[festival] stargazing [fermé]

Lancelot Louis Bastien de la Fromagère:

La tempête avait interrompu la tentative du professeur de s'instruire sur les étoiles. Mais une fois que toute la panique était retombée, il n'avait pas manqué à reprendre ce qu'il avait laissé. Il avait emprunté deux livres avidement conseillés par Sémélé. Pourquoi cet intérêt soudain pour ce sujet dont il en savait si peu? Peut-être cette envie maladroite de vouloir tenir une conversation de plus avec une certaine demoiselle.

Finalement, le festival était arrivé, prenant le professeur au dépourvu, ça lui était totalement sorti de la tête. Il s'était néanmoins malheureusement prêté au jeu. Il arborait une petite marinière, un adorable petit béret et un foulard rouge qu'il avait bien du mal à assumer.  Il ne lui manquait plus qu'une petite baguette française sous le bras, même si l'idée d'avoir de la farine sur lui l'en avait dissuadé. Pourquoi est-ce qu'il avait choisi de faire ça déjà? Peut-être pour ne pas faire tâche en étant le seul professeur à ne pas s'être habillé pour l'occasion. Alors il savourait silencieusement un petit gâteau trouvé sur une des tables du buffet, il aperçut une couronne de fleur non loin de lui.

Des jolis tournesols sur le haut de cette petite tête bien connue, de sinueuses fleurs dessinées sur le corps et une robe brodée d’œillets, ce bouquet de couleurs sied à la perfection à la ravissante fleur qui les portaient. Le coeur du professeur loupa un battement, emprunt d'une subite envie d'aller la saluer. Et puis cela aurait été malpolie de ne pas aller la voir après l'avoir très clairement distinguée parmi les autres. Lancelot se fraya donc un chemin jusqu'à la jeune femme qui avait capturé son regard.

Il se glissa près d'elle, avec son costume presque ridicule. Il respira avant de prendre la parole, la peur subite et inhabituelle de balbutier devant elle.

- Bonjour- Enfin, bonsoir!

Il avait un sourire sincèrement enchanté sur le visage, alors qu'il la saluait. À vrai dire, il avait très secrètement espérer pouvoir la croiser pendant la soirée, d'avoir simplement le temps d'échanger quelques mots avec elle. Voir qu'elle semblait aller mieux mit le baume au coeur de Lancelot, plutôt soulagé de ne plus affronter ce tourbillon d'émotions négatives sur le visage de Sémélé.

- Comment vas-tu?

Il s'embêta un peu avec les formalités, espérant ne pas l'ennuyer, même si la réponse à cette question intéressait réellement celui qui l'avait posée.

Sémélé Vasillis;

Fluette, elle s'était faufilée entre les conversations qui serpentaient d'élèves en élèves, à la recherche d'un coin tranquille dans ce flou de visages plus ou moins familiers. Elle avait salué, poliment, ou avec enthousiasme, quelques amis ou connaissances, avant d'échouer sa course de l'autre côté de la salle. La ferveur qui chauffé dans l'enceinte du pensionnat n'était pas d'un profond agacement, et laisser la permission à Sémélée de se détendre, encore fébrile, mais plus tout à fait désespérée. Le festival avait été une bouée jeter au large auquel elle s'était raccroché, bien trop heureuse de pouvoir noyer ces quelques pensées amères couleurs ébènes l'entrainer vers les abysses. Elle s'était appliqué a tracer ces quelques fleurs sur sa peau mousse, pas tout à fait satisfaite du résultat, incapable de rivaliser avec les talents naturels que semblait posséder sa mère. Mais pour Sémélée, c'était déjà bien assez, peut être un peu attristée à l'idée qu'on puisse ne pas capter l'essence de ces tatouages factices. Elle était fière, Sémélée, de ce qu'elle était, et porter cette robe qu'on avait confectionné tout expressément pour elle finissait de la ravir un peu plus.

Lorgnant sur le buffet à la recherche de met qui la contenterait, son regard fut attirer par un mouvement à contre courant qui semblait se rapprocher d'elle. De ce spectre mouvant, elle ne capta qu'une étoffe écarlate. Quand une voix se joignit à l'image. Surprise, Sémélé laissa son regard se perdre quelques instants sur le costume du professeur avant de répondre, ingénue.

