je flottais les bras en croix avec au-dessus de moi le soleil pour pénitence [fermé]

Thérèse Sherman;

C'était une bataille perdue d'avance. Waterloo en Amérique. Elle avait tenté l'intimidation et les supplications, et rien n'avait eu l'air de fonctionner. Thérèse était prête à accepter sa défaite, à se retrouver bien vite à l'eau, et a voir ses magnifiques cheveux mouillés. Pour sur, Ray pouvait s'attendre à ce qu'elle tire une tronche de six pieds de long, quand elle ressortirait de l'eau, plus proche d'une terrifiante Sadako que d'une séduisante Ursula Andress.

Prête à être jetée à l'eau, Thérèse prit la plus grande respiration que son petit corps lui permettait avant de se sentir voler. La sensation pas tout à fait agréable fut vite coupée par une encore moins. L'eau avait claqué sur son dos alors qu'elle plongeait contre son gré dans l'eau beaucoup trop froide pour une blague du genre. Si son premier réflexe aurait été de remonter le plus vite à la surface pour reprendre son souffle et insulter de tous les noms Ray, les quelques secondes latentes entre sa résignation et le choc contre l'eau avaient laissé à Thérèse assez de temps pour élaborer un plan pas du tout drôle pour le faire regretter.

Elle n'avait jamais été vraiment forte en concours d'apnée avec ses amis, mais Thérèse espérait sincèrement qu'elle tiendrait assez longtemps pour que Ray s'inquiète, ou du moins s'interroge et s'approche de l'endroit où il s'était lâchement lesté du poids plume de Thérèse. Une fois la proie en vue, elle attraperait de toutes ses forces ses chevilles et l'entrainerait une fois de plus avec elle.

Si Ray s'était déjà cassé la gueule à cause de ses conneries, pas question qu'elle soit la seule à barboter dans l'eau. Il devrait se méfier, parce que Thérèse n'était pas très inventive quand il s'agissait de jouer des tours à ses amis, mais quand on lui en jouait, on récoltait bien souvent le fruit de ce qu'on avait semé.

Ray Edwards;

Après quelques secondes, Thérèse ne remontait pas. Pas de traces de cheveux bruns près de la surface. Le blond était presque sûr qu'elle le faisait exprès, juste pour l'emmerder, et que, si il s'approchait trop, elle allait le couler. D'un autre côté, si elle se noyait vraiment, il ne pouvait pas se permettre de ne pas l'aider —même si il était quasiment convaincu qu'elle savait parfaitement nager.

Il soupira avant de prendre une grande inspiration et de s'approcher un peu. Sans grande surprise, des doigts s'enroulèrent autour de ses chevilles et le tirèrent vers le fond. Même si il s'y était préparé, il eut un petit sursaut et lâcha un "eh merde" entre ses dents avant que sa tête se retrouve une nouvelle fois sous l'eau. Il l'avait bien cherché après tout.

Une fois sous la surface, il mis quelques milli secondes à ouvrir les yeux. La sensation était très désagréable mais le spectacle qui s'offrait à lui était joli. Entre les bulles causées par sa respiration se trouvait Thérèse dont les cheveux flottaient gracieusement autour de sa tête. Elle avait toujours ses mains autour de ses chevilles alors ils étaient plutôt proches. Il ne se gêna pas pour la fixer, ayant du mal à paraître vraiment ennuyé par sa blague et à ne pas sourire.

Finalement, elle remonta à la surface d'une impulsion du pied et, après l'avoir regardé faire, il fit de même, secouant ses ailes que l'eau avait alourdies.

— Un partout, j'arrête de t'embêter, déclara t-il en levant les bras en l'air pour prouver sa bonne foi.

Thérèse Sherman;

Si les yeux de Ray fixés sur elle aurait pu la faire perdre son souffle sous l'eau, elle préféra le foudroyer du regard avant de remonter sans l'attendre. C'était vraiment énervant, ce petit sourire. Quoi qu'il se passe, c'était comme si ce foutu sourire était gravé sur son charmant visage. Assez énervant pour que Thérèse ai envie de l'effacer, tout en étant intimement convaincu qu'il lui en faudrait beaucoup pour en arriver jusque là. Toujours pas calmée, restait sur son visage, entre les gouttes d'eau qui perlaient du bout de son nez et de ses cils, ce regard assassin confectionné tout particulièrement pour les beaux yeux de Ray.

