Jeudis étudiants [privé]

En une gorgée, Georgie but le dernier shooter qui se tenait devant elle. Elle venait de boire dix de ces petits verres de vodka. Le mètre de shot, c'était une des "spécialités" du bar où elle se trouvait actuellement. Evidement, la métamorphe et les quelques camarades de sa promo qui l'accompagnaient étaient venues pour cela. Déjà un peu éméchées, elles avaient décidées, de bon cœur, de faire un concours de qui finirait le plus vite ce fameux mètre. C'était, se disaient-elles, un bon moyen de commencer leur nuit de festivité.

D'un geste brusque, l'australienne reposa son verre, et observa ses voisines de tables. Et mince. Deux d'entre elles étaient déjà tête relevée, en train de rire en attendant de voir qui serait la perdante. La jeune femme se joignit à elles. Tour à tour, chacune des occupantes de la table terminèrent leur verre, et les discussions reprirent, ponctuées de rires bruyants. Même si Georgie y participait de bon cœur, ses pensées finirent par s'échapper. Et elle eut alors l'idée de génie.

Elle attrapa avec précaution un premier verre, et le plaça devant elle. Puis un deuxième, juste à côté. Un troisième, au dessus. Elle allait faire une superbe pyramide ! Petit à petit, ses voisines se joignirent à elle, pour l'aider, alors qu'à l'autre bout de la tablée, une deuxième pyramide commençait à prendre forme. Les sourcils de la jeune femme se froncèrent. Il était hors de question que cette fois, elle perde : il fallait absolument que sa pyramide soit plus grande. Et pour cela, une seule solution. Il lui fallait d'autres shooters !

Elle se leva, et commença à parcourir maladroitement la foule dense qui occupait le bar. Perchée sur ses bottines à talon, elle regardait par dessus les épaules, sur les tablées, cherchant les objets de sa convoitise, et glissait de temps en temps un petit "Je peux prendre vos verres ?". Et cela fonctionnait. Ainsi, elle tenait huit verres empilés lorsqu'un élément la détourna de son objectif premier.

- Joy ! s'exclama-t-elle, en traversant le bar en direction de la jeune femme qu'elle venait de reconnaître.

(mdrr tu sais que ça m'éclate de faire le tout premier RP de Joy dans ces conditions xD elle qui est censé être une fausse timide, travailleuse. Bah tiens ! c'est génial comme première impression x)) 

Tirée de force de sa chambre pour passer une soirée digne d'un étudiant, Joy s'était retrouvée -pour son plus grand plaisir- dans ce bar . Très vite plongée dans l'ambiance, les deux copines s'étaient approchées du bar pour se décrasser l'œsophage et s'aider à lâcher prise. Avalé tout rond, elles grimacèrent un instant et se sourirent. Bien ! 

- Oh god ! J'ai oublié d'aller aux toilettes avant de venir ! je reviens. 

- Je serais plus là ! 

- Ouais je sais t'inquiète. 

Joy quitta donc son amie pour trouver les WC féminins. C'était comme la piscine : si tu faisais pas avant, tu faisais pendant. Et après quelques verres, ajouté à l'euphorie de la soirée, faire ces besoins devenait incroyablement technique. 

Durant sa traversée, elle remarqua une tablée en pleine compétition de pyramide. Ils paraissaient déjà bien attaqué. Cela amusa notre étudiante. On va essayer de tenir un peu plus longtemps, hein Joy ? Je veux aller en boite cette nuit, moi. Ouaiiiis t'inquiète. Tu seras comme neuve. Joy n'avait pas pour habitude de se parler intérieurement et de jouer aux questions-réponses. Ca ne lui arrivait qu'en soirée. Et avec quelques shoot en plus, elle le faisait à voix haute. 

Elle rejoignit les toilettes puis en ressortit. Elle se lava les mains, attacha ses longs cheveux blonds hyper emmêlés en un chignon bas (qui ne prévoyait pas de tenir toute la soirée), déjà débrayé, et elle ressorti. 

Quelques pas suffirent avant de se faire interpeller. La voix la surpris : ce n'était pas quelqu'un qu'elle côtoyait régulièrement. Elle s'orienta donc et aperçu Georgie avançant vers elle. 

Un large sourire se dessina en la découvrant. Elle ne pensait pas croiser quelqu'un du pensionnat, et encore moins la créature dont elle était l'hôte. Sincèrement ravis, elle s'exclama à son tour : 

- Georgie ! 

