcool déliait la langue de la métamorphe. Elle évitait habituellement ce genre de sujet. Mais même là, il restait quand même une barrière, un voyant rouge clignotant qui s'allumait dans sa tête pour lui dire de s'arrêter là, avant de déballer le reste des aventures de la petite Georgie qui changeait de tête toute les cinq minutes. Elle reprit donc la parole, pour inciter Joy à changer de sujet.

- J'ai l'impression d'être chiante avec mes histoires. Vas-y toi. Le Canada, c'est comment ? Vous buvez quoi ? Pas du sirop d'érable quand même ?

Un petit sourire reprit place sur ses lèvres. Elle se doutait que la réponse serait négative, mais c'était une petite pique facile à lancer au vu de la fierté qui avait transpercé le regard de Joy.

Joy sirotait tranquillement en prêtant attention à la petite histoire de Georgie. Elle n'y portait aucun jugement, ce qui aurait été de toute manière difficile à faire : le discours était plutôt neutre et relatait simplement l'histoire de ses origines. 

Elle fut cependant surprise d'apprendre que l'étudiante avant vécu en autarcie. Joy était tellement dépendante des commerces et de la vie sociétale que pour elle, il n'y avait que les tribus du fin font de l'Amazonie qui vivaient indépendamment du pays. Bon, elle ne la voyait pas non plus comme une Cro-Magnon car dans le fin fond de la campagne Canadienne, les gens vivaient un peu à leur dépend, bien qu'intégré au commerce local pour la plupart. Ou en Alaska, par exemple. 
Joy s'arrêta là, elle n'avait ni les connaissance, ni l'envie de réfléchir nécessaires pour mener à bien un raisonnement sur la question. 

Georgie l'engagea ensuite sur sa contrée et ce qu'ils y buvaient. A vrai dire, elle n'était pas experte en la matière non plus et se serait sentie au dépourvu si le sirop d'érable n'avait pas été évoqué. Dans ça tête, cela lui fit l'effet d'un "tilte" déclencheur. Un sourire illumina son visage, elle se redressa et se renversa sur sa chaise haute, à la limité d'en tomber en arrière : 

- Ohhh ! On se shoot au sirop d'érable ! S'exclama t-elle en rigolant, consciente de rentrer dans le stéréotype.  Ma foi, pour qu'ils existent, il devait y avoir une origine quand même. 

Ce n'était pas tout à fait faux, à vrai dire, si bien qu'elle ne sentit pas la pique de sa camarade. Elle aimait trop ça pour le ressentir comme ça, de toute manière. Cela lui rappela les différents alcool dérivés à l'érable, qu'elle put donc citer : 

- On a le Whisky à l'érable ! ... Oh mieux ! On a de l'Acerum ! Celui-ci, c'est vraiment typique car c'est vraiment fait à partir de sirop d'érable. C'est fort en plus, faut avoir les tripes bien accrochées. 

Elle tâcha de rééquilibrer sa chaise sur ses quatre pattes, après s'être fait une petite frayeur en sentant son poids du corps tanguer un peu trop vers l'arrière, et poursuivit : 

- Il sont fort nos Québécois là-dessus. Sacrés zigotos ! 

Ca faisait beaucoup de mot "fort" en quelques secondes, elle en était consciente, mais s'en rendit compte trop tard. Tant pis ma foi.. passé minuit, savoir si elle faisait des répétitions dans ses phrases allait être le cadet de ses soucis. 

- Au retour des prochaines vacances, je t'en ramènerais ! 

Elle accompagna sa promesse d'un clin d'oeil. 

Elle allait tout de même devoir vérifier les restrictions pour l'alcool transportable à l'aéroport.  Manquerait plus qu'elle se fasse arrêter bêtement. Et pire, le pensionnat ! Elle allait se faire allumer s'il découvrait la bouteille... Soit elles le consommaient le soir-même, soit l'idée était trop mauvaise pour être réalisée. Ou alors elle allait bien trouver quelqu'un pour lui garder en dehors de l'enceinte du pensionnat, non ? 

Bref, le Canada c'est génial. Elle pourrait en parler pendant des heures. 

Un rire s'échappa de Georgie, qui pensait que la jeune femme était rentrée dans son jeu. Mais Joy renchérit en lui présentant les différentes boissons, et la métamorphe se stoppa. Ses yeux pétillèrent d'envie, l'eau lui montant à la bouche. Ca avait l'air plutôt pas mal tout ça. Elle s'imaginait déjà tester ces différentes boissons. Non, ce soir c'était vodka, on avait dit, pensa-t-elle en sirotant une gorgée supplémentaire. Mais pourquoi pas une prochaine fois ? D'ailleurs, Joy semblait prête à en ramener. Le sourire de Georgie s'agrandit.