— Bonsoir.

Elle ne l'avait pas recroisée, depuis la fameuse journée. Fallait dire qu'elle était simplement restée cloitrée dans son dortoir, pour ne s'échapper qu'à de très rares occasions dans les jardins publiques, cherchant désespérément la compagnie réconfortante de ses sœurs fleurissantes. Tiraillée entre cette petite gêne naissante et une gaieté presque retrouvée, Sémélée se contenterait de servir la réponse habituelle lorsqu'on demandait poliment si l'on allait bien. Elle tentait de s'en percevoir un peu plus tout les jours, et si la théorie de l'attraction n'était peut être qu'une vaste fumisterie, force était de constater qu'elle marchait sur l'esprit de Sémélée.

— Je vais bien, merci. Un petit temps de pause, incapable de choisir entre la proximité d'un tutoiement et le respect du vouvoiement. Et to-vous? balbutia-t-elle.

Cette idée de costume traditionnelle, elle aurait pu le trouver hilarant, si elle n'avait pas eu peur de froisser le professeur, pas tout à fait sur que même le plus délicat des rires soit bien acceptés. Parce que s'il était inscrit désormais sur le front de Lancelot qu'il était bel et bien français, Sémélée n'était pas tout à fait sure qu'il se soit habillé ainsi de sa pleine volonté.

Lancelot Louis Bastien de la Fromagère:

Entendre la douce voix de Sémélé dans ce contexte beaucoup plus gai élargit un sourire aux coins des lèvres du professeur. Elle lui répondit qu'elle allait bien et il espérait tendrement que ce soit la vérité, mais si au final, ils n'étaient peut-être pas assez proches pour qu'elle se confie sincèrement. La question presque maladroitement retournée, c'était un brin amusant. Il tutoyait la jeune femme sans vraiment se poser de question et elle lui répondait toujours à coup de vous. Ça semblait même un peu impersonnel, de rester M. de la Fromagère, professeur d'histoire, et de ne pas forcément être Lancelot.

Il était presque sûr que Sémélé aussi trouvait son costume un peu drôle, enfin, s'il avait été quelqu'un d'autre, il aurait clairement eu une pensée amusante envers cet accoutrement. Et il fallait quand même qu'il avoue l'avoir pensé lorsqu'il vit une jeune femme dans la même galère que lui.

- Je te tutoie depuis le début, peut-être à tord pensa-t-il, ça ne me dérange pas si tu me tutoies aussi.

Sans forcément être une demande, il en esquissa la possibilité, il savait que c'était parfois un peu inconfortable de tutoyer des gens qu'on avait l'habitude de vouvoyer.

- Et je vais bien. Ajouta-t-il.

Même très bien depuis qu'il avait rencontré cette charmante compagnie durant cette soirée.

- D'ailleurs, j'ai pensé à toi l'autre jour.

Présenté comme c'était peut-être un peu déplacé, il s'en voulut de ne pas avoir tourné sept fois sa langue dans sa bouche avant de l'ouvrir.

- Enfin, ... j'ai finalement emprunté quelques ouvrages d'astrologies que j'ai d'ores et déjà eu l'occasion de commencer.

Avançant un brin timidement le cheminement de sa pensée, il avait très envie de l'écouter lui parler des étoiles à nouveau, ou de n'importe quoi. Ils auraient pu s'asseoir sur un banc et il aurait pu l'écouter parler du cour du prix du maïs sur le marché européen entre les années 1875 et 1890 sans décrocher un seul instant. Et il n'aurait pas trop sur dire pourquoi.

- C'est vraiment très intéressant.. Puis je me disais, en arrivant, j'ai pu remarquer que les étoiles étaient vraiment belles ce soir.

Une éventuellement proposition bancale de proposer à la jeune femme d'aller les regarder avec lui.

Sémélé Vasillis;

Oublié le buffet qui tentait tant la solitude de Sémélé, s’infiltrait désormais sinueusement dans sa conscience l'image et les mots de Lancelot. Il avait toute son attention, caché derrière son costume de clown boulevardier. Pour toute réponse, il écoperait d'un hochement de la tête d'accord, sans trop s'avancer. Une voix presque imperceptible qui donnait un avis non invité qui répétait à Sémélé d'être sur ces gardes. Oh, pas contre lui, mais plutôt contre elle. Éduquée par cette figure matriarcale aigre et déférente, soucieuse des bienséances, elle entendait déjà ces reproches silencieux qui se logeait dans les pupilles de sa mère si elle apprenait ô combien sa fille déposait les armes.