Comme à chaque fois qu'elle énonçait son nom, Joy employait l'accent anglais. Elle ne savait vraiment pas pourquoi, mais elle trouvait que le prénom avait encore plus d'éclat comme ça (et peut-être était-il plus facile à dire). Maintenant, elle espérait que ça ne dérangeait pas l'intéressée, au quel cas elle tâchera de l'énoncer normalement. Bon... ce n'était pas certain qu'elle arrive à se détacher de cet accent venant trop naturellement. 

Pourtant, Joy n'était pas anglaise. C'était une canadienne. Si elle avait ce petit accent typique et connu du monde entier, il restait assez discret pour ne pas choquer. Juste de quoi se dire "oh mais... t'as pas des vestiges de l'accent canadien toi ?" 

Elle remarqua les petites rougeurs et le pas un peu gauche de Georgie. Cela l'amusa. Mais ce qui retint surtout son attention, c'était les quelques verres qu'elle portait. 

- t'es chargée ! Rigola t-elle en montrant son incompréhension. 

(Oh à côté de Georgie ça va, elle fait bonne impression ^^)

Après quelques pas maladroits, Georgie finit par rejoindre la jeune femme, qui répondit à son appel. Bonne nouvelle, l'australienne ne s'était pas trompée sur son identité. Cela aurait pu arriver, étant donné qu'elles ne s'étaient presque jamais parlé. Georgie se demanda pourquoi. Et la réponse lui revint aussitôt en tête. Parce que Joy pouvait libérer ses pouvoirs, et ça, ce n'était même pas envisageable. Sauf qu'il était trop tard. La créature avait rejoint son hôte.

Elle tituba un instant, et, profita de sa proximité avec Joy pour s'appuyer légèrement sur son bras.

- Désolée, dit-elle en riant.

Elle profita de la stabilité acquise grâce à son interlocutrice pour déposer les verres sur une table quelconque à côté de laquelle elles étaient. A en porter autant, elle se stressait plus qu'autre chose, et cela diminuait grandement son équilibre, qui, même lorsqu'elle était sobre, n'était pas exceptionnel.

- Oui, c'est pour ...

Elle ne termina pas sa phrase, mais à la place, elle tendit son bras en direction de la fameuse tablée où ses amies étaient. La première pyramide venait tout juste d'atteindre les cinq étages, et vacillait dangereusement. Les verres à shot, ce n'était pas fait pour ça. Il ne fallut bien sûr que quelques secondes pour que dans un grand fracas, l'ensemble s'effondre. Aussitôt après, ce fut au tour de la deuxième pyramide de s'effondrer, victime d'un faux mouvement de ses constructrices, surprises par le bruit.

Le silence ce fit dans le bar, et la plupart des visages se tournèrent vers la source du bruit. Georgie, au contraire, rabaissa aussitôt son bras, et détourna la tête, mue par un semblant d'instinct de survie.

- En fait c'est pour rien du tout. Comment ça va toi ? Qu'est ce que tu fais là ?

Les phrases de l'australienne s'enchaînait sans laisser le temps à son interlocutrice de répondre. Mais son débit de parole diminua lorsqu'elle laissa échapper les mots suivants.

- D'ailleurs, il fallait que je te dise merci.

Merci : merci d'être présente, merci de lui sauver la mise à ce moment là -il fallait dire qu'un serveur à l'air énervé s'approchait du groupe d'étudiantes infirmières-, et même en général, merci d'exister. Georgie n'oubliait pas que sans elle, elle ne serait pas dans ce bar à ce moment là. Elle ne connaîtrait pas toutes ses personnes. Elle serait caché dans sa chambre, méconnaissable, dans un corps différent.

Joy la laissa s'appuyer sur son bras et tâcha d'être une rampe digne de ce nom, sans manquer de continuer à s'amuser de la situation. Georgie paraissait bien instable. Il ne fallait pas s'appeler Sherlock Homes pour deviner que le jeu du plus résistant était passé par là, ou ce genre de concours. Joy y participait parfois mais elle était une des premières à s'écrouler. 3 shoots suffisaient à lui faire tourner la tête. 4 si elle est courageuse mais elle n'est jamais allée au delà. En tout cas, la voir déposer son chargement était rassurant. Bon dieu la soirée s'annonçait bonne ! 

