dear sleep, i'm sorry we broke up this morning, i want you back [terminé]

Ray Edwards,

Thérèse lui avait un jour dit, au détour d'une de leurs conversations, qu'elle venait de Louisianne. Il avait retenu cette information mais ce n'était que maintenant, alors que sa camarade lui disait que la référence scabreuse venait d'un film francophone que ça fit tilt dans la tête bien faite mais un peu longue à la détente de Ray. Ça voulait dire qu'elle parlait français ? 

Il fit un quart de tour sur sa chaise, faisant grincer cette dernière et bruisser ses ailes, les yeux brillants.

Attends...tu parles français ?

C'était vachement sexy le français, c'était la langue des poètes, des amoureux. Peut-être que "je t'encule Thérèse", ça sonnait plus romantique en français ? Ouais, quoique la signification restait la même alors c'était pas sûr.

La situation dans laquelle se trouvait la jeune femme n'était pas bien drôle mais l'information qui venait de parvenir au cerveau de l'oiseau de feu lui faisait un peu oublier l'agacement qu'il avait pu ressentir. Il avait toujours été comme ça, Ray, toujours à se concentrer sur le positif. 

(ray va finir par me tuer je l'adore)

Thérèse Sherman;

Il était pas très délicat, Ray, si bien que son mouvement brusque fit légèrement sursauter Thérèse qui posa des yeux perdus sur ceux brillants de son camarade. Si elle parlait français? Bien entendu qu'elle parlait français. Comment s'engueulait-on dans la famille Sherman si ce n'était en français? Puis c'était toujours pratique pour parler aux locaux. Et aussi parce que c'était un peu son devoir de mémoire, de connaître ses origines, d'où elle venait. Ça passait bien évidement par apprendre la langue maternelle.

— J'me débrouille, répondit-elle en souriant, fière de ses capacités, enfin, si un vrai français m'écoutait, il m'étriperait sans doute. Mais j'me débrouille.

Parce que son accent, et ses petites fautes dû à sa langue natale étaient inévitables. Parfois on la charriait gentiment sur ça, mais ça lui était bien égal. Le français c'était cool, et pas beaucoup de gens le parlait aussi bien qu'elle - du moins, c'était la conclusion à laquelle elle était arrivée après plusieurs années à headwinds - alors elle pouvait bien être fier de son atout. Puis ça avait son charme, et son succès, et ça faisait bien rire Thérèse.

— Pourquoi? demanda-t-elle curieuse, en se relevant péniblement sur son siège, les coudes posés sur le pupitre, le menton dans ses mains.

Elle n'en oubliait pas l'incident de la vieille, mais après tout, parler d'autre chose, ça allait peut être la détendre. Puis cet intérêt soudain qu'on lui témoignait était bien assez pour flatter son égo. Et qui n'aimait pas voir son égo flatté par son charmant camarade?

(lui aussi il t'adore bg)

Ray Edwards,

Il ignora superbement la partie ou elle disait que si un vrai français l'écoutait il l'étriperait. Ray n'était pas français et facilement impressionnable alors il s'en fichait. Un sourire de gosse vint illuminer son visage, ravi de découvrir une facette aussi charmante de Thérèse. 

Lui ne parlait pas français pour un sou, à part "voulez vous coucher avec moi ce soir", phrase indispensable que le polonais prononçait même pas bien, il ne savait rien dire. Et Ray avait tendance à admirer les gens qui savaient faire ce qu'il ne savait pas faire. 

Je me débrouille, le blond était sûr qu'elle parlait super bien en plus. 

C'est super sexy les gens qui parlent français, dit-il sans gêne en dévisageant sa camarade avec un petit sourire.

L'étudiant était persuadé qu'il arriverait à pécho deux fois plus si il savait parler français. D'un autre côté si il faisait ça il aurait encore moins de temps de sommeil qu'actuellement donc c'était peut-être pas recommandé. Être trop charmant ça pouvait ruiner sa santé, quel dilemme. 

(<3)

Thérèse Sherman;

Dire que Thérèse était étonnée par les dires de Ray aurait été mentir. Cette tendance qu'avait les étrangers à trouver le français désirable l'avait toujours elle même fascinée. Parce qu'on avait toujours une image romantique et poétique de la France, quand Hugo et Baudelaire était mort, enterré et désué depuis des décennies déjà. La France et le français de l'imaginaire n'avait rien à envier à la réalité. Mais ça, elle se gardait bien de le dire. C'était un atout pas négligeable en rendez-vous, de parler français. La plupart du temps, si ce n'était toujours, Thérèse aurait pu insulter son partenaire de cafard qu'il aurait fondu, buvant ses paroles.

— Je sais, répondit-elle, en français dans le texte, servis avec un clin d'oeil en accompagnement, et un sourire en prime.

