[explicit] Oiseaux de nuit [privé]

[the music à écouter en lisant]

Bambi:

Le bitume luisait ce soir là. La pluie inondait les rues, emportant avec elle les derniers échos des innocents couchés bien en rang dans leurs draps blancs. Mais Bambi n'était pas de ce genre là. Elle n'était pas sage. Elle elle était faite de cuir et de sarcasme, faites pour le sombre. Il n'y avait plus de place dans son esprit depuis bien longtemps pour la niaiserie et les papillons. Le compteur défilant sous ses yeux, son cœur atrophié semblait vibrer un peu plus lorsqu'elle déchirait la torpeur de la nuit. Les abats d'eau fouettaient son trajet. Là où elle se rendait, il n'y avait pas de place pour les gentilles petites fifilles.

Le néon crépitait, lancinant dans les ténèbres. La scène bercée par le rouge artificiel de la devanture, elle stoppa le vrombissement mécanique de son moteur puis se dégagea de sa bécane massive dans un mouvement contrôlé de bassin. Ses talons aiguilles claquèrent sur le sol trempé. Un pas après l'autre dans son sillages éphémère, elle approchait. On vit bientôt se dessiner dans l'encadrure de la porte, accompagnée d'un tintement de clochette, l'ombre brumeuse et tout de noir vêtue de Bambi. D'un geste parfaitement maitrisé, la femme hotta son casque tinté et laissa apparaitre un regard vert, perçant.

L'odeur lui sauta immédiatement au nez. Languissante. Typique de ce genre d'échoppe. Ce soir, la demoiselle était en chasse. Elle traquait latex et harnais. Après une brève salutation de tête pour le caissier avachis derrière son contoire, elle se glissa dans les allées étroites. Se fondant entre les étalages subjectifs, Bambi laissait ses doigts courir nonchalamment sur les étagères, cherchant du regard de quoi assouvir sa curiosité.

En quelques minutes à peine dans ce dédale de tentations, notre lady finit par s'arrêter devant un magnifique ensemble bien plus que subjectif. Rouge. Ardent. Insolent, tout comme elle. Dans le regard intransigeant, une étincelle venait de s'allumer. Elle s'empara sans hésiter un instant du porte-jarretelle, pas peu fière de sa trouvaille. Bambi aimait la lingerie. Perchée sur ses talons aiguilles, comme tout droit sortie d'un ancien film d'action, elle jubilait intérieurement - avec cette prestance qui était sienne.

Rory:

La pluie tombait par grosses gouttes, s'écrasant lourdement sur le parapluie grand ouvert qui s'était risqué dans la soirée. L'envie de se mettre au sec et au chaud était très forte, mais le désir de passer un petit peu par la ville avant de se changer avait été plus forte. La journée avait été bien longue et Rory voulait se changer les idées.

Sa balade de début de soirée l'avait guidé jusque dans quelques quartiers moins fréquentés, aux boutiques dont les lumières indécentes dansaient sur les trottoirs. Les néons léchaient les pans des vestes des passants, essayant peut-être de les attirer dans leurs échoppes, essayant de mettre en valeur leurs ravissantes marchandises.

Le psychologue scolaire se risqua à s'arrêter devant l'une d'elle, les cuirs qui se battaient dans le fond n'étaient rien face aux magnifiques cravates aux motifs plus qu’exubérants. C'était de ça dont il avait besoin là maintenant. Pas du fouet Miss'Coquine, ni du flacon d'huile essentielle Maximum Sensation mais des étoffes qu'il prendrait plaisir à nouer autour de son col. Il se risqua à pousser la porte du magasin, à la recherche de l'objet de sa convoitise.

Il parcourut quelques rayons avant de s'arrêter devant ce qu'il cherchait. Il saisit une des cravate et remonta ses lunettes du bout des doigts pour mieux l'observer. Le motif lui plaisait, les tâches panthère, tout à fait son genre oui. Il toucha le tissu, levant les yeux vers l'allée. Son regard croisa celui d'une femme qui tenait un ensemble suggestif aux couleurs insolentes. Un coup d'oeil pourtant insignifiant si les yeux que Rory venait de croiser n'était pas ceux d'une professeure qu'il croisait parfois au pensionnat.

