look at you, causing fights for no reason [TW: angst, privé]

Asher;

À part un coup dans l'épaule pour le forcer à reculer un peu plus, Nolan ne le frappa pas. Alors que lui, il faisait pleuvoir maladroitement ses poings, un peu désespérément, parce qu'au fond il ne savait pas trop quoi faire d'autre. Pourquoi-est ce qu'il ne le rouait pas de coups ? Pourquoi il ne se défoulait pas ? Il était en colère pourtant, non ? Alors pourquoi est-ce qu'Asher était le seul à passer toute sa frustration de cette manière ?

Le texan commençait à fatiguer, frapper au hasard lui faisait mal, voir le visage de Nolan d'aussi près lui faisait mal, essayer de noyer tout ce qui déferlait dans sa tête lui faisait mal, retenir les larmes qui lui montaient aux yeux lui faisait mal. Il avait juste envie que tout s'arrête, de ne plus rien ressentir. Sauf que si c'était possible, il l'aurait déjà fait depuis longtemps, alors il continua à frapper, la culpabilité de voir qu'il était le seul à faire du mal à l'autre lui faisait surement plus mal que tout le reste.

Son dos rencontra finalement le mur de l'infirmerie, ses omoplates le frappant en premier. Ça lui coupa le souffle et entre reprendre une goulée d'air et retenir ses larmes, il n'eut pas d'autre choix que de respirer. L'eau afflua dans ses yeux comme si il venait d'ouvrir une vanne et obstruèrent sa vision. 

Le visage de Nolan était désormais un peu flou, ses mots aussi.

Il se sentit encore un peu plus mal, encore un peu plus coupable. Il avait l'impression de s'enfoncer inexorablement dans ce sentiment, pire encore, il avait désormais l'impression d'emporter son ancien ami avec lui. Encore une chose à ajouter à la listes des trucs qui lui faisaient mal.

Il reparla de ce fameux soir; Asher savait que ça avait été le point de non retour. Il y pensait souvent. Tout le temps, ça le rongeait, ça l'empêchait de s'endormir la nuit, ça l'empêchait d'affronter sa famille et son reflet dans le miroir.

Parce qu'au fond, il avait beau passer ses nerfs sur le brun, il savait qu'il n'y était pas pour grand chose. Ce n'était pas lui qui l'avait rejeté des années auparavant avant de revenir comme une fleur, de s'installer dans sa chambre, de l'ignorer royalement pour ensuite se coller contre lui dans un moment d'égarement pendant lequel il avait été honnête pour une fois. Non, pour tout ça, Asher ne pouvait s'en prendre qu'à lui même. Et allez, encore une couche de culpabilité.

Les mots se noyaient dans sa gorge et ses poings rougis par les chocs tombèrent mollement sur ses flancs. La tristesse avait pris le dessus sur la colère et maintenant les larmes dévalaient silencieusement ses joues.

Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas pleuré devant quelqu'un, parce qu'on lui avait toujours dit que c'était pas quelque chose d'acceptable. À cette pensée, ses épaules eurent un léger sursaut et il détourna les yeux.

— Pardon.

Sa voix était faible, étranglée mais c'était sorti. Et encore, ça ne semblait toujours pas être assez. Il se mordit la lèvre pour éviter qu'elle tremble puis ajouta:

— J'suis qu'un connard, pardon.

Il aurait bien voulu s'essuyer ses yeux mais il avait trop mal aux doigts.

Nolan:

Il avait utilisé toute sa force pour le pousser jusque contre le mur, il n'avait même pas réellement essayer de lui porter des coups à son tour. Il ne pensait pas se tromper en s'attendant à mourir, le lendemain, lorsque son corps à froid devrait bouger après s'être fait martelé comme ça. Asher l'avait bien frappé, et il l'avait sûrement bien cherché, Nolan aussi avait fait sa part de mal, peut-être pas avec son corps, parce que ses mots avaient été plus qu'écorcheurs de leur côté. C'était pas si faux dans le fond, de se faire traiter d'enfoiré.