— Oh-, serait-ce une agile déception qui aurait traverser quelques instants le cœur de la jeune femme, oui, je vois.

Deux grands yeux écarquillés sous la surprise d'une annonce si soudaine, rapidement contrer par une tentative un peu bancale de se rattraper. Mais le voir s'intéresser aux étoiles ravissait déjà bel et bien Sémélé, qui espérait désespérément de trouver un compagnon constellé. Se demandant un instant comment ce professeur pouvait trouver le temps nécéssaire à la lecture d'ouvrages de si petite valeur pour certains, Sémélé en omis presque l'enchantement de voir les constellations tant tenir à Lancelot.

— C'est vrai, le ciel est particulièrement beau ce soir.

Rêveuse, Sémélé s'extasiait sur la photo que son regard avait pu capturer du ciel nocturne alors qu'elle se rendait dans la salle commune d'un pas décidé. Sensible à la beauté nébuleuses, elle aurait pu se perdre sur le chemin et profiter d'un détour bien mérité pour observer la voute céleste. Quand elle revient sur terre avec une violence incontrôlée.

— Est-ce que c'est... Une proposition ?

Les traits du visage qui s'étirent en une grimace interloquée, pas tout à fait sure d'avoir capter l'essence derrière ces quelques mots anodins, Sémélé s'en serait voulu d'avoir mal compris. Quel sentiment de gêne aurait bien pu serpenter jusqu'à son esprit encore agité. Au pire, elle n'aurait qu'à feindre l'incompréhension, dans ce vacarme pas si assourdissant pour être une excuse valable.

Il n'y avait pas que Lancelot qui regrettait de ne pas réfléchir avant de parler.

Lancelot Louis Bastien de la Fromagère:

Sémélé sembla un peu surprise par les mots du professeur, avait-il dépassé une limite qu'il n'aurait pas dû? Une légère peur qui s'envola très vite lorsque la jeune femme continua. Il pensa très fort qu'il n'y avait pas que le ciel, qui était particulièrement beau ce soir, priant que ça ne le soit pas assez pour transparaître dans son regard.

Une proposition? Eh bien, ce serait mentir que de le nier. Il porta une main à sa nuque, le regard tourné vers une des fenêtres qui donnaient le dehors, quelques bouts de ciel osaient transparaître entre les feuillages de quelques arbres plantés par là.

- Il se pourrait bien. Se risqua-t-il à répondre.

Lancelot reposa ses yeux sur Sémélé, se perdant légèrement dans les détails de sa tenue, la douceur de ses traits réveillait une douce chaleur dans son coeur. Il était vraiment très heureux d'avoir pu la croiser, même si c'était pour quelques instants, espérant que ce semblant de proposition rencontre une réponse positive. Même si pas mal de gens s'étaient risqués à profiter de la soirée bien fraiche, qui les reconnaîtraient ainsi accoutrés? Il replaça son béret qu'il sentait glisser un peu.

- Je me suis dit que ce serait bête de ne pas profiter d'un ciel aussi dégagé.

La voute céleste se dessinait avec prestance dans le ciel sombre de la nuit, les astres célestes étaient de sortis et ce serait l'occasion de le regarder autrement qu'à travers les feuilles de papiers des ouvrages empruntés plus tôt.

Sémélé Vasillis;

Elle se trouvait bien idiote, avec cette proposition sur les bras. De surprise en surprise, Sémélé s'était déjà préparer à essuyer le plus cinglant des refus. Perdue dans un mélange de sentiments vaporeux qu'elle n'aurait su défaire, elle se sentait marcher sur des œufs, au moins autant que son interlocuteur. Ils devaient avoir l'air bien fait, d'un regard extérieur, absorbé par les festivités. Scrutant le visage de Lancelot quelques instants avant de laisser ses yeux se perdre sur la fenêtre de la salle, Sémélé ne trouvait pas réponse absolue à servir. Elle se contenta d'acquiescer, incapable d'ajouter quoi que ce soit.

