le calme avant la tempête [privé]

Nolan:

Il était confortablement installé, l'esprit plus tranquille qu'il ne devrait l'avoir, sur un banc un peu à l'écart dans la cour. Un peu affalé, les jambes écartées, son sac entre les pieds et son téléphone entre les mains. Il scrollait sur twitter entre des memes et des réactions chaotique à quoi que ce soit qu'il puisse se passer sur internet actuellement. Quelques uns lui arrachèrent même quelques sourires en coin.

Nolan ne retenait jamais les conneries qu'il disait, encore moins celles qu'il disait pour les autres. Il obtenait rarement assez de crédit pour toutes les frasques dans lesquelles il avait un jour été fourré et peu de gens se donnaient la peine de venir s'expliquer avec lui. Surtout qu'en général, ils préféraient éviter d'avoir à aller le voir. On le laissait même carrément tranquille quand il était avec Isa. Fallait dire qu'ils formaient un sacré duo tous les deux, nombreux sont les gens qui tremblaient en les voyant. Et ceux qui ne tremblaient, c'était tout dans leur intérêt de le faire très bientôt. Surtout quand ils étaient dans les parages.

Mais pourquoi est-ce que le grand brun aurait à s'inquiéter de quoi que ce soit en ce moment? (Parce qu'entre nous, il devrait.) Il y a quelques temps de ça, un pote à lui avait cru bon de lui confier la dure tâche de se glisser dans les messages d'une fille qui lui plaisait bien. Une idée malheureuse. Déjà, qui faisait confiance à Nolan? Ensuite, on va pas se mentir, c'était sûrement lui le plus incompétent dans la science obscure qu'était d'approcher les filles correctement. (Ce fameux pote s'en était d'ailleurs mordu les doigts ce soir-là.) Affaire à priori classée, le pote n'ayant jamais exigé compensation, ce n'était plus une inquiétude.

- Nolan!

Et c'était à cause de cet esprit beaucoup trop tranquille qu'il avait insouciamment levé la tête à l'entente de son nom, sans même savoir qui avait ainsi chercher à attirer son attention.

Thérèse Sherman;

Ça lui avait prit un bon paquet de temps, pour retrouver qui avait été assez stupide pour oser se moquer d'elle, il y avait de cela quelques semaines. On reprochait souvent à Thérèse sa colère un peu trop facile, mais rare était ceux qui lui reprochait sa rancune tenace. Peut-être parce que personne n'avait, jusque là, était assez stupide pour s'attirer les foudres de la jeune femme qui en imposait déjà bien assez par sa seule présence, malgré sa taille plutôt petite. Fallait dire qu'elle avait un don pour les regards sévères et assassins, la fille Sherman.

Et parce que l'affront qu'elle avait dû essuyer était impardonnable, et qu'elle n'avait eu d'autre choix que de rechercher sans relâche le petit plaisantin qui s'était joué d'elle, et surtout de son prénom qu'elle arborait désormais fièrement, elle avait passé un temps fou à tenter de remonter jusqu'au numéro qui était resté au chaud dans son téléphone. Thérèse n'était pas discrète, si bien que tous les pensionnaires la connaissaient plus ou moins de vue, et elle n'était pas du genre à jouer les timides, alors ça n'avait pas été bien compliqué de remonter la piste.

Ce Nolan, n'avait pas de très bons amis. Quelques coups d’œil froids, un pied tapant frénétiquement le sol et deux trois mots plus haut que les autres avaient fallut à un type pour lui révéler l'identité de ce petit con. Puis, Nolan, ça lui parlait. Lui aussi, il était pas mal connu. Et pas en bien, si il voulait l'avis de la jeune femme. Et même s'il ne le voulait pas, elle était sur le point de le lui expliquer.

— Nolan!

Un peu maladroitement, et surtout pleine de rage, elle avait hurlé ce prénom qui ne lui inspirait pas la moindre sympathie, à la recherche d'un type assez con pour se retourner en entendant qu'on l'appelait. Et elle l'avait vu. Là. Elle le tenait. Il allait voir ce qu'il allait voir.

Se plantant devant lui, de toute sa médiocre hauteur, elle avait croisé les bras sur sa poitrine avant de se racler la gorge.

— C'est toi, Nolan ?

Nolan:

Il lui avait presque semblé reconnaître une once de passion - destructrice ou affectueuse, ça restait de la passion! - à l'entente de son nom pour lequel il s'était si innocemment retourné. Il aperçut une petite demoiselle aux cheveux noirs au loin. Elle s'approcha assez rapidement, peut-être trop rapidement pour que ça ne soit pas suspect. Il arqua un sourcils et rangea son téléphone dans la poche de sa veste tandis qu'elle se plantait devant lui.