D'un geste de la main, Rory salua cette dernière. Les rencontres impromptues n'étaient pas une raison pour ne pas être poli, même dans ce genre d'endroits!

Bambi:

Elle observait avec attention l'élasticité des attaches flamboyantes quand, par réflexe, Bambi leva les yeux dans le vague pour jeter un coup d'œil à la personne qui venait lui tenir compagnie dans ce rayon de dépravation. Elle aurait sans doute vaqué à ses occupations sans rien relever si le regard auquel elle se heurta alors ne fut pas si stoïque et franc. Ce genre de stature, ça vous marque. A quelques pas, dénotant au milieu des gadgets, ce tenait l'un de ses collègues.

Bambi, prise de court par ce visage familier, comprit rapidement que rien ne servait de fuir maintenant, ses goûts osés venaient sans doute d'être cernés et c'était plutôt compliqué de cacher un ensemble avec des jarretières si rougeoyantes.  Pas le choix, elle devait engager les hostilités. C'était le moment d'attaquer.

Amusée de la situation particulière, la professeur répondit d'un même geste poli de la tête avant de désigner en affichant un sourire intéressé la cravate aux gouts animaliers que l'homme tenait entre ses mains. Ses prunelles vertes roulèrent de l'objets pour venir se planter sans la moindre once d'hésitation dans celle de l'étranger.

- Choix audacieux. Je suis plus zèbre personnellement.

Voir un gaillard si droit dans ce temple de la frivolité, elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était parfait pour une première discussion originale. Elle l'avait peut être sous estimé en le croisant toujours tiré à quatre épingles dans les couloirs, après tout il ne faut jamais se fier aux apparences...

La bienséance voudrait de se présenter et la femme, d'humeur loquace, prenait très à cœur le respect. Elle fit donc claquer ses talons aiguilles pour se rapprocher de son interlocuteur et lui tendre doucement une main joueuse - presque sensuelle, casque et dentelle affriolante de l'autre côté. Ce mouvement audacieux fut accompagné du bruissement de cuir encore humide.

- Enchantée, Drogov. Avalon Drogov Il me semble que nous nous sommes déjà croisé, n'est ce pas?

Elle marqua une pause dans sa diversion. Si elle tombait, il tomberait avec elle. La chasse venait de prendre une nouvelle tournure.

- Excusez moi, j'ai été surprise de croiser une tête familière dans un...tel endroit.

Rory:

La jeune femme qui avait croisé son regard ne se défila pas, lui rendant sa légère salutation d'un signe de la tête. Elle osa même à lui adresser la parole, bien que les lieux ne semblaient pas forcément propice aux petites discussions débordantes de banalités.

Elle commenta son choix textile. Audacieux? Rory n'avait pas vu les choses sous cet angle, se fiant surtout à ses envies du moment, un peu trop terre à terre sur les significations que ses choix de cravates pouvaient réellement signifier. Est-ce que son motif léopard resterait audacieux une fois qu'il sera accordé à sa tenue plus morne de psychologue scolaire? La jeune femme ajouta une préférence pour le motif zèbre, pour rester dans le thème animal. Il appréciait lui aussi ce genre là, mais il en avait déjà une dans sa garde-robe.

Sa collègue se présenta, tendant vers lui sa main libre, il crut voir une étincelle joueuse dans le creux de ses yeux, qui s'étaient d'ailleurs plantés dans les siens sans aucune gêne, se mélangeant à un océan de mystère parfois éclairé par les couleurs impudentes des néons du magasin. Il attrapa la main audacieuse qu'elle s'était risquée à lui présenter, d'une poigne ferme.

- Enchanté, Donovan. C'est fort probable oui, dans les couloirs du pensionnat Headwinds, n'est-ce pas?