Puis, elle suivit la table désignée par Goergie. C'était ce fameux groupe qui concourait à la plus grande pyramide. Si ça se fini pas en casse cette histoire... Au même moment, tout s'écroula dans un boucan aigu aussi court qu'infernal. La jeune femme grimaça un instant, désolée pour les perdants et pour ces pauvres oreilles. Et en même temps, elle éclata de rire. L'ironie du sort était incroyable ! Au moment ou Georgie les désignait ! il fallait le faire ! Et au moment où elle pensait à la casse. Son rire fut masqué par l'effondrement de la deuxième pyramide. Un temps court, mais suffisant pour lui permettre de reprendre un semblant de sérieux avant le silence de mort. 

Pauvre étudiants, ils subissaient à présent les regards interloqués de l'assemblée, qui n'était au final, qu'un avant-gout. 

En fait c'est pour rien du tout. 

Joy se désintéressa de la scène pour lui sourire. C'était drôle ce petit revirement de situation. Ma foi, fallait s'adapter dans la vie. 

- Je suis venue avec une amie. Répondit-elle en désignant le lieu où cette dernière devait se trouver. Bien sûr, la place avait été désertée. Joy ravisa son geste. 

- Qui n'est plus là. 

Elle rigola à son tour avant d'entendre les remerciements de Georgie. Elle tiqua même : ils avaient une once de sincérité, si bien qu'elle ne sut pas vraiment réagir. Merci ? En quoi elle méritait un merci ? Comme à chaque fois qu'elle ne savait pas quoi répondre, ni comment l'interpréter, elle répondait à côté de la plaque, teinté d'un peu d'humour : 

- Ho de rien. C'est ma vocation : rampe d'accroche pour les amis. 

Elle ne la considérait pas encore comme une amie, une connaissance, mais c'était plus simple dit comme ça. Et c'était une généralité, aussi.  

En tout cas, de cette manière, elle laissait le choix à Georgie de s'expliquer, ou pas. Mais Joy aimait toujours bien savoir pourquoi on la remerciait, ou encore pire, pourquoi on la complimentait (dans d'autre circonstances). On pouvait lui dire qu'elle était intelligente ou rigolote, mais il fallait des preuves à l'appuis. 

Joy avait troquée ses lunettes contre ses lentilles avant de venir. Elle tenait trop à sa petite pair pour risquer de la casser d'une quelconque façon. Et puis elle supportait tellement bien les lentilles qu'elle ne les sentait pas avant de très longues heures. Elle portait également un long pull, qui faisait sa robe, un collant couleur chaire et des baskets de ville à la semelle assez épaisse pour se sentir à l'aise. Mais bon, son pull n'était pas destiné à rester sur elle toute la soirée. En dessous elle portait un short brun à l'allure chic et un chemise blanc. Sortir l'hiver demandait une organisation pour appréhender le froid de l'extérieur et la chaleur étouffante des discothèques. Pour le moment, au bar, elle se sentait encore bien dans son pull. 

Un rire s'échappa des lèvres de Georgie. Les effets de l'alcool qu'elle avait ingurgité reprenaient déjà le dessus sur le sérieux qui l'avait habité pendant quelques instant

- Alors il faut que tu saches, elle marqua une petite pause, pour le suspens -ou plutôt pour réussir à aligner une suite de mots cohérente-. Tu es définitivement la meilleure rampe d'accroche que j'ai croisé ce soir.

Étonnamment, il y avait un semblant de sérieux dans ses paroles, même si contrairement aux précédentes, elles étaient plutôt sorties sous l'euphorie de l'éthanol. Un sourire vague aux lèvres, la jeune femme parcouru la salle du regard, et s'attarda une seconde supplémentaire sur la tablée de ses amies. Celles-ci subissaient à présent la colère d'un serveur qui s'était approché.

- N'empêche, je ne veux pas abuser de tes qualités de rampe, même si c'est ta vocation. On va s'asseoir ?

Son bras, toujours posé contre le pull de Joy, changea de position, lui permettant d'attraper son poignet et de la tirer dans la direction où elle souhaitait aller.

D'un pas décidé, elle fit claquer son talon sur le sol, et se dirigea vers la place pointée par Joy deux minutes auparavant. Son amie était partie ? Ce n'était pas grave, Georgie lui offrait, ou plutôt lui imposait, son agréable présence. Et l'australienne en profitait pour éviter le courroux du serveur, même si pour cela, elle devait abandonner ses camarades, et sa veste, qu'elle irait discrètement récupérer plus tard. Elle fut pris d'un éclat de rire : et dire qu'au départ, c'était elle la responsable de ce carnage. Elle agissait certes un peu lâchement, mais qui viendrait le lui reprocher ?