Nolan avait une mémoire dans la moyenne lorsqu'il s'agissait des gens. Outre les gens de sa promo et ses amis, il n'associait pas spécialement prénom et tête correctement. Il était sûr d'avoir déjà rencontré, du moins de vue, la jeune femme qui se tenait devant lui, mais pas assez pour qu'il sache vraiment qui elle était.

Il leva un coude pour s'accouder au dossier du banc où il était calmement installé, lui offrant son plus beau sourire. Enfin, il essaya, pas sûr qu'il réussisse réellement à quitter son expression agaçante.

- Oui c'est moi!

Il avait dit ça sur un ton presque mielleux. Elle avait les bras croisés, elle se racla la gorge. Une petite voix dans le fond de sa tête lui souffla qu'elle était pas là pour faire ami-ami et ça lui rappela étrangement la façon dont son institutrice d'école élémentaire se dressait devant lui après qu'il ait une bêtise.

Nolan se mit alors à réfléchir. Quelle bêtise?

- Pourquoi?

Il se pencha un peu en arrière, passant la main de son bras accoudé dans sa nuque, appréhendant de plus en plus les mots de la demoiselle.

( Nolan me rends le sourire autant que j'ai envie de le frapper, c'est beau cette relation qu'on a lui et moi )

Thérèse Sherman;

Il devait être encore plus stupide qu'elle n'avait pu l'imaginer. Mais qu'attendre d'un homme, de toute façon, si ce n'était son idiote sans borne, en plus de son manque de jugement flagrant. Non parce qu'il ne fallait pas être bien fin, ou complètement fini pour oser lui sortir les inepties qu'il avait jugé bon de pianoter sur son téléphone. Pour faire quoi d'ailleurs ? La mettre dans son lit ? Un truc du genre ? Thérèse n'en savait rien et n'était pas très encline à le savoir. Tout ce qu'elle voulait était encore passer ses nerfs sur l'abruti devant elle, qui lui servait un sourire encore plus agaçant que l'air qu'il avait d'habitude.

— J'pensais pas que la planète pouvait porter un abruti aussi con que mon ex mais apparemment ça existe.

C'était plus pour elle, qu'elle venait de déclarer ça, histoire de bien se rappeler pourquoi elle était énervée et d'entretenir sa colère latente. En plus de cela, Nolan n'y était pour rien mais le comportement de son ami ailé qui n'avait toujours pas jugé bon de s'excuser pour son comportement lamentable n'aidait en rien pour apaiser les emportement de Thérèse face à la gente masculine. Pas sa faute, s'ils étaient tous aussi stupides les uns que les autres. Enfin, ça, elle avait déjà du le dire un bon paquet de fois.

— Ca t'amuses d'envoyer des messages à des personnes qu'on rien demandé ?

Dit comme ça, ça n'avait pas l'air si terrible que ça, alors elle avait pris son air le plus sombre, avant de recommencer.

— Parce que si tu crois que t'es le premier abruti à me sortir des trucs du genre, tu t'mets le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Et si c'est pas l'cas, j'vais m'en charger sur le champ.

C'était, bien entendu, des menaces en l'air, mais là, tout de suite, Thérèse aurait pu se jeter sur lui pour l'assassiner. Peu désireuse d'être renvoyée, elle s'était contentée de lui lancer des regards meurtrier en attendant. Mais il était peut-être trop con, pour comprendre ce qu'elle attendait, alors elle avait réitéré.

— Quelque chose à dire pour ta défense ? A me dire ?

Nolan:

Le grand brun ressassait toutes les conneries qu'il avait pu dire ou faire ces dernières semaine mais il ne trouvait pas. Soit la potentielle connerie dont la jeune femme était la victime remontait à trop loin et n'était plus stockée dans sa mémoire, soit il n'avait pas fait le lien entre elle et la connerie. Les deux possibilités était plausibles ce qui ne lui facilitait pas la tâche.

Les coins de ses lèvres, étirés dans un sourire narguant, tombèrent aussitôt qu'elle eut terminé sa première phrase. Il arqua un sourcil. Qu'est-ce qu'elle racontait? En quel honneur? Il avait vraiment fait une si grosse bêtise? L'incompréhension pouvait se lire sur son visage, il était bien trop perdu par les dires de la petite demoiselle pour s'énerver en retour. De quels messages parlait-elle, qu'est-ce qu'il avait bien pu lui envoyer pour avoir le droit d'être aussi con que son ex? Nolan était pas trop du genre à envoyer des messages aux filles de manière générale. À moins qu'elle ne soit la victime malheureuse d'un prank dont il ne connaissait pas le receveur?