Il n'avait aucun doute sur l'endroit d'où ils se connaissaient, en revanche, son nom pas forcément. Ce fut un soulagement qu'elle se présente, ôtant la maladresse de le lui demander. Il ne connaissait pas encore très bien toute l'équipe enseignante, n'ayant pas encore eu l'occasion de tous les rencontrer à proprement parler.

- C'est vrai que l'endroit n'est pas le genre de lieu où on s'attend à rencontrer des têtes connues.

Il n'avait lui-même pas réellement l'habitude de se rendre dans ce type de magasins, mais l'appel des cravates de la devanture avait été plus fort qu'une supposée bienséance dont il ne saisissait pas réellement les fondements. À moins que le fait de croiser des connaissances n'effrite la supposée intimité que ce comptoir de tentations semblait construire. Au vue de l'ensemble qu'Avalon tenait dans son autre main, Rory avait peut-être mis un pied de trop dans ses secrets.

Bambi:

En Russie, la poigne d'un homme était un grand indicateur quand à la personne en face de vous. Celle de Donovan fut sure. Celle de Bambi directrice.

- Oui, effectivement.

Les néons rougeoyants éclairaient doucement le visage serré de Donovan, le rendant plus anguleux peut être qu'il ne l'était déjà. Le charisme certain de l'homme n'échappa en aucun cas à l'œil brumeux de Bambi qui voyait en lui un adversaire à sa taille.  Dehors, le déluge semblait les isoler du monde extérieur, petite parenthèse sulfureuse. La femme dégagea quelques unes de ses mèches moites qui venaient se coller contre sa peau tout en poursuivant la conversation.

- Vous êtes un habitué?

La voix se faisait posée, volontairement, ses mots roulèrent sur sa langue pour mieux en tirer un ton provocant. Les silences mesurés. La curiosité titillée. Elle le traquait du regard.

- Je...hum je dois avouer avoir un petit faible pour leurs dentelles.

Maintenant qu'ils avaient mit les pieds dans le plat, la professeur aux relents lancinants - tout fraichement autorebaptisée Avalon - ne comptait pas le laisser lui échapper si facilement. Trop intrépide pour ne pas s'assurer de sa fiabilité.

Rory:

Il sentait sur lui le regard inquisiteur d'Avalon qui ne manquait de détailler son visage sous la lumière suggestive du magasin. Lui, il se contentait de la regarder dans les yeux, cantonnant son regard à ses iris, n'osant pas spécialement décrire maladroitement la jeune femme qui se tenait devant lui. Elle se risqua à lui demander s'il était un habitué, ce serait mentir que de dire oui. Rory n'était pas réellement du genre à faire ses courses dans ce genre de magasins, mais il n'était pas non plus du genre à résister à l'appel de la cravate.

- Non, je crois que c'est la première fois que je viens ici.

La professeure renchérit sur appréciation toute particulière de la dentelle. Il ne pouvait pas réellement infirmer, la dentelle était une matière particulièrement plaisante à regarder, souvent plus lorsqu'elle était portée. Et puis l'ensemble qu'elle avait choisi semblait vraisemblablement très joli.

- Vous avez raison, c'est une belle matière.

Il se voyait mal complimenter son choix de lingerie, ce serait peut-être déplacé, ça ne le regardait pas trop. La dimension intime de ce genre de vêtements était plus forte que celle de simples cravates aux motifs léopards. Rory pensa alors plus poli de lui retourner la question.

- Et vous, vous êtes habituée?

Bambi:

Il était seulement un passager égaré au final. Dommage. Son regard devait surement avoir buté sur la cravate. C'était vrai que la professeur s'était déjà fait la remarque pour ses bouts de tissus qu'il abordait - seul accessoire tranchant dans ses tenues tirées à quatre épingles. Bambi voyait ça comme une jolie façon de mettre en valeur une pièce atypique. Au moins si elle devait lui offrir un cadeau à Noël (rituel sacré à Headwinds), elle serait vers quoi s'orienter - quoi que ça serait peut être choisir la facilité et c'était pas trop le genre de la maison.