— Je me disais la même chose, finit-elle par laisser échapper.

Secourue d'un silence qui aurait pu très rapidement se trouver inconfortable, Sémélé fut ravis de voir qu'on partageait son point de vue. Si la soirée prévue par le pensionnat était une idée qu'elle avait fortement apprécié, observer le ciel était pour elle d'une toute autre importance. S'éprendre des astres résonnaient en Sémélé comme une meilleure occupation, depuis ses plus jeunes années.

— Et puis, ce n'est pas comme si cette soirée avait besoin de nous.

Tout le monde avait l'air de plus bien s'amuser, à part peut être quelques visages renfermés qui finiraient sans doute par se détendre. Et si elle appréciait la compagnie de ses camarades, la soirée de Sémélé se serait sans doute soldé par une gentille fugue en quête d'un par-terre d'où elle aurait pu apprécier le ciel étoilé. Détachant son regard de la fenêtre, elle releva son visage étirée d'un doux sourire.

Sourire, ça lui avait profondément manqué, incapable pendant un temps de retrouver cette charmante harmonie qu'elle prêchait à qui voulait bien l'entendre. Manquer au point d'être heureuse à la simple idée de l'être.

Lancelot Louis Bastien de la Fromagère:

Les mots de Sémélé laissaient présager qu'elle ne serait pas contre perdre son regard dans le ciel avec lui, ça lui fit intimement plaisir, intensément rassuré de ne pas avoir essuyé un refus. La dernière fois qu'il avait eu l'occasion de partager la vue céleste avec la jeune femme, c'était ce soir où ils s'étaient mystérieusement croisés, au détour d'un hasard, d'une nuit où le sommeil ne venait pas. Trop absorbé par le travail pour s'intéresser comme il se devait aux étoiles, il pourrait se rattraper ce soir.

Lancelot eut un sourire à la remarqué de Sémélé, ça sonnait un peu comme faire le mur, alors que cette soirée n'éxigeait même pas sa présence. Ca lui rappelait sa fougue adolescence, sans les parents pour lui faire quelques remontrances cette fois-ci. Il se frotta le menton, faisant mine de réfléchir.

- C'est pas faux.

Son sourire s'étira un peu plus à la vue de celui qui se dessinait sur les lèvres de son ancienne élève. C'était un peu comme une victoire. Le dernier visage qui s'était gravé dans son esprit dégoulinait d'une douleur si intense qu'il en avait presque eu mal aussi. Même s'il se doutait que la peine était encore dure à étouffer, se dire qu'elle pouvait souffler se révélait être un doux soulagement.

D'un mouvement de menton, Lancelot montra l'une des sorties de la salle commune, attendant que Sémélé lui emboîte de pas pour qu'ils puissent discrètement se glisser hors de la foule. La fête allait bon train, il lui sembla que la plupart des gens étaient contents d'être là. Il espérait que cette effervescence puisse durer encore longtemps, et que ces jeunes gens puissent danser gaiment sans que le destin ne vienne un jour les rattraper. Certains jours n'étaient pas évident et c'était bien la raison de l'existence de ce pensionnat.

Après être passé entre quelques personnes, l'air libre leur chatouillait les joues. Le professeur se tourna vers Sémélé à peine éclairée par les lampadaires dont la lumière tamisée essayait de repousser les ténèbres.

- En plus il fait plutôt bon. Il replaça un peu son foulard. Tu as un endroit d'où on les voit le mieux?

Plutôt novice dans l'observation d'étoile, il s'en remettait totalement à l'expertise de la jeune femme, n'ayant pas très envie de l'emmener s'allonger ailleurs que là où elle se sentirait peut-être le mieux.

- Je n'ai pas encore eu l'occasion de chercher une des meilleures vues.

Il eut un sourire peut-être un peu gêné, un peu caché par la nuit qui était maintenant bien tombée.