Elle mentait pas Thérèse, quand elle disait avoir un petit accent, mais elle y travaillait, sincèrement, histoire d'épater un peu plus la galerie.

— j'ai découvert ça quand je suis arrivée ici, conclua-t-elle, amusée. C'était pas la première fois qu'on lui servait cette réflexion. Et ça dérangeait pas Thérèse. Parce que même elle, le français, ça la faisait fondre, au fond. Curieuse, Thérèse demanda à Ray:

— tu comprends un peu? Ou tu parles?

Elle savait pas vraiment d'où venait le garçon, ne connaissait pas précisément ses origines. 

Ray Edwards,

Cerise sur le gâteau, elle prononça deux trois mots dans la langue de Molière, pour le plus grand bonheur du blond qui n'y comprenait rien. Elle aurait pu l'insulter violemment, avec son petit accent, son sourire et —oh mon dieu, son clin d'oeil, Ray en aurait quand même redemandé. 

Il haussa les épaules avant de lui répondre.

Ni l'un, ni l'autre, il marqua une petite pause, mais j'aimerais bien ! Ça doit être vachement pratique pour séduire. Enfin pas que j'ai besoin de ça et je suis sûr que toi non plus.

Thérèse était charmante, ça se voyait avant même qu'elle ouvre la bouche. Vint alors une idée dans le cerveau fatigué de Ray, une idée brillante si vous voulez son avis. Peut-être un peu moins si vous voulez le mien, mais passons.

Tu pourrais peut-être m'apprendre ? Deux trois trucs hein, les bases.

Son grand sourire se transforma en petit rictus en coin, fière de son idée de génie.

Moi en échange je peux t'apprendre le polonais ? C'est moins sexy mais c'est toujours ça de pris !

Ou si le polonais ne l'intéressait pas, ce que Ray pouvait comprendre, il pouvait toujours la payer en nature, c'était à elle de décider.

Thérèse Sherman;

Ray la fit rire, ce qui eu le mérite de faire oublier à Thérèse la rancœur encore présente dans son esprit.

— tu n'en as pas besoin, non, laissa-t-elle échapper en riant légèrement.

Ce matin, en se levant, ou plutôt en se trainant, Thérèse n'aurait jamais cru qu'elle se lancerait dans des cours de français pour l'instant théoriques. Ça ne la dérangeait pas, d'apprendre une langue à quelqu'un, l'idée lui plaisait plutôt pas mal d'ailleurs. Prenant quelques secondes de réflexion, elle n'eut pas le cœur de faire trop attendre Ray avant de donner sa réponse.

— pourquoi pas!

Thérèse ne savait pas si elle devait prendre cette proposition, ou demande, elle ne savait pas trop non plus, au sérieux ou non. S'il ne s'agissait là que d'une phrase lancée sans véritable volonté, Thérèse en aurait été un peu déçu, mais n'en aurait rien dit. Et si il s'agissait du contraire, Thérèse en serait ravie.

— Le polonais? Elle fit elle même une pause dans sa réflexion, faisant la moue et se triturant les méninges. Pourquoi pas? C'était pas dans mes plans mais ça peut être marrant, non?

Le regard pétillant, Thérèse était partante. Même si le polonais ne lui semblait pas un investissement foncièrement intéressant, sa curiosité naturelle l'aiderait à apprendre quelques phrases qu'elle pourrait sortir à Ray au détour d'une conversation. Et puis, ça serait sympa de passer du temps avec le jeune homme, ça, elle n'en doutait.

Ray Edwards,

Tu n'en a pas besoin, non, cette petite phrase gonfla encore un peu plus l'égo de Ray. Certes il savait très bien qu'il était charmant, après tout il se voyait tout les jours dans le miroir et savait reconnaître la beauté quand il la voyait. Cependant ça faisait toujours plaisir d'entendre ce genre de compliment. Il faillit faire comme si il avait mal entendu, juste pour qu'elle le dise à nouveau mais il risquait de ne plus pouvoir passer les portes après. 

Il fit un petit geste de la main accompagné d'un sourire en coin, arrêtes je vais commencer à penser que tu me dragues.

Maintenant bien mieux réveillé, il termina son café, désormais tiède, d'une traite. Elle avait l'air aussi enthousiaste que lui à l'idée d'apprendre et de faire apprendre une langue. Certes, elle perdait un peu au change: le polonais, en plus d'être un calvaire à écrire, ça sonnait moins bien à l'oreille que le français. 

Désireux de commencer tout de suite, il se tourna complètement vers sa camarade, repliant ses genoux contre son torse, comme un gosse qui attendrait impatiemment qu'on lui conte une histoire. Le prof qui déballait son cours en contre-bas était bien le cadet de ses soucis, Thérèse et le français étaient bien plus interessants.

Comment on dit "bonjour, je m'appelle Ray" ?

