je préfère m'allonger dans l'herbe plutôt que la fumer [TW: substances illicites; privé]

asher hawkins;

Asher n'avait jamais été le genre de gars à voir le verre à moitié plein. Il suffisait généralement qu'une toute petite chose le contrarie pour que sa journée soit pourrie. C'était comme ça, le texan n'avait jamais vraiment appris à penser autrement. 

Cette tendance pessimiste était déjà compliquée à vivre en temps normal, mais ces derniers temps, c'était pire. En effet, la petite chose qui le contrariait chaque jour n'était pas si petite que ça, avait des cheveux bruns en bataille, un sourire insolent et son lit juste en face du sien. La petite chose qui le contrariait s'appelait Nolan, et cette petite chose pas si petite, il ne pouvait pas l'éviter. Son ancien meilleur ami était la première personne qu'il voyait en ouvrant les yeux le matin, il vivait dans sa tête, dans ses rêves et dans sa chambre.

Bordel de merde.

Asher évitait donc soigneusement son dortoir, passant ses journées à maudire tout ce qui était maudissable, persuadé que l'univers était contre lui. C'était pas possible autrement, la situation était bien trop ridicule pour ça.

Désormais allongé dans l'herbe derrière le stade, le fils Hawkins sentait ses nerfs se détendre enfin. Maintenant qu'il était tout seul, il n'avait pas besoin d'être autant en alerte. Si il n'avait pas été autant de mauvaise foi, il aurait surement avoué que l'instant était agréable, le soleil chauffant doucement sa peau. Il aurait presque pu s'endormir là, son sac de cours sous son crâne, lui servant d'oreiller.

Mais voilà, c'était sans compter sur la personne qui prononça son nom, trop fort pour être ignoré. Au départ il essaye de faire comme si il n'avait rien entendu, gardant les yeux soigneusement fermés. Puis des pas virent résonner dans ses oreilles et il sentit du mouvement à côté de lui. 

Il ouvrit une paupière, qui était l'enfoiré qui le dérangeait pendant sa sieste ? Le pensionnat était grand, alors pourquoi c'était pas possible d'être seul pendant plus de 10 minutes ?

Des cheveux vibrants, une peau constellée de tâches de rousseurs et un air espiègle. Oh non.

isabella horne;

Toujours mettre les pieds dans le plat, c'était là un des précieux commandements de Bella. Entre faire chier ses camarades, rire quand il ne fallait pas, ou faire chier en riant. Elle était pas bien compliquée, quand il s'agissait de s'occuper. Et pour couronner le tout, elle était particulièrement inventif quand il fallait s'insinuer outrageusement dans la vie des pensionnaires. S'insinuer, ceci dit, c'était un euphémisme. Isabella enfonçait des portes ouverts; à coup de pieds, à coup d'épaules. Peut être même a coup de boule - à vous de savoir lequel était impliqué dans la manœuvre.

Et si aujourd'hui était un nouveau jour, Isabella n'était pas une nouvelle Isa. Loin de là. Bien loin de là même. Au plus grand désarroi d'au moins les trois quarts d'Headwinds. Elle s'était faites une petite réputation, dont elle était pas peu fière. Parfois on la voyait, avec un grand sourire plaqué sur la gueule, accompagné de ce petit regard de fouine, en quête d'une idée génialissime qui ne serait sans doute appréciée à sa juste valeur que par son meilleur ami et acolyte de toujours; Nolan. Lui aussi, d'ailleurs, semblait se trainer une magnifique réputation. Au moins à la hauteur de celle de Isa, même si elle n'aimait pas trop la comparaison.

Errant sans but particulier si ce n'était d'apporter chaos et misère sur la planète, son regard éclairé se déposa très rapidement sur une silhouette qui se détachait de l'herbe verte. Mais si c'était pas Asher ? Pour une bonne surprise, s'en était une ça.

Sans vraiment se demander si elle serait accueillie avec tous les louanges que sa présence requérait, Bella s'approchait dangereusement du jeune homme, avec toujours sur son visage cet air innocemment espiègle, de ce qu'avait les enfants qui s'apprêtait à voler des bonbons.

— bah dis donc Asher ! J'pensais pas trouver ton petit cul de texan dans l'coin !