- Quelle idée !

L'australienne passa à côté de la table en évitant de croiser le regard de ses amies, et continua sa traversée de la salle, tenant toujours le poignet de Joy. C'était assez paradoxal, car désormais, elle arrivait à avancer presque droit, sans bousculer d'autres clients, tout dandinant de façon subtile son arrière train réhaussé par un jean moulant.

(Par contre, je suis désolée, mais je ne vais sûrement pas avoir le temps de rp ce week-end ^^' A lundi du coup)

(A lundi ! :D) 

Joy rigola. 

- Wow merci ! Ca me va droit au cœur ! 

Pour autant elle se voyait mal faire la béquille tous les soirs. C'était juste amusant sur le moment. De plus, Joy n'était pas très regardante sur le respect de son espace personnel. Que quelqu'un s'agrippe à elle ne la dérangeait pas plus que ça. En tout cas dans ces circonstances car il en est peut-être tout autre au quotidien ou le pas assez vif et la franchise tranchante suffisait à mettre assez de distance. Distance professionnelle, voilà tout. 

Quand Georgie proposa de s'assoir, Joy ne pouvait qu'accepter. Déjà car elle lui offrait sa compagnie, avec autant de facilité, et en plus cela leur évitera de rester planté comme des cruches devant les toilettes. La jeune femme n'eut pas besoin d'accepter et se fit trainer par le poignet à travers le bar pour rejoindre la place qu'elle avait quitté il y a peu. Encore une fois, elle suivit le mouvement sans éprouver le moindre sentiment désagréable. Faut dire qu'elle était très tolérantes dans ces moments là. C'était limite plaisant de juste se laisser couler sans trop réfléchir. Son cerveau, à peine embrumé, ne voyait en tout cas aucune objection à suivre le mouvement. 

Contrairement à Georgie, elle jeta un coup d'oeil aux étudiants se faisant réprimander par le serveur. Avec un peu de chance, celui-ci n'allait pas les virer. Elle croisa le regard d'une des étudiantes et lui fait un "coucou" de sa main libre, en souriant l'air enfantin. Cela n'avait strictement aucun but. Joy cessait tellement de réfléchir qu'elle pouvait dire bonjour à tout le monde sans raison. En tout cas, elle ne répondait pas vraiment à la discrétion attendue par Georgie (en omettant l'éclat de rire et sa remarque, que Joy ne comprit d'ailleurs pas vraiment). Heureusement, le serveur ne prêta pas attention à elles. 

Puis elle fit de nouveau attention à l'endroit où la conduisait sa camarade, où plutôt à la silhouette de sa camarade plus que le trajet en lui même. 

- Faut que je me trouve un joli jean comme toi. Ca fait des jolies hanches. C'est drôle, je trouve que ça fait pas aussi beau sur des cowgirl. Ca les grossies. Blablata t-elle de son franc parlé habituel. Déplacé et gênant, surement, mais elle n'était plus à ça près : elle avait trop l'habitude d'assumer ses moindres pensées. Et puis, elle avait plus parlé pour elle-même que pour vraiment complimenter Georgie. 

Aussi surprenant soit-il, Joy n'avait pas de vrai jean dans sa penderie, bien qu'elle pensait à acheter cet indispensable depuis un moment maintenant. 

Elle s'assit ensuite sur une des chaises et se dandina pour attraper des pièces dans sa poche de short. Elle fit signe au barman pour commander à boire. 

Un mouvement de main attira l'œil de Georgie, qui tourna la tête. Joy était en train de faire un signe de la main pour saluer les camarades de promo de l'australienne. Ce n'était pas vrai ! Dans sa tête, un film se déroula aussitôt : les étudiantes alcoolisées allaient forcément remarquer ce geste, et par la force des choses, celle qui le faisait et celle qui l'accompagnait. Avec ses cheveux roses, Georgie ne passait pas inaperçue, et était très reconnaissable. Elle imaginait déjà l'une des occupantes de la table l'interpeller. Forcément, cela attirerait l'attention du personnel du bar, et la créature -ainsi que son réceptacle, puisqu'elles étaient ensemble-, seraient forcément virées du bar elles-aussi. L'australienne ne pouvait pas laisser cela arriver, et elle accéléra donc relativement le pas. Relativement, parce qu'il ne fallait pas oublier qu'elle était alcoolisée, sur des talons, et déjà pas très stable au naturel.