- Je n'irais pas jusqu'à dire cela. Disons que je n'ai rien contre les belles choses même si je dois m'aventurer de temps en temps dans ce genre d'endroits pour en trouver.

A peine eut-elle le temps de finir sa phrase qu'une voix s'éleva du dédale dans lequel ils conversaient.

La vendeuse douteuse:

- Oh mais qu'est ce qu'on a cette fois? Qu'ils sont pas trognons ses deux là.

Dorota, 65 ans, venait de sauter sur l'occasion de sa vie de faire une bonne affaire. Chargée comme une bourrique, elle venait de lâcher dans un rayon l'intégralité de sa cargaison flasque à la vue de ses clients potentiels. Il fallait dire qu'entre la brune ténébreuse à tenue caractéristique et le bel homme en costard au regard perçant, ils ne passaient pas vraiment inaperçus - ça tenait plus du fantasme que de la réalité pour elle.

Joufflue et boute-en-train, c'était le genre de personnage courbe bonne patte qui sait brosser dans le sens du poil, et des poils elle en avait à revendre d'ailleurs. Beaucoup trop maquillée, harnachée d'une robe à l'association colorimétrique étrange, elle se dirigea d'un pas inquisiteur vers nos deux acolytes qui allaient se prendre une déferlante dans la tronche.

La dimension de politesse ne faisant plus partie de son vocabulaire depuis plus de 20 ans, elle reluqua de haut en bas sans la moindre gêne. C'est que vous savez dans ce genre d'établissement, on en voit de toutes les couleurs. Du bdsm, de la jeunesse qui découvre sa sexualité, des couples diverses en quête du frisson nouveau, du mari infidèle, à la gourgandine de luxe... mais des spécimens avec de telles allures c'était vraiment rare. Alors il était vrai que la notion d'intimité se confondait parfois dans ses actions, comble pour une galerie des plaisirs.

Son regard rieur passa de la cravate aux épaules de Rory, des épaules de Rory au porte jarretelles, du porte jarretelles aux épaules de Rory, des épaules de Rory aux épaules de Rory. Elle avait définitivement flashée sur son anatomie.

- Oh je voiiiiis...vous êtes plutôt du genre cravache et galipettes au bureau. Je sens une tension entre vous, un jeu de domination peut être? C'est un fantasme bien plus répondu que l'on ne le pense vous savez? Je pense que j'ai exactement ce qu'il vous faut! Suivez moi. On a de quoi ravir tous vos sens ici!

Moulin à parole, elle débitait encore et encore un flots inarrêtable que Bambi avait du mal à supporter. Sans attendre de réponse, elle continuait de sa voix chaleureuse encore et encore et encore. Elle s'adressait à eux avec la condescendance et la bienveillance qui nous vient avec l'âge. Fière de son analyse forte de plusieurs années de fidèles services, elle passa un bras sous celui de Rory, profitant surement de l'occasion pour tâter la qualité (Bambi ne pouvait lui en vouloir elle aurait surement fait la même chose pour le coup- comme nous toutes~) entrainant le pauvre psychologue avec elle. C'est quelle avait une sacrée poigne pour son âge Dorota.

Elle tournait autour d'eux comme un moucheron autour de sa pomme, ponctuant ses mots de gestes superflus.

- On vous a déjà dit que vous aviez de belles jambes chérie? Vous êtes plutôt souple? C'est monsieur qui en a de la chance. Oh, que dis-je! Regardez moi cette carrure délectable. C'est madame qui en a finalement. Et vos regards, c'est que ça doit être plaisant.. si vous voyez ce que je veux dire...*clin d'oeil*

Elle échoua le grand blond devant une devanture pleine de gadgets vibrants délurés, de baillons voyants et de menottes poilues. La femme le libera pour se réfugier derrière son comptoir, vrai pile électrique, cauchemar des visiteurs. Elle montrait tour à tour des objets tous plus créatifs les uns que les autres. A la façon d'une magicienne elle les plaçait dans leurs mains puis les reprenait, expliquant douteusement à la volée leurs utilisation. 