Concentrée sur leur discussion, elle ne prêtait pas attention aux péripéties de Joy et son tabouret. L'étudiante infirmière en elle et ses cours de premiers secours étaient depuis bien longtemps endormis par l'alcool.

- Ca marche ! Je t'aurais bien proposé de te ramener de la bière d'Australie, mais c'est pas très original. Et puis je n'y vais plus trop. 

Elle passa la main dans ses cheveux roses. Tout ça, ça lui donnait des idées. Pas forcément les bonnes, mais des idées quand même.

- On dirait un peu le festival des cultures qu'ils ont organisés au pensionnat. Il faudrait faire la même chose, mais version alcoolisée ! Chacun ramène la spécialité de son pays. Le festival des alcool !

Elle tenta d'imaginer l'ambiance dans la salle commune s'ils organisaient cela. Non, pas dans la salle commune. Il y avait aussi des pensionnaires un peu trop jeunes pour participer à ce genre de soirée, et ça restait un lieu qui attirerait trop l'attention des surveillants. L'australienne se fit silencieuse quelques instants, le temps de réfléchir à quel serait l'endroit le plus stratégique pour organiser un tel évènement. Non pas qu'elle allait le faire -elle aurait sûrement oublier l'idée dès le lendemain matin-, mais c'était toujours agréable d'avoir ce genre de projet fou, même fantasmé.

La jeune femme, qui rêvassait depuis quelques instants, reposa brusquement son verre sur la table, en laissant ainsi quelques gouttes du cocktail s'échapper pour éclabousser la table. Sans y faire attention, elle reprit la parole avec enthousiasme. 

- Tu imagines, en soirée d'inté pour les étudiants d'Headwinds ça pourrait être un bon truc non ?

Un peu plus, et Georgie allait tenter de créer un bureau des étudiants au pensionnat, et se faire élire VP évènements pour pouvoir organiser ça, et entrainer Joy avec elle. Enfin non. Parce qu'elle savait comment se passaient les soirées à ce genre de poste. Ne pas boire pour faire la sécurité, et puis quoi encore ? C'était Georgie après tout. Toutes les soirées sur un an sans boire, ça lui était inconcevable.

Georgie parut transmettre sa joie à la jeune femme, qui s'imprégna un peu plus de sa bonne humeur ; voir peut-être un peu trop, quitte à devenir imprévoyante. Pour le moment, leur discussion ne la mettait nullement en position délicate. Quoique le tabouret avait faillit lui jouer un mauvais tour. Si elle s'était calmé sur le coup, cela n'allait durer que quelques secondes. 

Etonnée, elle pencha la tête sur le côté. Elle ne savait pas que l'Australie avait une bière bien spécifique. Ou peut-être étais-ce des grands consommateurs ? Les deux étaient sensiblement liés. Joy n'était pas une grande fane de bière, et ne saurais dire pourquoi. Si elle en prenait c'était surtout pour siroter quelque chose de pas fort en s'occuper les mains. 

Elle but une ou deux gorgées en écoutant l'incroyable idée de Georgie, qui eut don de la faire éclater de rire. 

- Un festival des alcools ?! Répéta t-elle étonnée. 

D'un certain point de vue, ce n'était pas si idiot que ça. L'alcool et sa consommation contribuait à la richesse d'un pays, autant économique que culturel. 

- Mon dieu je veux voir ça de mon vivant ! 

Elle se tut à son tour et imagina l'état des étudiants du pensionnat si un tel évènement était organisé. Ils allaient en retrouver au fin font du campus, d'autre affalé dans la salle commune des dortoirs, ou encore des surveillants essayant de gérer ceux ayant l'alcool excitateur. Bon... c'était rêver à grande échelle pour tout le pensionnat entier, sans compter le fait qu'ils n'allaient jamais organiser un tel festival. 
Comme si Georgie avait pensé elle aussi à cette restriction, elle fit sursauter la blondinette en reposant son verre et proposa la soirée d'intégration. Cette fois, Joy se vit plus emballée que prévu : 

- Oh mon dieu ça serait génial !! Headwinds serait le seul endroit à proposer une soirée d'intégration digne de ce nom en veillant à l'ouverture d'esprit et la connaissance culturelle de ces étudiants en toute circonstances ! 

Elle rigola encore, toute dents découvertes. Georgie avait apparemment des idées à revendre, c'était trop drôle. Et puis, Joy était toujours partante pour renchérir et donner de la profondeur -même un peu bancale- à un projet déjà farfelus. 