Sémélé Vasillis;

Amusée, ce fut avec une difficulté sans précédent qu'elle tenta de cacher son enthousiasme lorsqu'elle se faufila entre les élèves badinant, suivant les pas du professeur jusqu'à l'extérieur. Elle appréciait l'impression de liberté curieuse que lui insufflait doucement les festivités et l'air qui s'adoucissait. L'été touchait enfin à sa fin, et l'automne viendrait bien vite tapisser la cour d'un doux tapis orangé. Sémélé adorait ces couleurs chaudes qui s'étendaient à perte de vue sur la pelouse de la maison familiale. Et si le pensionnat n'était peut être pas aussi beau que sa terre natale, Sémélé saurait s'en accommoder. Son regard lointain tentant de percer l'obscurité naissante à peine éclairée par la lumière diaphane des lampadaires mélangé à la douce chaleur des étoiles qui perçaient au loin se reposa sur Lancelot lorsque celui si reprit la parole.

— Heureusement que je suis là alors.

Si le couvre feu avait empêché une Sémélé un peu trop sérieuse, ou effrayé par les potentielles représailles de sa mère, d'explorer à sa guise les abords du pensionnat, elle profitait avec avidité des quelques instants qui lui étaient permis d'avoir pour étudier quelques emplacements remarquablement bien exposé en cette saison.

— Je pense pouvoir trouver ça, fais moi confiance.

La confiance, étonnement, Sémélé en sentait plein ses poumons. Peut être un peu trop. Dans un instant mélange de hardiesse naissante et d'ardeur juvénile, elle élança sa main, hasardeuse, à la rencontre de celle du professeur. Et comme si son corps ne répondait plus tout à fait aux commandes de son esprit, il lui fallut attendre que son système nerveux en décide pour elle. Un léger tressautement, quand Sémélé se rendit compte de son geste désespéré. Au premier contact d'épiderme, sa tentative irréfléchis fut avorté. Avec un peu de chance, Lancelot ne s'en serait même pas aperçu. Mais une chose était sure: elle devait être tout aussi embarrassée de cette situation que le professeur avait pu l'être en arborant ce déguisement - qu'elle trouvait étrangement amusant.

Le cerveau qui s'élance à toute allure dans une course effrénée, et le myocarde qui tambourine, qui tambourine à en donner mal au crâne, Sémélé mets un pied maladroit devant l'autre.

— S-suis moi.

Ramassant à la petite cuillère le peu de neurone qui ne s'était pas laissé absorber par cet inexplicable émotion grandissante au creux de son ventre, elle entraina Lancelot vers une destination inconnue. Il lui en fallait, de la volonté, pour ne pas se laisser submerger par ses inquiétudes superficielles. Alors, Sémélé s'enfonçait dans la cours à la recherche de la parcelle parfaite. Et après quelques pas dans un silence qui lui parut assassin, livrée à ses troubles pensées, la femme-plante s'arrêta, jaugea de son expertise novice les alentours, avant de se retourner.

— Ici, ça me semble plutôt bien.

Elle évitait soigneusement ses yeux bleus, plongée dans la quasi-obscurité.

Lancelot Louis Bastien de la Fromagère:

S'échapper d'une soirée même pas si mauvaise que ça, ce genre d'escapades nocturnes qui rappellent une tendre jeunesse pourtant pas si lointaine. L'ivresse chaude qui embaumait l'air de la soirée mettait Lancelot de bonne humeur. Sémélé était la deuxième raison de ce léger sourire qu'il ne décrochait pas de ses lèvres. Il avait demandé l'expertise de la jeune femme qui semblait prendre son rôle très à coeur. Heureusement que je suis là, avait-elle dit. En effet, heureusement qu'elle était là. Petit rayon de soleil à travers la nuit sombre qui embrassait les environs.

Il fut content de l'entendre le tutoyer, d'avoir l'impression ne plus être juste un professeur. Et il lui faisait entièrement confiance. L'espace d'un instant, il crut qu'elle allait saisir sa main, peut-être qu'une impression, un mirage créé par une euphorie enivrante? Comme la subite décharge électrique d'un toucher furtif.

Quand Sémélé lui indiqua maladroitement de le suivre, il hocha la tête, lui emboîtant le pas à la recherche du petit mètre carré d'herbe parfait pour perdre son regard entre les étoiles. Après un silence  durant lequel elle sembla méditer, elle déclara avoir trouver un endroit propice. À vrai dire, elle aurait pu l'emmener n'importe où, il aurait savouré la voie lactée de la même manière. Mais pas de la même façon que si elle n'était pas là.