- Mes chatons avec ce modèle même pas besoin des mains. Non, plutôt cette taille là pour madame finalement. Monsieur va être ravie de vous voir dans cette combinaison de latex intégrale, il y a même un harnais pour les balançoires. Quoi que, je vais vous proposer du plus léger. Ne sera t-elle pas charmante avec ça vous ne trouvez pas? Et sur ce modèle à double entrées, 5 intensités c'est pas donné mais ça vaut le coup croyez moi,...Ca y est! J'ai trouvé.

Elle tendit avec un élan conquérant entre Rory et Bambi un merveilleux petit vibromasseur connecté à déclencher à distance.

- Avec ça vous pourrez vous torturer même en publique.

Bambi:

La femme prise de court se contenta d'écarquiller les yeux, emportée dans le sillage de cette matrone fort impolie à son goût. Elle avait bien du mal à garder sa contenance et d'ailleurs plus d'une fois elle crut s'étouffer avec sa propre salive. Elle ne leur laissait même pas le temps de protester.

La brune du tout de même s'avouer que c'était plutôt amusant de voir son collègue stoïque se faire trainer par cette grand mère haute en couleur. Elle leur emboita le pas avec un sourire hébété collé aux lèvres, elle ne savait pas quoi penser de cette situation. Pour s'échapper de ce traquenard, il allait falloir être malins.

- Merci...enfin, je crois?

Bambi échangea un regard plein de détresse et de stupéfaction avec Rory ne sachant pas trop comment s'enfuir de cette créature de l'enfer aux traits plissés. Ils furent bientôt submergés de sextoys, anneaux à glisser on ne sait où et de petits délices en tout genre. La biker n'avait rien contre les épices mais c'était plutôt précipité.

Elle n'appréciait pas vraiment qu'on se permette de donner son avis ou de troubler sa quête mais il fallait bien lui accordé, cette dame connaissait sa marchandise. Inconsciemment elle acquiesça à l'idée que Rory était plutôt plaisant à regarder, puis elle se maudit instantanément à cette pensée.

Paroxysme de la scène qui venait de se jouer sous les yeux impuissants, l'objets qu'on planta entre eux. 

Bambi loucha sans le vouloir sur l'instrument qu'on venait de placer devant son visage puis leva les yeux - malencontreusement en synchronisation parfaite avec Rory. Contact oculaire entre eux qui fut de trop pour la demoiselle qui paniqua un instant, le regard fuyant. Cette mamie était terrifiante, elle avait réussi là où beaucoup avaient échoué. Mlle Drogov était touchée.

Rory:

À vrai dire, si on omettait le lieu de la rencontre, ce n'était que de simples collègues qui venaient de se croiser pendant leurs emplettes, profitant éventuellement de ce hasard fortuit pour faire un brin de causette, n'ayant visiblement jamais eu l'occasion de se présenter au sein du pensionnat. Une fin de soirée plutôt tranquille en somme, enfin, si une vendeuse un peu trop emballée par leur présence ne leur était pas tombée dessus.

Rory avait été fortement interloqué par la réaction presque démesurée que la petite dame avait eu en les apercevant, ses bras ballant au dessus de tout ce qu'elle venait de lâcher, sous le coup visible de la surprise. Il eut un coup d'oeil vers Avalon, cherchant à savoir si elle la connaissait. Visiblement non. Le psychologue n'était pas du genre à avoir peur, encore moins d'une petite vendeuse boute-en-train dont le tissu de la robe aurait fait une fabuleuse cravate, mais il sentait que la situation lui filait entre les doigts, qu'il n'aurait malheureusement plus aucun contrôle sur ce qui allait se produire. Sa façade sévère avait bien du mal à tenir face à la poigne assurée que la vendeuse avait resserré sur son bras crispé. Il manqua d'ailleurs de s'étouffer face aux remarques déplacées qu'elle avait eu l'audace de prononcer sans aucune retenue. Les apparences ne faisaient pas tout mais, est-ce qu'il donnait vraiment cette impression là? De faire des heures supp', la cravate dénouée, à mettre un désordre monstre sur son bureau toujours bien rangé?