Et plus sérieusement, de toute manière l'alcool tournait à foison dans ce genre de soirée. Alors qu'il soit Australien, Canadien, Allemand ou Russe, cela ne devait pas changer grand chose en soit. 

Alors que l'australienne laissait ses idées folles s'échapper de son esprit, elle s'aperçut que Joy semblait amusée et intéressée par ce projet. Elle riait de bon cœur, et Georgie se joint à elle dans l'euphorie du moment. Jusqu'à ce que la jeune femme blonde trouve un "justificatif" à ce projet.

Dans l'esprit embrumé de Georgie, cela fit immédiatement sens. "Ouverture d'esprit", "connaissance culturelle", "toute circonstances" ; si avec ça, on leur disait qu'une soirée d'intégration n'avait pas lieu d'être, c'était exagéré. Pas de doute, dans la corporation des étudiants d'Headwinds imaginée par la métamorphe, il faudrait Joy et ses idées, pour justifier tous leurs projets.

L'australienne se releva brusquement.

- Allons de ce pas en parler à Macha !

Oui, Macha. Oui, à presque une heure du matin. Actuellement, la politesse et la bienséance, ce n'était pas les priorités de Georgie. Elles étaient elles-aussi bien endormies au fin fond de son esprit.

Cependant, elle se rassit rapidement, freinée dans son enthousiasme. Un vague sentiment de nausée s'était emparée d'elle lorsqu'elle s'était redressée. C'était comme si son corps et sa conscience s'était allié pour lui dire que ce n'était pas le moment. Qu'importe. Quelques secondes de repos assise, une petite gorgée doucement sirotée, et ça allait passer selon la jeune femme.

Pour ne rien montrer, elle exposa un sourire de façade. 

- Ou peut être demain. Ca te dirait d'aller à un after chez Tiffany ? Ce serait bête de le rater !

Tiffany était la cousine de la meilleure amie de la colocataire d'une camarade de promo de l'étudiante infirmière. En gros, quelqu'un qu'elle ne connaissait absolument pas. Mais elle avait été invitée -pas par l'intéressée évidemment-, et connaissait donc l'adresse. Logiquement, cela voulait dire que l'australienne pouvait y aller, et même inviter quelqu'un avec elle, non ?

En plus de cela, le bar allait bientôt fermer, et il fallait un endroit pour continuer la soirée. Ca paraissait être un bon plan pour Georgie. En plus, il y avait un fast-food sur la route. L'australienne avait envie d'une glace, malgré sa gorge serrée. Tout s'enchainait parfaitement dans cette soirée !

( Je suis vraiment tellement désolée pour le temps de réponse !) 

- Hein ?! S'étonna la jeune femme tendis que Georgie se levait l'air assez déterminé pour douter de la blague. 

Joy ne se leva pas, peut disposée à rentrer au pensionnat maintenant. il manquerait plus qu'elle tombe sur le surveillant insomniaque. Elle qui lui avait dit la dernière fois que "ce n'était pas des grands fêtards qui bringuaient toutes les semaines" s'il la revoyait maintenant, il allait douter de sa bonne parole. C'était juste une drôle de période qui la faisait mentir. Mais en général, c'était juste.  

Elle n'eut pas besoin de ramener son amie à la raison que celle-ci se rassit. Soulagée, elle retrouva le sourire mais ne put s'empêcher de se questionner sur ce soudain changement d'humeur. Georgie poursuivit, ne lui laissant pas plus de temps pour chercher la petite bête. 

Chez Tiffany ? Joy ne la connaissait pas, de toute évidence, mais ce n'était jamais bien dérangeant dans ces circonstances. C'était comme ça qu'on se faisait des amis après tout. Joy ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu gênée, bien sûr, mais ce n'était rien à côté de ce que cet after promettait. 

- Si ça ne la dérange pas... hasarda t-elle avec un large sourire et un haussement d'épaule, oui avec plaisir ! 

On l'invitait rarement à des afters, en plus. Pas comme ça du moins. La curiosité la piquait toujours. 

(Ne t'inquiète pas, c'est normal de ne pas être toujours dispo ^^)

Si ça ne la dérange pas ... Bon, logiquement, si elle acceptait déjà la présence de Georgie, et des quelques autres personnes par qui les informations sur la soirée avaient transité, il n'y avait pas de raison qu'elle refuse Joy. L'australienne hocha largement la tête.

- Ne t'en fait pas, il parait qu'elle est A-DO-RABLE cette fille. Et que ses soirées sont fantastiques.

Elle aussi arborait un large sourire. Georgie aurait pu ainsi continuer et énumérer chacune des prétendues qualités de l'organisatrice, mais un autre élément lui vint en tête.