Thérèse Sherman:

Le cours en contre-bas était désormais totalement abandonné, au plus grand désarroi de la petite partie encore studieuse qui résidait dans le corps de Thérèse. Mais comment résister à cette bouille presque enfantine qu'on pouvait lui servir. La prise de note pouvait bien attendre. Non? Tant pis alors. C'était pas la première fois et ça serait sans doute pas la dernière. Puis, elle arriverait bien a récupérer celle d'un camarade. Parce que même quand elle foutait rien; la Thérèse rationnelle fermait jamais vraiment sa gueule et rappelait à la Thérèse je m'en-foutiste que s'assurer un avenir si elle voulait pas finir en diseuse de bonne aventure dans le marais, ça passait aussi par ces cours d'amphi chiant à faire bailler un mort.

A la réflexion de Ray, Thérèse ne répondit qu'un soupire aussi abattu qu'amusé. Peut être qu'un dans tes rêves avait passé le pas de ses lèvres noires, mais ça, c'était moins sur. Ou alors, elle ne s'en était pas rendu compte.

— je vois qu'on perds pas de temps.

Aussi bonne professeur qu'elle pouvait être, Thérèse s'appliquerait à apprendre de son mieux les bases du français. C'était beau le français, mais c'était chiant, alors donner deux trois phrases basiques à Ray, c'était tout ce qu'elle réussirait à faire.

— bon-jour. je m'appelle. Ray.

Thérèse prit le temps de décomposer les syllabes avant de répéter la phrase d'une traite. Son accent était approximatif, alors nul doute que celui de Ray serait encore plus terrible, mais il ne s'en formaliserait pas. Après tout, il n'allait pas apprendre par envie de voyager, mais plutôt poussé par une motif que Thérèse pouvait tout à fait comprendre - mais qu'elle trouvait aussi tout à fait futile. Il devait avoir une sacré volonté pour apprendre une nouvelle langue pour draguer. Elle se découvrait admiratif de la ferveur stupide qui semblait résider chez Ray.

— Essaye de répéter, finit-elle par lui demander tout sourire, curieuse de voir si Ray était bon élève ou horripilant baragouineur.

Ray Edwards;

Il l'écouta comme si elle possédait tout le savoir du monde, suspendu à ses lèvres sombres alors qu'elle décomposait les syllabes. "Bonjour", ça, il savait, c'était le "je m'appelle" qui coinçait un peu. Ça semblait simple et naturel chez Thérèse et ça avait le don d'ébahir le jeune homme ailé. Elle avait l'air de l'encourager alors l'étudiant se lança, mobilisant toute sa concentration:

— Bonjour, commença avec un petit sourire en coin, jeuh... m'appele Ray.

Ça sonnait 100 fois moins bien dans sa bouche que dans celle de Thérèse, c'était un peu effrayant. Pourtant il avait eut la sensation de répéter exactement ce qu'elle avait prononcé. Il eut un petit rire, plus un soufflement du nez, et s'avachit dans son siège, toujours les yeux rivés vers Thérèse.

— C'est bien plus joli quand c'est toi qui le dit. J'ai l'impression d'avaler ma langue.

Il réessaya une deuxième fois avec un peu plus de succès ce qui le fit sourire.

— Alors, t'es charmée ?

Thérèse Sherman;

Si les politesses requises pour toute bonne première impression dans un pays étranger semblaient être acquises, les présentations les plus basiques semblaient, elle, beaucoup plus approximative. Rien de bien étonnant pourtant. Thérèse se doutait bien que d'un coup d'un seul, Ray ne parlerait pas français comme un natif. Et ce n'était décidément pas non plus le but de la manœuvre. Mais de là à ce que le massacre soit si sanglant, non, Thérèse n'aurait pu se l'imaginer. Elle rigola, d'un rire léger qui s'échappa malgré elle - sans pour autant trop s'y opposer.

— mon dieu.

Il avait pourtant l'air d'y avoir mis tout son cœur, Ray, dans ces misérables quatre petits mots. Au moins, il ne se faisait pas de fausse joie, capable de remarquer sa propre défaite.

— avaler ta langue ?! Rien que ça ?!

Décidément, il en faisait un peu trop, le drôle oiseau. Mais pas assez pour la faire fuir. C'était mal la connaitre. Mais il était persévérant, Ray, ou du moins juste assez pour se prendre par la main et recommencer, avec plus ou moins de succès. C'était, de toute façon, bien mieux que la première. Mais comment faire pire?

— un peu plus et c'était un oui si tu me demandais en mariage.

Avec un peu de chance, au détour d'une conversation, il arriverait bien a emballer une américaine en mal d'exotisme. Du moins, ce n'était pas avec cette tentative approximative de parler la langue de Molière qu'il allait en faire quelque chose. En attendant, Thérèse rigolait bien. Peut être un peu trop fort.