Le regard sombre avec lequel elle termina ses remontrances lui firent froid dans le dos. Il se tenait bien moins droit qu'avant, le dos un peu courbé. Il avait tout de suite l'air moins fier. Quelque chose à dire pour sa défense, pas sûr que l'étudiant ait quelques mots intelligents à son intention, mais il avait bien une petite question. Quitte à se faire engueuler dans la cour comme ça, il préférait quand même savoir pourquoi.

- Euh non pas vraiment.. Mais je peux avoir à qui j'ai l'honneur?

Si sa tête ne lui revenait pas, son prénom peut-être, on savait jamais. Il n'avait pas forcément associé toute ses conneries aux visages des gens qui avaient eu le malheur de les subir par hasard. Surtout si c'était par message, il avait plus de chance d'en connaître la raison avec son prénom.

Thérèse Sherman;

Narquois, l'homme en face d'elle ne payait rien pour attendre. Sa petite mine railleuse qu'elle ferait bien taire incapable de comprendre des menaces en vain, elle l'avait vu se glisser au fond de son banc, bien moins droit, bien moins fier qu'avant. Arrogante, forte de sa victoire toute relative, elle avait ancré ses mains dans le creux de ses hanches, menues, le menton haut et la tête droite. Ça faisait son petit effet, une terreur pas plus haute que trois pommes qui tenait tête et faisait plier ce grand gaillard caustique qui semblait ne pas chercher à en démordre.

Euh non pas vraiment..

Balbutiant, la Sherman se disait que c'était le bon moment pour lui asséner le coup fatal, le mettre à terre et le maitriser. Pas qu'elle ferait le poids, musculature absente de ses bras porcelaines, mais que sa langue était plus affutée que quelques moqueries d'un autre temps qui ne faisait plus rire qui que ce soit, si ce n'était les abrutis dans son genre, un peu trop éméchés ou amochés pour réfléchir correctement.

Mais je peux avoir à qui j'ai l'honneur?

Si sa réputation ne la précédait pas, Thérèse savait se faire entendre, quand le respect, lui, semblait se faire désirer, elle avait eu l'envie subite de gueuler plus fort et de décliner, théâtralement, son identité. Peut-être que ça finirait par lui rafraichir la mémoire, à ce petit con sur son banc.

— Thérèse Adrienne Rose Shermann !

Et avec le ton, s'il vous plait. Inquisiteur. Moralisateur.

— La prochaine fois qu'une idée débile vienne frapper ta petite tête de con-

Elle frappait de son index vernis le front qui se présentait devant elle, sur lequel tombait quelques mèches rebelles.

— Fais fonctionner les neurones avec lesquels on t'as livré sur cette planète de malheur.

Se redressant, les bras sur sa poitrine, les yeux plissés et les lèvres aussi, s'était à son tour d'utiliser ce petit air malicieux et perfide.

— Et t'avise plus jamais d'm'envoyer le genre de texto dégueulasse que tu m'as envoyé.

De toute façon, elle avait pris le soin précautionneux de bloquer le numéro de la bête avant d'envoyer valser son téléphone sur son lit, cette nuit fatidique.

Nolan:

Elle était pas très grande la demoiselle, c'était à peine si elle le dépassait, lui et sa posture pourtant cambrée dans son banc. Mais elle avait de la voix, elle portait fort et dégageait une sorte d'autorité naturelle qui rendait compliqué de vouloir rétorquer. L'insolence lui pendait néanmoins au nez et si son air effronté s'était ratatiné, son rictus insupportable ne s'était pas totalement effacé. Il manqua de sourire lorsqu'elle lui répondit avec toute sa ribambelle de prénoms, sur le ton du reproche.

Thérèse. Thérèse... Thérèse? Il se répétait le prénom en pensée lorsqu'il comprit subitement. Mais oui! Thérèse! Les relents peu reluisant de son méfait lui revinrent. Il pouvait comprendre pourquoi elle semblait si énervée.

Il fronça les sourcils, le front plissé lorsqu'elle crut bon de lui tapoter entre les yeux du doigt. Ca ne lui fit pas spécialement mal mais l'audace avec laquelle elle l'avait fait le surprit. Son doigt s'était approché trop dangereusement de son visage, ça ne l'aurait même pas étonné qu'elle tente de lui crever les yeux, appréhension tacite d'un esprit peut-être bien conscient que certaines personnes voulait sa mort. Ou du moins du mal.