— y a intérêt, siffla-t-elle, pas tout à fait mécontente de l'effet qu'avait eu sa petite revanche. Si il pouvait au moins la laisser un peu respirer avant de s'en prendre une nouvelle fois à elle, il serait un amour.

Jetant un coup d’œil alentour pendant qu'elle tentait de mettre de l'ordre dans ses cheveux trempés, Thérèse se fit la réflexion que les rayons du soleil se faisait foutrement bien insistant. Quelques heures ici et elle finirait cuite avec la peau d'un homard.

—  moi j'vais mettre de la crème. j'tiens pas à finir aussi rouge que tes ailes.

Parce que si le rouge allait bien au teint de l'oiseau, Thérèse, elle, risquait de douiller une fois les coups de soleils bien ancrés sur son corps. Et elle n'avait guère envie de subir les foudres d'Hélios. Sans demander son reste, elle commença à se diriger vers leurs affaires laissés à la merci.

Par chance - et peut être parce qu'il n'y avait personne proches aux alentours - leurs affaires étaient restés à leur place. Le gravier, lui, n'avait pas décidé de faire des concessions si bien que Thérèse du courir jusqu'à sa serviette sous peine de perdre sa voute plantaire. Par la même occasion, elle prendrait ses lunette histoires de pas non plus griller ses pauvres rétines. Elles avaient tant de belles choses à voir encore.

Ray Edwards;

Si les regards pouvaient tuer, Ray serait déjà mort un bon paquet de fois. Et cette fois-ci encore, alors que les yeux de Thérèse lui lançaient des éclairs. 

— promis j'suis sage.

Il aurait pu croiser les doigts dans son dos mais n'en fit rien, vu la tête de la brune, elle avait eut sa dose pour un petit moment et si Ray aimait bien l'embêter, il ne voulait pas non plus se la mettre à dos. Alors qu'elle partait pour se mettre de la crème —sage décision que Ray aurait surement dû imiter mais Ray n'était pas sage, l'oiseau se mit sur le dos, fixant le ciel, les yeux plissés sous la lumière aveuglante de l'astre solaire avant de fermer les paupières. L'eau était fraiche contre son dos et le soleil chauffait doucement son torse. Qu'elle se tartine de crème si elle voulait, Ray était bien là. 

Puis d'un coup les neurones se connectèrent dans son cerveau de moineau et il ouvrit les yeux, pataugeant un court instant pour se remettre sur ses pieds, s'avançant vers la rive jusqu'à avoir de l'eau au niveau des cuisses.

— Thérèse !! L'appela t-il de loi. Tu veux que je te mette de la crème dans le dos ?

Il n'en manquait pas une le bougre. Il allait faire passer ça pour de la bonté d'âme, de la générosité, mais c'était surtout pour montrer à sa camarade qu'il était super doué avec ses mains.

Thérèse Sherman;

Si Ray voulait cramer, c'était bien son problème. Thérèse ne serait pas là pour l'entendre grommeler lorsqu'il se retrouverait fardé de coups de soleils. Elle, s'affairait à fouiller dans son sac la crème solaire qu'elle avait prise avec elle. Pas moyen d'y mettre la main, alors, passablement irritée - c'est fou comme les nerfs de Thérèse passaient leur vie à faire des montagnes russes gratuitement - la jeune femme déversa la totalité de ses affaires sur le gravier. Un juron lorsqu'elle vit son téléphone déjà bien abimé glisser sur les cailloux. Puis le soulagement, de le trouver aussi intact qu'à l'arriver, et d'avoir enfin mit la main sur ce foutu tube.

Elle était en train de remettre ses affaires un chaos le plus total, enfouissant sans vergogne dans l'immensité de son sac, quand la voix de Ray lui parvient à ses oreilles. Voix accompagnée des clapotis de l'eau soulevé par un peu trop d’enthousiasme.

Tu veux que je te mette de la crème dans le dos ?

Trop loin pour l'entendre, Thérèse souffla. C'était beaucoup trop gros. Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Mais n'avait-elle pas légitiment tendu le bâton pour se faire battre? Ray devait avoir fait le coup un bon paquet de fois, quand on connaissait le personnage.

— C'est proposé avec tellement de gentillesse.