Heureusement, les pensées de Georgie ne se réalisèrent pas. Elles atteignirent la table sans encombre tandis que Joy évoquait son pantalon. Elles s'assirent, et la métamorphe en profita pour observer l'habit en question. C'était un modèle plutôt simple, taille haute, bleu nuit, qu'elle portait avec une chaîne en argent pour ceinture. Elle se sentit flattée, prenant les paroles de son interlocutrice comme un compliment.

- C'est moi qui l'ai fait. Presque. Je l'avais acheté un peu trop grand, sinon ça n'allait pas au niveau longueur, et du coup, j'ai repris toute les coutures sur la largeur. Comme ça, ça met en valeur les formes qu'il faut.

Elle redressa la tête, et remarqua qu'un serveur était arrivé pour prendre la commande. Elle reprit aussitôt la parole, pleine de spontanéité.

- Vous ne trouvez pas vous que ça me fait un beau cul ? Oh, et je veux bien un Sex on the beach. Merci !

Un grand sourire ornait ses lèvres. Qu'on ne lui dise pas qu'elle buvait trop : même si c'était effectivement le cas, elle respectait scrupuleusement quelques règles pour se limiter. Déjà, elle évitait les mélanges d'alcool : si c'était vodka, comme ce jour là, ce serait vodka toute la soirée. Ensuite, elle se fixait aussi une barrière financière. Georgie ne prenait jamais sa carte bancaire en soirée, et se retrouvait limitée par l'argent liquide qu'elle avait sous la main. Sauf bien sûr, comme ce soir là, où plusieurs personnes de son groupe d'amies avaient voulu payer leur tournée : la jeune femme n'avait pas encore dépensé un seul centime, et elle pouvait donc bien se payer un verre supplémentaire. Se sentant d'humeur généreuse, elle fit même signe à Joy qu'elle lui payait son verre.

Joy l'écouta raconter l'histoire de ce pantalon sans cacher son étonnement. Elle était toujours impressionnée de voir quelqu'un oser coudre ses vêtements, pour en plus donner un beau rendu qui convenait parfaitement à sa morphologie. Cela lui paraissait tellement hors de porté, pour elle, que se retrouver devant une personne ayant la main assez créative pour le faire faisait monter cette dernière dans son estime. 

- Tellement pratique ! 

De son côté, Joy était cette personne qui essayait une dizaine de pantalon en magasin pour enfin trouver le bon. Il était inconcevable d'acheter un vêtement qui ne lui allait pas parfaitement. Elle devait être sûre d'avoir un coup de coeur assez fort pour le porter après. En gros, Joy avait une petite penderie. Mais au moins, elle mettait tous ces vêtements et les aimait tous sans faute. tellement qu'elle avait souvent du mal à choisir le matin entre deux tenues. 

Le serveur arriva et sourit, peut-être un peu gêné, à la question de Georgie. Il reprit très vite contenance : il avait connu pire ici et savait un peu près réagir. Il aborda donc un sourire plus large et plus commercial, teinté d'un réel amusement. 

- Surement. Répondit-il évasivement. 

Il ne fallait pas se laisser avoir car suivant la réponse, cela pouvait lui retomber dessus. Et s'il voulait garder une bonne image, l'ignorer n'était pas la meilleure solution non plus. Enfin, il hocha la tête à la commande. 

- Assurément, rectifia Joy car ça rimait, comme deux pauvres répliques d'un livre pour enfant dont elle ne retrouva pas le nom. 

Joy aimait bien reprendre des répliques de livre, de film, de série ou de chanson. Si les autres comprenaient la références, ce qui était rare car elle-même se souvenait très rarement de la source, c'était toujours rigolo de voir leur regard entendu "héé j'ai capté". 
Là pour le coup, il n'y avait vraiment aucune chance ; elle tirait ça d'un lointain souvenir. 

- Pareil pour moi.

Georgie se proposait de lui payer. Refuser serait plutôt désagréable et engagerait l'éternel débat de "qui sera la plus généreuse". En plus, Joy détestait les faux sourires qui s'y accompagnaient. Elle haussa donc les épaules et rangea ce geste dans un coin de sa tête en se promettant de lui être redevable plus tard. La prochaine fois, elle payera pour les deux et puis c'est tout. 

Habituellement, c'était les beaux gosses de la soirées qui lui payaient un ou deux verres. Cependant, eux n'avaient pas droit au post-it cérébral et n'avaient donc pas toujours droit à un retour. Là, promis c'était affiché dans son lobe frontal (avec la mémoire visuelle, Joy s'imaginait souvent des papiers de rappels collés à l'intérieur de sa boite crânienne. C'était un peu débile, mais ça marchait bien.) 