La dénommée Thérèse lui somma d'utiliser ses neurones, la moue froncée, Nolan crut bon de lui répondre à voix basse. Toujours le meilleur timing pour ouvrir sa bouche. Il vivait dangereusement, son instinct le poussant instinctivement tête baissée dans tout ce qui semblait pouvoir lui attirer des ennuies.

— Tape pas trop fort si tu veux qu'il m'en reste..!

Elle s'arrêta finalement pour reprendre la posture avec lequel elle le toisait quelques instants plus tôt, les bras croisés. La petite dame lui rappelait étrangement ses professeure de la petite école, après qu'il ait fait une bêtise qui n'avait fait rire que lui. Peut-être parce qu'elle mentionnait une bêtise qui n'avait fait rire que lui.

— Oui.

Nolan ne revenait jamais sur le lieu de ses crimes. En général. Et puis, en toute honnêteté, le sermon de la jeune femme l'avait dissuadé de toute récidive.

Thérèse Sherman:

L'air renfrogné qui risquait de lui causer des rides bien plus tôt que l'heure donnée, la demoiselle gardait les bras contre sa poitrine, geste ultime protecteur si la terrible créature noiraude en face d'elle se risquait à l'attaquer. Une impunité qui lui causait bien du tord, Nolan n'en manquait pas une. Et Thérèse n'en perdait pas une miette. Une putain de miette qu'elle dégustait à la volée, prête à fondre sur une proie qui n'avait pas l'air si effrayée que ça. Juste ce qu'il fallait pour ne pas l'agacer un peu plus. Juste ce qu'il fallait pour qu'il juge nécessaire, entre deux reproches, d'ouvrir cette grande gueule qui ne servait qu'une montagne d'imbécilité. Il n'avait pas l'air bien fin, le blagueur. Il n'avait pas l'air d'avoir assez d'argent pour payer l'électricité, la lumière manquant à la plupart des étages. Peut-être que c'était pour ça qu'elle n'avait pas, encore, assassiné de ses propres mains malingres le type qui se tenait sur ce banc, nonchalant.

— Mais c'est que tu m'ôtes les mots de la bouche, p'tit malin.

Un sacré petit malin qui se croyait drôle, en plus de ça. Comme quoi, il y avait eu un prix de gros, quand on avait décidé de l'acheter à la casse d'à côté, Nolan.

— Si j'ai le malheur de te recroiser-

Chose qui risquait d'arriver plus souvent qu'elle ne le voudrait. C'était pas comme s'ils étudiaient dans le même pensionnat. C'était pas comme si on entendait parler de Nolan aux quatre coins du pensionnat. C'était pas comme s'il pouvait se terrer dans sa chambre sans jamais en sortir pour éviter de croiser la tempête Sherman. Elle aurait pu en rêver, elle en avait rêvé, Thérèse, mais fallait croire qu'on ne faisait pas encore de miracle, dans le coin.

Intimidante, à moins que ce ne soit l'air qu'elle tendait à s'accorder, la jeune femme se penchait vers sa victime. Les cheveux sombres, comme la mine, contraste à une peau de poupée, elle avait plongé un regard plein de menaces dans ces pupilles vides de tout sens qu'on lui offrait. C'était bien de l'appréhension, qu'elle y lisait, au fond, non ?

— Vaut mieux pas que je te recroise.

Elle ne ferait rien, la mafieuse de pacotilles, mais mieux valait assurer ses arrières en menaces en l'air que risquer quelques nouveaux messages insultants qui commençaient sincèrement à l'emmerder. C'était pas le premier, ce serait pas le dernier. A croire qu'il n'y avait que ça, autour d'elle. De parfaits abrutis. Certains savaient s'attirer ses faveurs, certes, quand Nolan, lui, ne connaissait à l'instant que toute cette rancœur tenace qui lui pourrissait savamment la vie. Et c'était rien de le dire.

— A bon entendeur.

Un dernier regard lancé, soutenu, histoire de bien ancré ce air effrayant au fin fond de neurones qui ne fonctionnaient plus vraiment, Thérèse s'était redressée, fière, droite, la tête haute (au moins autant qu'elle le pouvait) avant de se tourner pour prendre le chemin de son dortoir. C'était pas tout, mais s'énerver, c'était fatiguant. Puis ses cours l'attendaient, aussi.

— Passe une bonne journée. Nolan.

Appuie marqué sur les deux syllabes de son prénom, elle s'en était allée, plus légère, quand sa silhouette disparaissait dans l'entrée. Qu'il ne recommence plus, autrement, la jeune femme se montrerait bien moins clémente.