Et Thérèse n'était pas dupe. S'il tentait de faire passer ça pour un énième geste simplement mu par une gentillesse qui lui était toute propre, la jeune femme fit bien comprendre à Ray, avec son petit sourire, qu'elle était pas née de la dernière pluie. Pourtant, elle n'allait pas refuser une proposition aussi attractive.

— Comment pourrais-je refuser? répondit-elle, employant tout le sarcasme dont elle se savait composée.

Ray Edwards;

Il était tout content Ray, comme un gosse à Noël, si bien qu'il ne capta pas vraiment le sarcasme dans sa voix. Elle avait dit oui, c'était tout ce qui comptait vraiment. Il serra le poing en signe de victoire et s'approcha du bord, battant des ailes pour éviter de s'amocher encore un peu plus les pieds sur les cailloux. Il se demandait bien pourquoi il n'avait pas pensé à cette solution plus tôt? Pourquoi marcher quand on pouvait voler ? Il n'était qu'à quelques centimètres du sol mais c'était suffisant.

Il débarqua près de Thérèse comme une fusée, pas peu fier de son idée géniale. Il se posa délicatement à côté d'elle et attrapa le tube de protection solaire qu'elle lui tendait.

— Tu vas voir, je suis un ex-pert.

Il déposa une noisette de crème dans sa main avant de s'assoir en tailleur derrière Thérèse. Il faillit lui proposer de s'allonger mais ç'aurait été pousser le bouchon un peu trop loin. Tant pis, il était doué quelque soit la position de toute manière.

Avec toute la douceur du monde, il posa ses mains sur les épaules de sa camarade et commença à appliquer la crème d'un geste précis, un air super concentré sur le visage. Le haut du dos était facile à atteindre mais le bas beaucoup moins. "Doué dans toutes les positions" hein ?

— Tu peux te pencher un peu en avant steuplait ?

Il espérait qu'elle appréciait parce qu'il mettait tout son coeur à l'ouvrage.

Thérèse Sherman;

A le voir ainsi, Ray avait tout d'un enfant. Et peut être pourri gâté. Thérèse leva les yeux au ciel devant ce petit manège avant d'enfiler ses lunettes de soleil. En le regardant s'envoler légèrement, la jeune femme en vint à le jalouser, elle et ses pauvres petits pieds. Parce que Thérèse faisait genre, pour impressionner, mais au fond, elle était franchement douillette. Mais comme Ray, elle avait une réputation à tenir, il n'était pas le seul dans ce cas.

Un ex-pert, hein. Ça sonnait bien comme quelque chose qu'il pourrait servir à qui veut bien l'entendre. Thérèse n'en avait pas vraiment besoin, et ça poussait encore un peu plus loin le désespoir ravie qu'il provoquait chez elle. Il en avait de la chance, Ray, parce que Thérèse n'était pas aussi clémente, d'habitude.

— c'est toi l'chef.

Thérèse exécuta la demande qu'on lui avait fait, jouant avec ses cheveux qu'elle avait ramener devant elle, dans l'optique de ne pas les détruire un peu plus. Elle y tenait, à ses cheveux soyeux, il fallait pas rigoler avec ça. Fallait aussi s'avouer que c'était pas désagréable. Enfin, si ça avait été le cas, Ray en aurait bien vite été informé. Mais Thérèse n'arrivait pas tout à fait a déterminer si il s'agissait là de vrai talent ou de la simple identité de l'applicateur. Quand il lui fallait plusieurs minutes pour redescendre de ses colères pas toujours dévastatrice, étrangement, les grains d'agacement qui lui collait à la peau semblait disparaitre sous le contact des doigts de Ray sur ses épaules et son dos.

— tu devrais faire pareil s'tu veux pas ressembler à un homard grillé.

Après, elle disait ça, elle disait rien. C'était pas elle qui allait avoir l'air de rien pour draguer les minettes qu'elle allait croiser. Elle avait pas besoin de ça, elle.

Ray Edwards;

Elle ne semblait pas broncher, Ray sentait même ses muscles se détendre sous ses doigts. On lui disait souvent qu'il avait des doigts de fée et il en avait rarement été aussi content. Peut-être qu'il l'exaspérait, c'était même fort probable, le blond avait cet effet sur les gens, cependant si c'était le cas, Thérèse semblait plutôt bien le supporter.