Le choc du dos de son camarade contre le mur sembla avoir coupé cours à l'avalanche assommante de phalanges qu'il se mangeait depuis plusieurs minutes. Il observa de si près les traits de son visage se transformer, il vit ses yeux briller et n'en crut d'abord pas les siens. Il ne rêvait pas. Les larmes commençaient à dégouliner au coin de son regard. L'eau salée ne se fit par prier bien longtemps avant de couler aussi sur les joues de Nolan.

C'était prenant, il était pas sûr d'avoir déjà vu Asher pleurer. Lui et ses grands airs de durs, les garçons ne pleurent pas. Il se sentit un peu coupable de l'avoir poussé jusque dans ses derniers retranchements aussi violemment, sans aucun préavis. Il avait le cœur trop serré, ça lui faisait si mal dans la poitrine. Tout devenait flou, il crut deviner que ses bras s'étaient laissés tombés, ballant le long de son corps parce qu'il ne sentait plus rien résonner contre ses côtes.

Pardon.

Il crut d'abord qu'il avait halluciné. Puis il le répéta. En ajoutant qu'il était un connard. Nolan n'avait pas très envie de le contredire parce que c'était peut-être un peu vrai. Mais ils étaient sûrement autant des connards l'un que l'autre. Ils avaient l'air bien fins maintenant. À se battre désespérément dans une infirmerie pour finir contre le mur à pleurer. Nolan avait mal aux yeux, à force de vouloir retenir ses larmes, les yeux brûlants.

Ses poignes se relâchèrent, abandonnant le col du texan. Une main contre le mur, au dessus de son épaule, l'autre essuyant l'une de ses joues de la paume.

- On est deux.

Cette cascade écrasante d'émotions dans laquelle ils s'étaient laissés emporter l'avait un peu achevé. Il plissa un peu les yeux, ne pouvant pas se résoudre à les fermer. Il voulait continuer de voir son visage, même si ses sanglots avaient fait tomber un voile imprécis sur la figure du garçon qui faisait battre son coeur envers et contre tout. Il pencha sa tête, posant son front contre le sien.

- Je suis désolé aussi.

Nolan avait le fond ses sentiments au bord des lèvres, mais c'était trop dur pour le dire maintenant. Il espérait que tout ce qu'il essayé de faire comprendre à Asher soit passé, et qu'il puisse deviner lui-même la nature des sentiments qu'il avait à son égard. Il renifla un peu, la pièce était bien silencieuse, maintenant qu'ils ne s'engueulaient plus. Seules leurs respirations un peu hasardeuses résonnaient entre les murs de l'infirmerie.

Asher;

Le jeune homme n'avait jamais aimé pleurer. Alors que certains trouvaient ça un peu soulageant, Asher y tirait encore un peu plus de peine. À chaque fois que les larmes roulaient sur ses joues, il pensait à son père et ses grands discours bourrus et souvent blessants sur "les hommes qui chialent". Il s'était souvent fait sermonner par son géniteur à cause de ça, il lui avait souvent hurlé dessus pour la simple et bonne raison que son fils n'exprimait pas sa tristesse "comme un vrai homme".

Heureusement qu'il n'était pas là pour le voir, heureusement qu'il était très loin, dans sa ville de merde au fin fond de son Texas natal. Si M. Hawkins aurait pu voir son fils actuellement, il lui aurait surement foutu une bonne dérouillée.

Penser à son père réveilla un peu la colère qu'il avait réussi à canaliser. Cependant, il était désormais bien trop épuisé pour l'exprimer de quelque manière que ce soit alors elle ne resta pas, mourant totalement dans le fond sa tête alors que Nolan posait son front contre le sien. Les larmes continuaient à inonder silencieusement ses joues et à flouter sa vision. 

