Patate is love, patate is life [fermé]

Liseron :

11 h du matin, au supermarché.

C'est foule. Les gens passent avec leur cadi bien rempli, il y a des vas et viens, de la musique et des bip bip en tempo à la caisse, des aliments et des prix partout. Un supermarché, quoi. Mais faire les courses serait tellement plus amusant sans cette bouffée d'angoisse qui prenait Liseron à la gorge dès qu'elle voyait toutes les plus belles pommes de terre se faire cueillir par des clients, le dernier paquet de ses chips préférées lui glisser sous le nez et qu'on annonçait rupture de stock au rayon des patates-sourire surgelées. Elle prend un sac plastique. Elle se poste devant un étalage. Le prix des patates douces a augmenté ou quoi ? Tant pis. Quand on aime, on ne compte pas. Elle les choisit avec une diligence admirable, ses yeux cernés bourrés d'affection. Puis la lycéenne s'empare d'un second sac, en quête de jolies patates pour son gratin dauphinois. Sauf que, le truc, c'est qu'elles sont toutes moches. Cabossée, noircies, pleines de tubercules disgracieuses. Sauf... Sauf une ? C'est la patate. Il faut qu'elle la prenne. Même si elle pourra pas faire son gratin. Une seule patate, c'est toujours mieux que pas de patates. 

Ryan :

Il était temps pour lui de faire ses courses. Parce que oui, même si il avait beau repousser ce jour si disgracieux. Le mercredi. Le jour que personne n'aime. Bah oui, le début de la semaine, tout le monde est énergique et hyperactif. Tandis que la fin de semaine, tout le monde se la coule douce parce que c'est bientôt le week-end. Mais le mercredi. Le jour sombre. Donc, le jour des courses.

Avec la détermination d'un hippopotame ayant passé une nuit blanche en tutu, il se dirigea vers les différents rayons. Bon. Chips, bonbons, sachets de thé, épices...Il lui manquait malgré tout un ingrédient. Il avait pris des bonbons, du thé, des épices indiennes, des chips...

- Patate!

Il avait parlé à voix haute, et la femme devant lui n'avais pas apprécié la remarque. Bon, c'est vrai, elle était boudinée, mais les jeunes de nos jours, hein...Le blondinet la regarda s'écarter avant d'aller vers le rayon légumes.

Pleins de bonnes patates! Il s'apprêta à en prendre une, quand un bras frêle et maigrichon se posa dessus.

("et la femme devant lui n'avait pas apprécié la remarque" xD)

Liseron :

Elle allait sûrement la cuisiner en robe des champs. Ca faisait moins de boulot, et c'était délicieux. "Patate !", retentit une voix de garçon. Et un garçon apparut dans le rayon des légumes. Liseron le fixait. Il en voulait pour ses pommes de terre ? Pas de jugement hâtif, après tout, il n'était encore qu'à 20 mètres d'intervalle, ou à 10... 2 mètres. La jeune fille mit une main tremblante sur l'objet de convoitise, d'un geste précipité, en levant ses yeux mordorés sur l'ennemi. N'importe qui penserait que c'était une réaction déplacée, mais elle, elle était persuadée de sa légitimité. Elle était juste précautionneuse, voilà. 

Sa respiration se tempéra, puis elle glissa la patate douce dans son sac en plastique.

Ryan :

Il fixa la fille aux cheveux mauve qui le regardait bizarrement. Cheveux mauves, des cernes sous les yeux, un style vestimentaire rappelant celui des cosplayeurs de la Japan Expo...Est-ce que c'était une gameuse? Il pourrait facilement l'assimiler à un personnage de Final Fantasy, ou encore de The Legend of Zelda. Avec un espèce de sceptre magique en forme de patates. Et ces cernes...Oui, elle était sûrement accro aux jeux vidéos.

Il bascula son regard entre la patate et la jeune fille -qui y ressemblait un peu, mais c'était mignon tout plein. Tout sourire, il lanca :

- Bonjour!

Il aurait dû dire "excuse moi pour la patate" non ? Il afficha un sourire maladroit. Autant être franc, c'est son point fort.

- Tu ressembles à une patate.

(Tu m'as tuée xDDD)

Liseron :

Pourquoi est-ce qu'il la dévisageait comme ça ? Si ça se trouve, il était attentif à ses moindres réactions, prêt à lui sauter dessus d'une seconde à l'autre pour lui chiper sa patate. C'est n'importe quoi, vous pensez ? Ah mais, faut se renseigner, regardez aux infos, ça arrive tous les jours des trucs comme ça. Les gens ça vole bien les maris ou les femmes des autres par exemple, alors pourquoi pas leur repas ? Et puis, sinon, il n'arborerait pas un grand sourire. Personne n'est content de se faire gratter. Ca devait être un sourire du style "haha, tu ne sais pas ce qui t'attend", sauf que Liseron, elle était perspicace alors elle savait. Et si ce "bonjour" joyeux, c'était pour l'amadouer, ben c'était raté ! La jeune fille déglutit et serra le poing plus fort autour du sac plastique. Elle se mettait à flipper de se faire agresser. Pourvu qu'il y ait des caméras de sécurité au cas où... 

- H-hein ?