- Vivement cet été ! Mon Sex on the beach je le boirais bien sur la plage. 

Sur cette île, il y avait surement ces fameuses fêtes au bord de plage, dans un bar ouvert fait de bois, décoré de plantes pour un petit air hippie. Toute la plage pour danser ou pour jouer et chahuter. 

Comment ça sûrement ? Il avait besoin de le voir de plus près ? Georgie était déjà prête à se relever pour que le serveur puisse lui répondre avec certitude, mais la voix de Joy vint la couper dans son élan. Les yeux de l'australienne pétillèrent. Elle n'avait évidemment pas la référence, mais cela faisait plaisir.

Joy passa à son tour commande, et le serveur parti leur chercher leur cocktail, pendant que la jeune femme préparait la monnaie.

- Oh ouais, à la plage, allongée sur un transat, le verre à la main. Le pied !

Elle marqua une petite pause, rêveuse, en pensant à la dernière fois qu'elle était allée dans son pays natal. A l'époque, ses pouvoirs n'étaient pas scellés, et il était donc rare qu'elle fréquente des personnes extérieures à sa famille ; mais, régulièrement, elle s'incrustait dans les soirées en se faisant passée pour une touriste. Malgré son accent, cela passait.

- Ou autour d'un feu de camp, avec le bruit de la mer, et de la bière ...

On l'avait perdu. Ou presque, car le serveur revint avec leurs verres. Georgie régla, et lorsque celui ci s'éloigna, elle murmura, tout en exagérant les syllabes pour être comprise "Vodka !". Le tout agrémenté d'un clin d'œil, et d'un mouvement en direction de son verre, qu'elle souleva comme pour trinquer, avant de prendre une première gorgée.

- Tu viens d'où, toi déjà ?

Georgie ne savait pas reconnaître les accents. Enfin si. L'accent que les gens d'Eastwood avaient, et l'accent australien. Cela lui permettait de dire que Joy n'était pas du coin. Et cela promettait sûrement des histoires -d'alcool, puisque c'était le sujet de la soirée- formidables, s'imaginait la jeune femme.

Elles n'avaient visiblement pas la même vision du Sex on the Beach sur la plage, mais à bien y repenser, la projection de Georgie était aussi bien et donnait tout autant envie. Les pieds en éventails sur un transat, le bruit des vagues, à siroter en se faisant dorer la pilule. Ca faisait rêver ! Dans sa vision, elle incluait Georgie sur la longue chaise à côté. 

Puis elle changea de décors et de position, cette fois assise dans le sable autour du fameux feu de camp au clair de lune. Un ou une guitariste à côté pour la musique d'ambiance, ou alors une enceinte et une playlist dans la même optique. Rire à foison, défis idiots... 

- Promis on se fait ça cet été. 

Et Joy était une femme de parole. Nouveau post-il. 

Le serveur revint et Joy regarda son amie régler. Toujours un peu gênée, elle lui adressa un sourire de remerciement et commença à siroter. L'étudiante faillit s'étouffer en apercevant du coin de l'oeil les mimiques de la métamorphe. Elle ne pensait pas que Georgie était si rigolote. 

Se raclant rapidement, et assez discrètement la gorge, elle finit par lui répondre : 

- J'suis Canadienne. Fit-elle avait une lueur de fierté 

Joy aimait son pays et l'image que les autres pays avaient de lui. Tous des bucheront poilus qui n'ont pas peur du froid. Bilingues qui parlent autant en anglais qu'en français au quotidien. Qui mettent du sirop d'érable partout. Fada de patin à glace. De tempérament poli, pacifistes  et ouverts d'esprit. Enfaite, si Joy aimait tant ces clichés, c'est parce qu'elle y répondait plus ou moins. Bon, elle n'était pas plus poilu que les autres pays, mais elle sait aligner quelques mots en français, elle adore le sirop d'érable. Il lui arrivait régulièrement d'aller patiner sur le lac en hiver, et son éducation n'est pas mauvaise. Bref, elle adore son pays d'origine et ne se voit pas s'installer définitivement en Amérique. 

- Toi tu es Australienne c'est ça ? 

Ce n'était absolument pas une déduction, elle avait simplement vu la ville d'origine de Georgie sur son mur Fessebook et, si elle ne s'en rappelait plus, elle se souvenait que cette ville se situait en Australie.