C'était alors sur ces belles paroles digne de la délicate princesse qu'elle était que l'étudiante se laissait tomber aux côtés d'Asher. Parce que bien entendu, on ne refusait jamais sa douce compagnie. Puis le texan n'aurait jamais osé, voyons. Si ? Vous pensez ?

(oh bon dieu, je l'aime)

Asher Hawkins;

Il n'avait rien contre Isabella personnellement, elle était chiante mais pas méchante, avec un talent assez incroyable pour foutre la merde partout où elle passait. C'était assez paradoxal qu'un si petit être soit autant chaotique. Tout ce qui est petit est mignon hein ? Ça ne s'appliquait pas pour la rousse. Tout ce qui est petit est terrible, ça allait déjà mieux.

C'était pour cette raison qu'elle évitait soigneusement la demoiselle. Et puis accessoirement parce qu'elle était l'acolyte de Nolan et qu'il préférait se tenir loin de tout ce qui avait un rapport de près ou de loin avec lui. 

Elle ne s'était absolument pas posé la question de si son petit cul de texan souhaitait sa compagnie, non, c'était pas vraiment le genre. Enfin, est-ce que ça l'aurait arrêtée ? Asher n'en était pas si sûr.

— Isabella. Quel plaisir.

On pouvait pas faire plus dégoulinant de sarcasme. Il accompagna ses propos d'un sourire forcé, qui ne montait pas jusqu'à ses yeux. Yeux qui hurlaient : "va voir là bas si j'y suis."

Il se redressa rapidement, histoire de vérifier qu'elle était venue seule avant de s'écraser de nouveau dans l'herbe en ne voyant personne.

— Tu veux quelque chose ?

Pas qu'il soit particulièrement enclin à lui rendre des services. Il n'était pas Mère Thérèsa, oh ça non. Mais ça pouvait la contenter et la faire repartir, pourquoi pas. 

Quoiqu'il était fortement possible que la rousse soit là dans le simple objectif de l'emmerder. 

( le carnage, volume 2 )

Isabella Horne;

Tel un magnifique papillon qui sortait de sa chrysalide, Isabella papillonnait ça et là, en quête d'une pauvre âme perdue, en berne, qu'elle pourrait raviver de ses sourires beaucoup trop mielleux pour être honnête et de son petit air de fouine. Quoiqu'un renard fut plus approprié. Un papillon, donc, mais qui, au plus grand damne de Asher, ne voyait pas sa vie limité à un seul et unique triste jour. Non. Bella avait encore tellement d'années devant elle qui se déroulaient comme le tapis rouge, tellement d'années qu'elle emploierait du mieux qu'elle le pouvait pour rendre la vie de ses petits camarades insupportables.

On avait pas eu idée, de placer autant de mauvaises ondes dans un si petit être. Peut être qu'à force, il n'y avait plus de place, et que ça avait besoin de sortir. Aujourd'hui, c'était tombé sur Asher. Demain ça tomberait sans doute sur une de ses malheureuses camarades de dortoirs, ou de classe. Allez savoir. Isabella était aussi imprévisible qu'une catastrophe naturelle.

— Pas besoin d'être aussi emballé, je sais que tu adores ma présence. J'vais finir par prendre la grosse tête.

Et pour couronner le tout, elle avait arboré un magnifique sourire, bien plus grand que celui du texan, en guise d'avertissement: elle n'allait pas voir ailleurs, car l'herbe du pré d'à côté n'était pas plus verte. Ou du moins plus intéressante que celle qui se trouvait dans ses poches.

— Maintenant on peut même plus venir voir un pote sans avoir une bonne raison ? Je te pensais plus amical que ça mon p'tit canard.

Parce que qui n'était pas ami avec Isabella ? Si elle n'avait pas tout le pensionnat tourné contre elle et Nolan, ça aurait été un véritable miracle. A croire que sa vie n'était faites que de mauvaises blagues et de mauvais coups. D'ailleurs, faudrait qu'elle se renseigne sur le dénouement de son affaire, à Nolan, avec elle ne savait plus trop qui. Ce qui était sur, c'était qu'il allait se faire démonter. Le pauvre.