Ce qui devait être des compliments ne ravissaient pas spécialement le grand blond, chacun de ses mots alimentait une terreur naissante à l'idée de ne pas réussir à s'extirper du piège qui se refermait lentement sur eux. Elle les arrêta devant un étalage de produits lourds de sens, ils ne pouvaient plus faire marche arrière. Quand bien même ils auraient essayé, la commerçante ne leur laissait pas une seule seconde de répit, ils étaient coincés dans le sanctuaire maudit de ce temple des plaisirs. La petite dame exhibait tenues et tissus, égarant l'ombre d'une seconde l'esprit de Rory à penser qu'ils siéraient sans aucun doute à sa collègue, chassant très vite cette idée indélicate. Elle enchaînait des objets que le psychologue ne voulait pas se risquer à imaginer dans le feu de l'action. Surtout que ses descriptions bancales étaient assez imagées comme ça. Non pas qu'il soit contre ce genre de provocations analeptiques, mais pas comme ça. Il était un peu mal à l'aise, cette impression qu'on s'imposait dans une intimité qu'il n'avait offerte à personne depuis des lustres.

Le flot de paroles qui noyait les deux pauvres employés du pensionnat sembla se calmer un peu. Le calme avant la tempête, la grosse vague, le tsunami qui allait s'abattre sur ce naïf espoir d’échappée. La boutiquière brandit le clou de son spectacle, l'objet parlait de lui-même, n’omettant pas le détail qui faisait toute la différence.

- Avec ça vous pourrez vous torturer même en publique.

Rory déglutit tandis que ses yeux ne purent s'empêcher de se poser sur l'engin suggestif qui était présenté à eux. Il détourna rapidement son regard pour rencontrer celui d'Avalon, l'espace d'une demi-seconde, avant de s'esquiver mutuellement, tout deux embarrassés. Il ôta ses lunettes, les glissant sur son crâne et se frotta les yeux d'une seule main.

J'en ai trop vu, songea-t-il.

Il inspira profondément, reprenant un peu de contenance pour affronter ce mini-démon vendeur de tentations. Il reposa ses lunettes sur son nez, passant une main dans ses cheveux d'un geste expert. Il desserra un peu sa cravate bariolée, il commençait à étouffer, la chaleur du lieu lui montait à la tête. Le grand blond se risqua à reposer son attention sur le vibromasseur créateur de tourments. Comment se soustraire se soustraire du guet-apens qui s'était abattu sur eux? Rory allait rentrer dans son jeu. Il se massa le menton d'un air songeur avant de replacer ses lunettes d'un geste intéressé, risquant un coup d'oeil vers sa collègue qui avait l'air visiblement embêtée. Il s'excusa mentalement pour ce qui allait suivre. 

Il répondit alors le plus sérieusement possible:

- C'est parfait, on va vous le prendre.

Dorota:

Pauvre Rory...il venait de créer un monstre.

- Aaaaah c'est excellent mes tourterelles, c'est tout à fait excellent. Ce modèle est l'une de nos meilleures ventes. Une durée de chargement optimal pour une batterie très efficace. Vous savez comment il fonctionne? Ne dites rien. Je vous montre!

La bonne vivante agita sous le nez de Rory la petite télécommande et lança à Bambi la partie interne la concernant. Ponctuant chaque explication par des petits noms bestiaux toujours plus douteux, on venait de passer un cap dans le sombre. Elle força presque l'homme à tester leur nouveau jouet - ignorant totalement leur détresse mutuelle. Il appuya. Et malheureusement ou pas, ça fonctionna. Le petit engin se mit à vibrer entre les doigts de la brune littéralement scotchée sur place. Comble de l'ironie, la femme voluptueuse n'était pas peu fière de son petit tour de passe passe en plus de ça.