La jeune femme sortit son téléphone du petit sac en bandoulière qu'elle utilisait, et commença à parcourir rapidement les quelques messages que son groupe d'amies s'était envoyé durant la soirée. Là, entre deux selfies flous, il y avait l'adresse de la fameuse Tiffany. Georgie savait qu'il fallait traverser le centre ville pour aller chez elle, mais pas la rue précise. Elle fit un rapide copié-collé de celle ci vers l'application GPS de son téléphone.

- Elle habite à un quart d'heure d'ici à pied. On finit nos verres et on y va ?

Malgré sa gorge nouée, Georgie ne se laissait pas miner. Enivrée par l'alcool, elle débordait de motivation, et en était presque inarrêtable. L'air frais de la nuit, la glace qu'elle désirait lui ferait sûrement du bien.

D'ailleurs, il fallait qu'elle récupère sa veste avant de partir. Elle tourna la tête vers la table qu'elle avait occupé un peu plus tôt dans la soirée. Plus personne autour, plus de débris de verre, mais le vêtement reposait toujours sur une des chaises. La voie était libre. Sauf que l'australienne avait conscience d'être un peu trop repérable -entre ses cheveux colorés et l'alcool dans ses veines- ; alors, elle se tourna vers Joy au ralentit.

- Avant, tu ne voudrais pas faire une mission commando-top-secret pour la formidable créature qui est à tes côtés ?

(Désolée, je suis pas hyper satisfaite de ce que j'ai écrit, mais je pense pas que je ferais mieux)

(oui mais même, j'aurais pus prévenir... ) 

Il n'y en fallait guère plus pour la rassurer et l'inciter à s'incruster à une soirée. Et puis, c'était toujours ainsi : tu invitais une dizaines de personnes et tu te retrouve avec la moitié en plus que tu ne connais pas. Il n'y avait rien d'étrange. Elle était pressée de rejoindre la fête à présent, et remerciera Georgie si la soirée est vraiment bonne. 

Par ailleurs, l'itinéraire de quinze minutes ne lui plut pas vraiment. Elle détestait errer dans les rues durant la nuit. A deux, c'est mieux, mais cela ne promettait pas un trajet sans encombre. Joy pria intérieurement sa bonne étoile de les sauver toutes les deux. L'étudiante était totalement laïque et d'un manque spirituel parfois déconcertant, donc cette prière silencieuse pouvait sembler ironique. Au final, sa bonne étoile représentait plus sa chance, qui n'était plus à prouver. Parfois lui faisait-elle défaut, c'est vrai. Ce serait trop beau sinon. Mais en général, elle était bien servie. 

Elle finit donc en quelques gorgées rapides son cocktail et regarda la veste désignée par son amie, en comprenant très vite sa demande indirecte. Rien que les mots "mission commando-top-secret" et "formidable créature"  la firent assez rire pour accepter la tache toute contente. 

Elle lança un sourire en coin à l'intension de Georgie, et balaya ses cheveux d'un revers de main, l'air précieuse : 

- Admire le maitre à l'œuvre. 

Sur ce, elle se leva et donna sa veste à la formidable créature pour éviter d'avoir l'air louche à porter deux manteaux. manquerait plus qu'on la prenne pour une voleuse. De toute manière, personne n'allait se manifester. C'était une mission secrète un peu inutile : cette veste abandonnée n'était une occupation pour personne. Le jeu était juste de montrer à quelle point elle ferait une excellente agent secret. 

- On se retrouve à l'extérieur. 

Joy se dirigea résolument vers sa cible, l'air naturel et la prit au vol sans ralentir sa marche. Elle la mit rapidement sur ses épaules sans enfiler les manches, accompagné d'un gracieux mouvement de tête pour ne pas emprisonner ses cheveux à l'intérieur. Même attachée en queue de cheval mi-haute, ils restaient bien assez long pour se coincer à l'intérieur. 

Sur ce, Joy poussa la porte du bar et se surprit de sentir le froid glacial lui mordre ses pommettes. Hé bien ! On  va se faire congeler avant d'arriver ! Pesta t-elle en fronçant le nez. 

Georgie prit une ultime gorgée de son cocktail, les yeux pétillants, alors que Joy se dirigeait vers l'autre table. Elle l'observa faire, tout en remarquant avec satisfaction que le personnel du bar ne lui prêtait pas attention. C'était formidable. Elle n'avait plus qu'à oublier cette histoire de verres à shot, personne ne saurait qu'elle y était liée.