Sans plus attendre, et parce qu'il y avait bien une raison pour laquelle elle s'était tenue à l'écart des autres élèves, Isabella sortit une cigarette de son sac. Qui, bien entendu, n'était pas tout à fait comme les autres.

— T'as du feu ?

(l'enfant terrible)

Asher Hawkins;

Asher n'aimait pas l'été. Asher n'aimait pas grand chose en réalité mais l'été faisait partie du top cinq des choses qu'il n'aimait vraiment pas. Déjà parce qu'en été, il rentrait au Texas et que le Texas était également dans ce fameux top. Parce qu'il crevait de chaud et qu'il y avait des moustiques. Et Asher avait horreur des moustiques. Dès qu'il en entendait un bourdonner vers ses oreilles, il se mettait à mouliner agressivement des bras pour le tuer. Il n'était pas bien doué et finissait souvent par se laisser piquer, jurant qu'on ne l'y prendrait plus.

On était actuellement plus en été, depuis maintenant quelques semaines. Pourtant, Asher avait l'impression d'être allongé à côté du pire moustique qui soit. Un moustique roux qui bourdonnait des absurdités plus vite que son ombre. Heureusement pour elle, Asher avait trop la flemme de mouliner des bras pour tenter de la chasser.

Les yeux clos, il acquiesça mollement alors qu'elle affirmait avec vigueur qu'il adorait sa présence.

— T'as pas peur des mots toi.

Adorer, bah voyons.

La grosse tête, il n'était pas impossible qu'elle l'aie déjà, Isabella était une jeune fille indépendante, elle n'avait pas besoin des autres pour avoir le melon.

Il grinça des dents, "mon p'tit canard", immonde. Il préférait encore quand elle parlait de son cul, il avait l'impression d'entendre ses tantes et leurs surnoms affreux. Ou sa copine et son ton mielleux. Et, entre nous, il ne savait pas laquelle était la pire. 

Isabella était bien trop amicale, Asher ne la considérait pas comme sa pote, comme une camarade, à la limite des limites, mais ils n'étaient pas amis. Oh ça non.

Peut-être que si il lui passait son briquet, elle allait fumer sa clope et le laisser tranquille ? Même si, apparemment, les femmes étaient capables de faire deux choses en même temps, ça réduirait potentiellement son débit de parole.

Il fouilla dans la poche de son sweat-shirt et lui tendit le précieux sésame. Qu'elle se grille sa cigarette et qu'elle arrête de l'embêter.

C'est lorsqu'il sentit les petits doigts de la rousse s'emparer du briquet qu'une information lui revint à l'esprit: Isabella Horne ne fumait pas vraiment des cigarettes.

Il ouvrit les yeux et se redressa, observant la jeune fille allumer son joint d'un geste expert.

Isabella Horne;

Pendant quelques secondes, ça n'avait même pas traversé l'esprit de la rousse, de proposer une cigarette à Asher. Déjà, parce qu'elles lui étaient bien trop précieuses, et qu'il ne méritait probablement pas cet honneur. Elle était pas non plus folle, la guêpe, c'était pas parce qu'elle se la jouait ami-ami avec le texan qu'ils étaient vraiment amis. Ah ça non ! Il était fade, Asher. Après, c'était probablement pas sa faute, mais celle de ses gênes pas tous très enviables. Et peut-être aussi que la jeune femme passait au côté de toute l'essence même de son charme. Les mecs, c'était pas vraiment son truc. Enfin, c'était même carrément pas sa tasse de thé. Alors qu'il ne s'inquiète pas trop longtemps pour son cul de texan, parce que ce serait sans doute la dernière chose qu'elle voudrait bien de lui.

— C'est des mots, quoi. T'as peur des mots toi ?

Non parce que ça voulait probablement dire que la théorie de Bella se confirmait: à savoir que tout les hommes étaient cons. Et de ce fait, ne valait même pas qu'elle s'attarde sur eux. Pourtant la tentation était bien trop forte: il fallait qu'elle le fasse chier. C'était plus fort qu'elle. Si les toxicomanes avaient besoin de leur dose de drogue, Isabella avait besoin de voir le visage de ses camarades se déformer sous le coup de l'agacement. Ou du dépit. L'un lui allait tout aussi bien que l'autre. Même si les rires c'était quand même ce qu'elle préférait. Force était de constater, cependant, qu'il n'y avait que son acolyte de toujours, Nolan, qui était capable de comprendre son si précieux sens de l'humour. Ils s'étaient bien trouvés, ces deux là.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu tombes amoureux de moi ? J'suis désolée de te briser le coeur, mais t'es pas vraiment mon genre. T'es trop- T'es pas assez. T'es un mec quoi.