- Alors monsieur, il faut appuyer sur ce bouton pour lancer les stimulations. Vous pouvez également vous amuser à varier les plaisir. Si vous êtes collègues je peux vous conseiller de vous placer dans un cadre vous permettant de profiter pleinement du...visuel~

Sautant d'une action à une autre, elle lança un nouveau clin d'œil à Mr.Donovan avant de saisir à la volée la cravate et le porte jarretelle auxquels ils étaient cramponnés depuis le début de son irruption. Dorota était tellement emballée par sa futur vente qu'elle fonçait comme un boulet de canon vers son but final. Et elle y parviendrait même si il fallait écraser quelques résistances que cela soit. Dorota voulait. Dorota obtenez. Et là ce qu'elle voulait, c'était un feu d'artifice.

- Pas besoin de le remballer. Gardez chacun votre partie de l'accessoire et je m'occupe d'encaisser ceci en attendant. Suivez moi!

Elle reprit sa route comme si de rien était, emportant les deux acolytes (rendus aussi inoffensifs que des agneaux face à sa présence imposante) dans son sillage pour se placer derrière sa petite caisse dorée. Des pompons roses pendaient du plafond au milieu du bric à brac aux couleurs aussi chaudes que leur propriétaire. Dorota tapa quelques choses, grimassa puis donna un grand coup dans la machine pour qu'elle finisse par s'ouvrir.

- Excusez moi, elle est un peu capricieuse - comme bon nombre de femme ahahah. Par carte ou en espèce? Lequel de vous deux va payer?

Bambi:

Pitiez Donovan ne faites pas ce genre de choses, pensa-t-elle déjà emprise à la canicule qui régnait malgré le déluge à l'extérieur du magasin. Le côté moite additionné aux petites manières de son collègue, ça ne faisait qu'empirer les choses.

La tension qu'avait créé la sulfureuse importuniste emplissait l'air. Elle faisait presque passer Bambi pour un enfant de chœur à côté de son omniprésent bavardage. Bouffée de chaleur ultime qui finit d'achever les limites lorsqu'elle croisa de nouveau le regard de Donovan. Il semblait désolé. Attendez. Pourquoi désolé?

"C'est parfait, on va vous le prendre."

- Pa...pardon?

La fausse Avalon sentit le sol se dérober sous ses pieds. Le ton déterminé de l'homme planté en face d'elle lui arracha cette injonction non voulue - et c'était bien rare pour cette maniaque du contrôle. Elle n'était pas du genre à se laisser surprendre mais là pour être tout à fait honnête, elle ne s'y attendait pas le moins du monde. Non pas que son camarade de galère soit repoussant, loin de là mais... Il commençait sérieusement à faire chaud malgré tout les efforts qu'elle tentait pour refouler les images que la vilaine bonne femme insinuait dans leurs esprits. Elle jeta un regard subjugué à Donovan.

La femme débordée eu bien du mal à rassembler ses esprit quand elle percuta enfin la stratégie muette que le psychologue mettait en place. Affichant de nouveau son visage calme et replaçant une mèche toujours trempée derrière son oreille en tic nerveux, elle frissonna quand une goutte perla dans son cou.

- Je veux dire, en noir s'il vous plait.

Puis elle se retourna vers la marchande qui lui balançait déjà l'article, une lueur complice cachée sur sa prunelle verte.

Lorsque il se mit à vibrer dans sa main, la femme cru bien mourir. Son esprit était très musclé mais le mouvement inattendu entre ses doigts fit cramoisir ses joues pâles. L'idée même que son collègue puisse décider de...c'était terminé. Les images venaient d'envahir l'espace d'un instant son cerveau en ébullition d'un Donovan aux cheveux ébouriffés et à la chemise en vrac. Menya eto zaebalo.

- Ne vous inquiétez pas, on ne risque pas d'oublier, ajoutât elle du bout des lèvres.