Elle ressemblait à une patate ?! C'était bien la première fois qu'on lui disait ça. C'était un compliment ? Pas dans la bouche de 99% des gens mais, à elle, ça lui faisait quelque chose d'être comparée au roi des féculents. Elle se ressaisit néanmoins : elle n'allait quand même pas tomber dans le panneau de ce voleur de pommes de terre. Une moue sceptique au visage :

- ... C'est-à-dire ?

Ryan :

Il la regarda serrer sa prise sur le sachet. Ok, il l'avait perdue...Hé? Ici la terre? Madame patate? Il allait devoir la secouer? Lui verser un sac de patates sur la tête? Il faillit perdre foi et se mettre à crier dans tout le supermarché quand elle semblait avoir une interaction.

- Euh...

"Une patate c'est rond et gros et moche, comme toi !" c'est ce qu'elle attendait comme réponse? Cependant, elle ne semblait pas avoir de réaction si négative que ça. Contrairement à la vieille susceptible de tout à l'heure. 

- Une patate c'est rond, et boudiné. C'est mignon.

Il esquissa un sourire maladroit, en espérant s'être rattrapé.

(HAHAIHAIAHAHAHAHA)

Liseron :

Pas de caméras de surveillance interceptées mais... Un monsieur qui s'occupait de la pesée des fruits et légumes à quelques mètres. Le lieu était donc sécurisé. Les yeux de Liseron se ré-attardèrent sur son interlocuteur suspect, qui se confondait en "euh..." et en expressions faciales maladroites. Il n'allait rien trouver à répondre, pas vrai ? Ah, si ! "Rond", "boudiné", "mignon". ... Hein ?! Il parlait à Miss Patate là, pas Bonne Poire ou Cruche ! Elle était pas ronde pour un sou avec ses carences alimentaires, sauf s'il parlait de ses vêtements, alors là c'était pas si faux. Et quant au mignon, faut voir si les cernes de mort-vivant ça a du charme.

La jeune fille se contenta de reconsidérer le garçon du regard, passant de la crainte à l'intérêt soudain. Peut-être que c'était un menteur (ou qu'il était malvoyant) mais en tout cas il avait pas l'air d'être très méchant, tout compte fait. 

- Ah, euh, bah... Merci. 

Un minuscule sourire incertain et des toutes petites fossettes naquirent sur son visage fatigué. 

Ryan :

Il aurait pas dû dire ça. Maintenant il le prenait pour un fou. Remarque, elle en avait l'air, non ? Peut-être que c'était une fille qui, le soir, faisait une table et discutait avec des patates en leur donnant du nom du genre "Géraldine" ou "Anne-Sophie" ? Le blondinet esquissa un petit sourire, en espérant lui inspirer confiance. Il regarda ses petites fossettes sur son visage et un petit sourire...

Ouf! Elle l'avait pas pris pour un fou. Il soupira de soulagement.

- De rien!

Il lui tendit la main, l'air joyeux. C'était peut-être l'occasion de se faire une amie, non? De toute façon, folle ou pas, elle avait l'air gentille (et puis elle lui présentera peut-être Géraldine)

- Tu t'appelles?

Liseron :

Oula, pas si vite ! La jeune fille lui reconnaissait une certaine normalité voir une amabilité : il avait pas essayé de lui voler sa patate, et il lui avait fait un compliment. Mais la possibilité d'une amitié, Liseron en avait jamais eu à portée de main, alors elle avait du mal à envisager que quelqu'un veuille faire sa connaissance et s'intéresse à elle sans attendre quoi que ce soit en contre-partie. Elle restait donc muette comme une carpe, en louchant sur la main du garçon. Elle allait le tester, ou lui poser des questions pour faire éclater la vérité. Si ça se trouve, c'était un espion à la recherche d'une fille, et selon le portrait robot cette fille avait des cheveux violets et s'habillait en lolita, mais c'était pas elle. Parce que cette fille recherchée pour x ou y, elle était "ronde, boudinée, et mignonne". En fait, elle avait un métabolisme lent et, quoi qu'elle mange, légumes, viandes, féculents, elle grossissait et ressemblait à une petite patate cuite à point. Alors Liseron allait se comporter bizarrement (enfin, encore plus bizarrement que d'ordinaire) pour dissuader le blondinet de la harceler et lui montrer qu'elle avait rien de cette fille grosse et mignonne. 

- Je vais faire peser ma patate et je te dis. 

Ryan:

D'accord. Il était foutu. Elle le prenait pour un fou, donc elle avait cherché une excuse pendant tout ce temps et maintenant elle allait se casser. Espoir d'une nouvelle amie : ...niet. Et en plus, si elle était mauvaise langue, elle allait dire à toute ses amies qu'un garçon blond aux yeux roses disait aux gens qu'ils ressemblaient à des patates. Bon, il pouvait plus rien faire alors il resta scotché sur place, la bouche pendante dans l'air, dans l'espoir qu'elle revienne quand même un jour.

Il ne put cependant s'empêcher de jeter des petits regards à des patates autour de lui. Oh, celle là elle ressemblait à son chien. Et celle-là ressemblait à un mouton! Si il ne pouvait pas devenir ami avec cette fille, il pourrait au moins l'être avec ces patates.