Avec une habilité sans nom, elle avait allumé sa cigarette qu'elle avait porté à ses lèvres. De sa main libre, elle avait simplement rendu le briquet à son propriétaire, non sans se garder d'un clin d'oeil exagéré à l'intention de son ami. Quand soudain, une vague de générosité montait. Et elle avait tourné une nouvelle fois sa petite tête enjouée vers lui.

— Mais où sont mes manières ? T'en veux ?

Son petit visage de fouine venait de se transformer, adoptant un air bien plus secret et confidentiel. Enfin, c'était pas comme si la totalité des pensionnaires connaissaient les penchants pas toujours très légaux de la jeune femme. Mais c'était pour le spectacle. Parce que Bella se donnait toujours en spectacle, du moment qu'il y avait un public.

Et aujourd'hui, le public, c'était Asher. On avait fait mieux, fallait pas se mentir, mais elle savait se contenter de ce qu'elle avait sous la main. Elle avait de la ressource, la petite.

(la petite notif m'a grave donné le sourire ;-;)

Asher Hawkins;

Le fils Hawkins n'avait jamais été vraiment idiot, parfois un peu naïf, mais pas bête. Plus jeune, il répondait avec toute l'honnêteté de monde aux questions qu'on lui posait, la vérité sort de la bouche des enfants comme on dit. En grandissant, il avait compris, tout seul, que parfois, il valait mieux paraître un peu con que de dire tout ce qu'on pense. En tout cas cette stratégie, un peu frustrante par moments, lui avait plutôt bien réussi. Ça lui avait valu des excès de colère mémorables mais ça lui avait évité un tas d'autres trucs pas beaux.

Si Asher avait été vraiment honnête, il aurait répondu à la terreur rousse que oui, au fond, il avait un peu peur des mots. En vrai, le grand gaillard de 18 ans avait peur de tout un tas de trucs, mais encore une fois, il avait appris bien tôt et bien à ses dépends que c'était pas terrible de crier ses angoisses sur les toits.

Il haussa les épaules et leva les yeux au ciel, ravalant son soupir agacé. Bon sang qu'elle était chiante.

Son visage se tordit en une sorte de grimace, la même qu'il fait lorsqu'il est devant un plat de courgettes (parce qu'Asher DÉTESTE les courgettes), à l'entente de la remarque de Bella. Il était des années lumières de tomber amoureux d'elle. Il savait qu'elle plaisantait, qu'elle faisait juste ça par plaisir de courir, de galoper sur ses nerfs, mais l'idée ne lui plaisait pas du tout.

Il aurait pu être honnête, encore une fois, écouter la petite voix au fond de sa tête qui lui disait que Bella était également "trop" et "pas assez" à son goût, que son type à lui était plus grand, avec moins de seins, brun et avec un sourire de connard de préférence. Mais la petite voix qui s'égosillait au fond de sa tête n'était apparemment pas encore assez forte, il l'entendait à peine et faisait tout pour la faire taire de toute manière. 

Asher ne répondait plus aux questions avec toutes l'honnêteté du monde.

— T'es pas mon genre non plus. 

Rangeant son briquet dans la poche, il se sentit obligé d'ajouter, comme si ça lui brulait la gorge:

— J'ai une meuf, en plus.

La mentionner n'apaisa pas la désagréable sensation, loin de là, c'était même presque pire. C'était toujours pire de toute manière, à force le texan n'était plus vraiment étonné et ne cherchait plus à comprendre.

Peut-être que la clope aussi douteuse que l'humour de sa propriétaire pouvait faire partir le goût amer qu'il avait dans la gorge et la petite voix qui s'arrachait les cordes vocales dans le fond de sa tête. Ou peut-être pas, mais Asher ne pouvait pas savoir avant d'avoir essayé.

— Ouais, j'veux bien.