Il aurait bien aimé les chasser de ses yeux, juste pour un instant, juste pour pouvoir discerner un peu mieux ceux de Nolan. Ses doigts étaient ankylosés, la douleur était sourde, c'était comme si le cerveau du jeune homme avait abandonné les commandes de son corps, trop fasciné par le visage un peu imprécis de son ancien ami. Le texan abandonna l'idée de faire le moindre mouvement, plongeant dans les prunelles sombres de celui qu'il venait de rouer de coups. Ils étaient tellement près qu'il aurait pu s'y noyer mais ça ne le gêna pas, il y avait un millard de choses plus désagréables actuellement que les yeux de Nolan.

Il ne savait pas vraiment ce qui était en train de se passer, la sensation un peu bizarre dans le creux de son ventre était toujours là mais désormais elle n'était plus douloureuse. Ce n'était pas tout à fait plaisant non plus, mais Asher ne voyait pas d'inconvénient à la supporter encore un peu.

Il aurait pu rester là longtemps, coincé entre le mur et l'étudiant. À cet instant précis, il avait l'impression que rien ne pouvait l'atteindre, que rien n'était aussi grand que Nolan et par conséquent, que rien ne pouvait traverser la barrière dont il faisait office. Pas même les remarques brutales et les hurlements de son imbécile de père.

Fort de cette pensée, un petit sourire vint fleurir sur les lèvres du plus jeune et les larmes coulèrent de plus belles, comme si le texan cherchait à écouler son stock. Et il en avait de la réserve.

Il y avait un million de choses qu'il aurait voulu dire mais il n'avait pas assez de mots pour le dire. Et puis fallait dire qu'il ne comprenait pas tout, il ne comprenait même quasiment rien.

Brisant finalement le silence retrouvé de l'infirmerie, il demanda:

— Ça va tes doigts ?

Sa voix était éraillée, sa question un peu bête. Ça n'allait surement pas bien. Peut-être qu'il aurait été sage d'appeler l'infirmier. Peut-être qu'il aurait été sage de ne pas se taper dessus comme des idiots en premier lieu. Mais Asher n'était pas vraiment sage alors il n'avait vraiment envie de bouger, profitant de la proximité et du souffle de Nolan contre sa peau.

Nolan:

Il ne pouvait pas détourner ses yeux de ceux d'Asher, même s'ils étaient aussi aussi embués que les siens, si ça se trouve ils ne se voyaient même pas tant que ça, avec toute l'eau salée qui leur coulait sur les joues. Il sentait sa respiration lui chatouiller le cou et même si ça lui faisait quelques frissons, c'était presque agréable. 

Il crut apercevoir un sourire se dessiner sur le visage du texan et Nolan ne put en empêcher un de s'esquisser aussi. Un peu triste, un peu heureux, mais pour une fois ce n'était pas un rictus moqueur. Ils étaient si proches et ils étaient tous les deux dans un état normal, enfin, à peu de choses près. 

Asher finit par rompre le calme silence qui s'était instauré, lui demandant comment allaient ses doigts. À vrai dire, il avait un peu mal partout, ses doigts n'étaient donc plus tellement douloureux, en comparaison au reste. Il eut un petit soupir amusé, remuant ses doigts blessés.

- Ca pourrait être pire.

Il aurait peut-être fallu qu'il s'en occupe, surtout après s'en être servi de façon plus ou moins violente. Mais il n'avait pas envie de bouger. Il profitait de cette proximité, espérant que l'infirmier n'allait pas revenir tout de suite parce qu'il n'avait absolument aucune excuse à donner sur le pourquoi du comment ils étaient l'un contre l'autre, contre le mur.

Il se souvint qu'il l'avait peut-être poussé un peu fort, juste avant. Il ferma un peu les yeux parce que ses larmes lui obstruaient trop la vue.

- Et toi, ton dos? Je t'ai pas fait trop mal?

Il s'en voudrait un peu si c'était le cas, mais ça avait aussi coupé court à leur altercation. Qui sait s'ils seraient pas encore en train de se mettre sur la gueule si ça s'était pas passé comme ça. Il rouvrit ses yeux, la vision plus claire, détaillant chaque couleur qu'il pouvait voir dans ceux de ancien ami, savourant l'instant autant qu'il pouvait, avant qu'ils ne doivent se séparer encore une fois.