Joy passa l'habit de Georgie sur ses épaules, tout en dégageant d'un mouvement de tête sa chevelure, qui balança à sa suite. L'australienne sourit, avant de glisser son pouce et son index dans sa bouche, pour laisser échapper un sifflement qui résonna dans tout le bar. Les regards se tournèrent tour à tour vers l'origine du son et la destinataire de celui-ci, tandis que la jeune femme riait silencieusement. Elle enfila la veste de son réceptacle, et se dirigea un peu après celle-ci vers la sortie. 

Quelques secondes après que la canadienne soit sortie du bar, la porte fut à nouveau poussée avec enthousiasme pour laisser passer une Georgie pleine d'entrain. Elle souleva les mains à hauteur de son visage sur sa droite, et pencha doucement sa tête vers la gauche.

- Brrrrravo ! Brrravo ! applaudit-elle en roulant avec exagération les "r". Je reste muette devant tant de talent !

Un sourire de plus, et l'australienne se tourna vers la route. Elle ressortit son téléphone, et passa quelques secondes à osciller entre l'écran et les bâtiments alentours, cherchant un semblant d'orientation. Une lueur de compréhension finit par traverser son regard.

- C'est par là agent Joy !

Et, sans un regard de plus vers la demoiselle, Georgie s'élança dans la route en sautillant joyeusement d'un pied sur l'autre, pas après pas. Elle avait garder la veste de Joy sur son dos.

En sortant, contente de passer incognito dans sa mission, un sifflement attira l'attention de tout le monde. Surprise, Joy tourna la tête et aperçue Georgie, deux doigts dans la bouche. Elle ?! Comment a t-elle osé ?! Elle voulait pourtant une mission commando top secrète ! Pourtant, joueuse, un sourire se dessina sur ses lèvres franchement amusée. Revirement de rôle, dans son regard en coin, elle lui adressa un clin d'oeil et joua un instant de son épaule, pour jouer les aguicheuses envers cet "homme" qui osait la siffler. 

Dans la vie quotidienne, Joy n'aurait jamais réagit de la sorte. trop stricte, elle l'aurait sans doute ignoré ou lui aurait envoyé un regard assassin. Bon.. elle ne fait pas vraiment peur et ses regards appuyés ne sont pas assez fixateur pour déstabiliser quelqu'un. Le message n'en sera pas moins passé. Fort heureusement pour elle, elle n'avait jamais vraiment été sifflée, ou alors pas assez insistant pour vraiment la déranger. 

Sur ce, elle quitta le bar et put pester sur la fraicheur extérieure en attendant sa copine du soir. Celle-ci ne se fit pas prier trop longtemps et fit une apparition spontanée et exagérée. Ce a quoi Joy répondit par une petite révérence. 

Georgie s'en alla dans une direction après un temps de recherche afin de trouver l'appartement de cette Tiffany. La jeune blondinette rigola à sa démarche enfantine et la rejoignit en trottinant.

- En avant Guingamp ! S'exclama t-elle avec le même entrain. 

Quel étrange situation... Joy ne faisait pas confiance aussi facilement, et jamais au point de suivre quelqu'un dans les rues désertes de la ville. Ou alors il lui fallait deux grands bonhommes gardes du corps. Bob. Il faut appeler Bob. Lui, il rappliquera illico s'il n'est pas étalé au sol en train de se prendre pour un serpent. Au vu de l'heure, il était normalement encore largement en état, ce grand gaillard. 

En tout cas, elle ne sut pourquoi elle accordait sa confiance en Georgie. Intuition sans doute ? Bonne impression et rattachement à Headwinds. Si une partie d'elle était excitée de l'aventure, son côté plus prudent criait que le danger n'était pas une aventure. Un danger ? Quel danger ? 

- Si on se fait tuer dans le coin d'une rue, je te tue. Promit-elle sans ce rendre compte de l'aspect illogique de sa phrase, si on la prenait au sens strict du terme. 

- Et si on s'en sort, je t'aime. 

"Je t'aime". Une phrase qu'elle ne disait casi jamais. Peu encline à faire ressurgir ce genre de problème, son cerveau ressorti une vieille musique où cette phrase était énoncée plusieurs fois. Elle se mit donc à chanter en forçant sa voix dans le grave pour essayer d'imiter le chanteur français Johnny Hallyday. 

- QUE je T'AIMEU ! Que je t'aimeu... Que je t'aime. Quand tes cheveux s'étalent comme un soleil d'été ! 

Hors mi le problème d'ordre entre la première phrase du premier couplet et le refrain chanté qu'à moitié, hors mi son accent de canadienne qu'elle n'arrivait pas à perdre -même en chantant- et ses cordes vocales loin de lui permettre d'être une bonne chanteuse, l'air était là.