Il descendit encore un peu ses mains, les yeux fixés sur les quelques grains de beauté qui parsemaient sa peau pâle. Il laissa ses yeux se perdre dans les constellations crées par les petites tâches brunes, tout en continuant à appliquer la crème jusqu'à ce que la voix de Thérèse ne le sorte de sa contemplation. Il hocha la tête sans vraiment réaliser qu'elle ne pouvait pas le voir et termina de crémer la dernière parcelle de peau non protégée. Tout content du résultat, il s'écarta pour admirer son oeuvre et vérifier qu'il n'y avait pas de zones plus blanches que d'autres. Mais non, comme annoncé, il avait fait ça comme un pro.

Il étendit sa serviette sur le sol et s'allongea dessus, sur le ventre, tendant le tube de protection solaire à Thérèse avec un sourire plein d'attentes.

— est-ce que tu peux faire en sorte que je ne ressemble pas à un homard, s'il te plait ?

Parce que le homard, c'était bon, mais l'objectif premier de Ray n'était pas de se faire déguster.

Thérèse Sherman;

Et en plus, il s'était appliqué à la tâche. Bon, Thérèse ne pouvait pas vraiment vérifier que la moindre parcelle de sa peau déjà bien pâle soit recouverte de crème solaire, mais pour le coup, elle allait le croire sur parole. Pour une fois qu'il n'avait aucune raison de se jouer d'elle.

— j'vais t'engager pour mes virées à la plage, fait gaffe.

Thérèse avait passé l'âge de se faire passer de la crème par sa moman chérie, et que ça aurait fait bien trop plaisir à certaines personnes avec qui elle organisait des escapades en bord de mer.

— mais bien sur.

Elle attrapa le tube de crème qu'on lui rendait bien gentiment. Si au moins elle pouvait éviter à ce pauvre petit Ray un tel désagrément, elle le ferait avec plaisir. Parce que Ray avait beau être ce qu'il était, et Thérèse avait beau rechigner à ce genre de demande, elle n'allait pas refuser.

— tu permets?

Parce que si Ray tentait très maladroitement de faire passer ses actes pas totalement désintéressés pour de la gentillesse aux yeux de la jeune femme - si bien qu'elle commençait à se demander si il ne le faisait pas exprès - Thérèse, elle, avait laissé depuis bien des années sa pudeur dans son placard, a côté d'un certain sens des responsabilités et quelques miettes de sa dignité. Et si le jeune homme n'avait pas osé être entreprends - à moins qu'il n'en ai pas envie, ce que Thérèse se laissait le choix de douter - Thérèse allait pas se laisser faire.

En prenant bien soin de demander tout de même l'autorisation à Ray, plus part peur de vivre un situation gênante qui lui donnerait cette fois l'envie irrépressible d'aller se noyer dans le lac, Thérèse finit par passer une jambe de l'autre côté de son camarade avant d'ouvrir le tube de crème et d'appliquer à son tour de la crème solaire. Bon, peut être pas aussi bien qu'on avait fait pour elle, parce que Thérèse était plus du genre à ce qu'on lui mette de la crème que l'inverse, mais elle tentait de s'appliquer au moins autant que Ray.

Ray Edwards;

Il ne voyait pas d'inconvénient à cette idée, il était même ravi qu'elle le propose.

— à votre service mademoiselle Sherman !

Sans grande surprise, mais toujours un peu quand même, Thérèse accepta. Ça étonnerait toujours Ray. Parce que bon, le fils Edwards était quelqu'un de gentil mais il n'était pas Gandhi non plus, ses actions n'étaient pas toujours désintéressées. Et la brune n'était pas née de la dernière pluie et voyait sans aucun doute très clair dans son jeu. Pourtant  ça ne semblait pas la déranger, mieux encore, la jeune femme voulait lui renvoyer l'ascenseur. Le blond n'allait certainement pas dire non !

Il acquiesça —le consentement c'est toujours important, peut-être un peu trop vite pour que sa réaction soit vraiment normale.

Et puis elle s'assit à califourchon sur son dos. Même si Ray s'y attendait, un petit "oh" un peu surpris et à peine audible s'échappa de sa bouche. Eh bah, elle n'y allait pas par 4 chemins la louisianaise. Il tourna la tête sur le côté, posant sa joue sur sa serviette, un sourire satisfait flottant sur ses lèvres.

Un grand philosophe du 20e siècle avait dit un jour "il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux". Et Ray était un homme simple alors là il était heureux comme un poisson dans l'eau.