Rory:

L'atmosphère dans le magasin commençait à s'empreindre d'une certaine lourdeur. Était-ce le lieu qui voulait ça, ou bien la tension habilement créée par cette commerçante qui savait très bien ce qu'elle faisait? Le psychologue était sincèrement désolé pour sa collègue qui n'en menait pas large, comprenant sa surprise. Cependant, il ne pouvait pas lui exposer sa stratégie à haute-voix, espérant qu'elle joue le jeu malgré tout. Mais elle semblait avoir saisi le plan, au vu de la façon dont elle s'était reprise.

Il ne fallait pas crier victoire trop vite, la vendeuse venait de s'enflammer sur place à l'idée d'avoir accompli sa funeste mission. Néanmoins, c'en était fini de vider ses étagères sous leurs yeux en envahissant leur espace vital de différentes démonstrations toutes aussi suggestives les unes que les autres. Enfin, ils ne purent malheureusement pas se dérober de l'ultime illustration de ce que Rory avait eu le malheur d'accepter. Il hochait doucement la tête aux mérites qu'elle énonçait avec une fierté non dissimulée, l'air faussement intéressé par ce que l'engin aurait bien à leur offrir.

Elle ne se fit pas prier, la p'tite dame! Elle plaça entre leurs mains à chacun un élément de leur futur achat. L'homme hérita de la télécommande tandis qu'Avalon reçut la partie interne. Elle commença à expliquer en détails le fonctionnement de cet outil de luxure, ne manquant pas d'enrober ses dires de différents petits noms dont ils se seraient bien passés. Le grand blond n'était pas à l'aise, il n'avait qu'une hâte, que ça cesse et qu'il puisse enfin payer pour s'enfuir de la boutique. Avec ses cravates. La commerçante ne lui laissa pas le choix de mettre en application la notice minutieuse qu'elle venait de faire, le forçant presque à activer l'objet. Il ne put y échapper et actionna l'appareil qui se mit à vibrer entre les doigts de sa collègue.

Ce serait mentir de nier qu'il n'aimait pas le contrôle, surtout dans ce genre de contexte. Rory se sentirait presque maître de la débauche si le contexte était plus propice à ce genre de divagations. Le petit objet se mit à vibrer entre les mains d'Avalon et il ne put passer à côté son air déstabilisé par la situation. Une chaleur licencieuse s'aventura sinueusement dans sa nuque, un frisson lui parcourut l'échine. Il se mordit l'intérieur de la bouche, tentant de retenir les élucubrations indécentes qui avaient osé s'immiscer parmi ses pensées. Et la façon dont elle avait soufflé ses derniers mots lui rendit la tâche un peu plus difficile.

La boutiquière avide de récupérer son gain le fit reprendre ses esprits alors qu'elle attrapa leurs emplettes. Il s'empressa de remettre la télécommande sur off, peu désireux de tester le vicieux objet plus longtemps, tout en la suivant pour enfin régler tout ça.

- Je paye, par carte s'il vous plaît.

Il sortit son portefeuille afin d'en extirper sa carte, effectuant rapidement le procédé de paiement. Plus vite ils seront sortis, mieux ce sera, qui sait s'il n'allait pas lui venir l'idée de leur présenter d'autres articles de la même veine. Il demanda un sachet afin d'y glisser ce qu'ils avaient acquis discrètement. Une fois le tout emballé, il salua poliment la vendeuse sulfureuse et il rejoignit Avalon.

- Merci beaucoup, bonne soirée à vous.

Arrivé à ses côtés, le grand blond se pencha vers elle, lui chuchotant prudemment quelques mots à l'oreille.

- Allons nous-en avant qu'elle ne recommence à parler.

Le psychologue emboîta le pas vers la sortie tant désirée. Les pieds dehors, il ne put retenir un profond soupir, laissant l'air frais et humide du dehors lui emplir les poumons. Il était bien trop content d'être dehors qu'il ne pensa pas à ouvrir son parapluie, peu soucieux de la pluie qui dérangerait ses cheveux bien coiffés. Il se tourna vers la professeure.

- Un peu plus et j'avais la tête qui explosait. Et vous ça va?