Lancelot leva les yeux au ciel, dans la profondeur vertigineuse de cet infime bout d'espace avant de reposer le regard sur la jeune femme qui se tenait près de lui.

- Ca me semble plutôt bien aussi.

S'il avait eu une couverture, il aurait pu la poser au sol, même si le contact direct avec un peu de verdure n'était pas si désagréable, un petite brise de nuit leur chatouillant la peau. Il s'assit, les bras en arrière pour retenir le poids de son corps, le regard rivé sur quelques étoiles. Il essayait de se souvenir de ce qu'il avait bien pu lire, repérer quelques constellations parmi ces petits points lumineux qui couvraient le ciel. Il n'a jamais été bon en géométrie, relier les bons points pour donner les bonnes formes, c'est sûrement pour ça qu'il a trouvé refuge et passion ailleurs. 

Il sentait son coeur battre un peu plus fort, perdre son regard parmi les astres ne se ressentait pas pareil en fonction de s'il on était accompagné ou non. Surtout si cette compagnie était particulièrement appréciée.

Sémélé Vasillis;

Elle aimait bien, Sémélé, la sensation de l'herbe chatouillant sa peau. Ça lui rappelait son enfance passée dans le jardin de la grande maison familiale, à se rouler sur le gazon humide de rosée, les cheveux en batailles et pleins d'épines. Si elle entretenait un lien tout particulier avec la terre, Sémélé savourait chaque instant de répit, plongée dans une vie urbaine si éloignée de son confort campagnard. Elle ota sa coiffe qu'elle déposa à côté d'elle, trop soigneuse pour oser risquer de l’aplatir. Un cadeau de sa sœur, comment l'abimer? Allongée, elle laissa sa main glisser sur la verdure, tournant son regard vers l'immensité étoilée qui les regardait. Encore troublée, Sémélé était bien heureuse de pouvoir se perdre dans entre les étoiles, plutôt que d'affronter le regard de Lancelot qui lui aurait recraché à la figure sa propre hardiesse refoulée.

Détaillant d'un œil pas tout à fait expert, mais pas non plus novice, Sémélé scrutait avidement la moindre étoile brillante en quête d'une constellation aisée à détourer de la toile mouvante. Elle aurait pu rester plusieurs heures sans bouger, étendu sur le gazon, les yeux perdu, aux côtés de ce professeur qui ne semblait plus tant l'être que ça, au final. Elle aurait pu rester là, paisible, sans ajouter un mot de plus, appréciant en silence la présence de l'autre, à peine éclairé par la lumière nocturne. Mais dans ce calme ambiant, son esprit aurait pu s'échapper à son tour et proposer à Sémélé bons nombres de scénarios tous plus improbables les un que les autres. Il fallait trouver une constellation, et vite, avant de se perdre une bonne fois pour toute.

— Là-bas.

Son doigt de se leva en direction du ciel, dans une trajectoire qu'elle espérait assez évidente, pointant cinq points distinct.

— Lyra. Ou La Lyre.

Ses heures passaient devant des cartes, à explorer les moindres recoins du ciel, n'avaient peut être pas servit à rien, finalement. Elle pouvait distinguer quelques constellations, avec une facilité parfois déconcertante, quelques étoiles et leurs constellations. Elle pouvait aussi raconter ces histoires qui semblaient leur donner un sens.

— Toutes les constellations ont une histoire. Celle là, c'est celle d'Orphée et sa lyre. Celle qui pouvait apaiser par sa musique toute colère et apporter la joie. Après la mort de son propriétaire, elle est tombé dans une rivière, et Zeus l'aurait faites chercher par un aigle avant de la placé dans le ciel. Juste là.

Elle se mordit la lèvre. Sans doute parlait-elle un peu trop quand il s'agissait des constellations. Et peut être que le professeur connaissait déjà cette histoire. Après tout, il était professeur d'Histoire. Ce genre de chose, les mythes grecques, ça devait le connaitre un petit peu. Sémélé s'aventura à jeter un coup d’œil sur Lancelot, allongé à côté d'elle, comme pour s'assurer qu'il était toujours là. Et qu'il n'avait pas prit ses jambes à son cou, lui et sa petite marinière.