Asher;

Le mur de l'infirmerie n'était pas la surface la plus confortable du monde, c'était indéniable. Mais il avait plus mal aux mains qu'au dos, comme si ses doigts lui faisait payer ses coups. 

Il fit non de la tête avant d'attraper le poignet de Nolan. Les larmes avaient terminé de couler, les yeux rougis du texan se concentraient désormais sur les doigts abîmés du brun dont la couleur n'était pas bien belle. À froid, son discours allait surement être bien différent. 

Il n'osait pas vraiment entrer en contact avec la peau de son camarade, elle commençait à changer de couleur par endroit, le haut de sa joue et sa mâchoire allaient surement présenter des bleus le lendemain. Il n'osa pas imaginer ce que ça allait être pour le reste de son corps, après tout il l'avait frappé comme un dégénéré, sans objectif précis. Il savait qu'il valait mieux qu'il n'essaye pas de se faire une image mentale du corps couvert d'ecchymoses de son colocataire, c'était pas bien prudent.

Essuyant ses yeux toujours un peu humides du plat de la main, il renifla sans grande délicatesse.

— Faudrait p'têtre mettre de la glace en attendant ?

Ses doigts glissèrent tout doucement vers ceux de Nolan, sa peau effleurant à peine la sienne, comme si il pouvait le casser si il appuyait ne serait-ce un peu plus. La soudaine considération était un peu paradoxale puisque c'était en partie de sa faute si il avait mal.

Leurs mains abimées allaient bien l'une avec l'autre, c'était peut-être un peu tordu comme réflexion mais c'est la seule qui vint à l'esprit du texan. Il savait qu'ils avaient de la glace dans leur chambre, si l'infirmier ne se pointait pas, peut-être allaient t-ils devoir se retrancher là bas ?

Nolan:

Son esprit était vide, toutes ses pensées étaient centrées sur celui contre qui il se tenait. Mémorisant tout ce qu'il pouvait voir, imprimant ses traits de manière indélébile dans le fond de sa rétine. Un peu rassuré à la réponse négative d'Asher, il échappa un petit soupir. Il s'écarta un peu tandis que ses doigts effleurèrent les siens. Une petite décharge, un frisson, il en voulait un peu plus, désirant ardemment le contact physique quel qu'il soit.

Ses doigts dont les teintes commençaient à tirer vers des couleurs pas si jolies allèrent à la rencontre de la main timide de son camarade. Ses yeux s'étaient posé sur leurs pieds. Il avait pas tord, il allait falloir mettre un peu de glace. Et les bander ensemble, pour éviter de trop les plier lorsqu'il aurait besoin de ses utiliser.

- Ouais, ce serait mieux.

Son regard reporta son attention sur le visage du texan, une petite grimace. Il sentit un peu la douleur fourmiller dans sa joue tandis que ses muscles se contractaient.

- Et les bander.

Il porta son attention à l'infirmerie vide. Sans l'ombre de l'infirmier il allait ptet réellement falloir faire son bandage de fortune.

- S'il revient pas, va falloir que j'aille en chercher ailleurs.

De toute façon, son prof ne l'accepterait plus en cours avant que ses doigts aient été bien traités, alors pas le choix. Sans ses sessions de sport lui laissaient beaucoup de temps libre à consacrer à son retour à l'infirmerie. Puis des bandages, il en avait toujours, au cas où, dans le petit placard de la salle de bain étriqué qu'ils avaient dans leur chambre. De la glace aussi, comme la fois où il en avait passé à Asher pour ses ecchymoses à lui.

- Doit bien y avoir ce qu'il faut au dortoir. Ca ferait l'affaire en attendant.

Il espérait très fort que son colocataire y retourne avec lui. Le cours qu'il voulait sécher était peut-être fini, peut-être qu'il aurait aussi à faire dans la chambre. Toutes les raisons étaient bonne pour passer toujours plus de temps avec lui.